Qui dort Dîne

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A l'intérieur de Milan Lazsco se dissimulait une créature d'un autre genre, qui n'avait guère à envier à celles qui lui faisaient face en terme de voracité. Le vampire à cet instant ne demandait qu'à surgir, bien qu'il ne soit pas certain de faire le poids contre plusieurs monstres de cet acabit. Mais s'il était prêt à combattre, Milan n'eut pas à le faire : une intervention extérieure œuvra pour sa sauvegarde.

Le claquement cinglant d'un fouet venait de résonner à leurs tympans. La créature mi-homme mi-ours retira sa patte énorme dans un rugissement de douleur, à laquelle répondit une voix plus ferme encore que le coup de fouet :

  – Buldor, recule !

Par la première porte, une silhouette véloce était entrée. Sans peur, elle bondit pour s'interposer entre l'étranger et la meute. C'est à ce moment que Milan se rendit compte qu'il s'agissait d'une jeune femme - une vraie, cette fois, pas une de ces créatures.

  – Qu'est-ce que tu comptais faire ? siffla la jeune femme en face du monstre. Le tuer ? Contre la volonté de mon père ?
  – C'est un espion de Tarsis ! gronda le meneur d'une voix à faire trembler les murs, plus rauque qu'avant sa métamorphose. Il mérite la mort !

Un chœur de grondements indiquant leur accord se répandit en arrière. La jeune femme dut faire claquer son fouet une autre fois pour tenir les monstres à distance.

  – Nous ne pouvons pas nous permettre d'agir ainsi ! s'écria-t-elle. Si vous ne le comprenez pas avec votre cerveau, alors je vous le ferai comprendre par la douleur.

Peu intimidé par ces mots, le meneur émit un râle qui ressemblait à un ricanement puis reprit son avancée sous cette forme animale. La jeune femme ne bougea pas malgré le danger qui la guettait et fit bravement face à la créature.

Si Milan, au fond de lui, doutait que cette fille, si courageuse fût-elle, soit capable de retenir une telle créature, il n'eut pas l'occasion de le découvrir. Tout à coup, une sorte de frisson parcourut les membres de la meute. Ils s'arrêtèrent dans leur progression.

Leur masse compacte s'ouvrit, ils s'écartèrent pour laisser avancer une seconde silhouette au milieu d'eux, dont la présence calma d'un coup leurs ardeurs.


Le nouvel arrivant se retrouva dans la faible clarté projetée par la lucarne, Milan put voir qu'il était humain, lui aussi, comme la fille. Il n'était pas très grand mais trapu, robuste, et possédait un regard intense, intensité encore accrue par le bandeau dissimulant son œil droit.

Le meneur de la meute animale, moins intimidé que les autres par cet arrivant, poussa un grondement hostile.

  – L'étranger est envoyé par Tarsis ! Il faut l'abattre !
  – Recule, Buldor, ordonna d'une voix ferme l'homme au bandeau. Sors de cette maison, rentre chez toi avec tes troupes. Nous ne tuerons personne ce soir.

Les deux personnages humains d'un côté, la créature ursidée et sa meute de l'autre, se firent face avec défiance, dans un climat tendu, sous les yeux de Milan Lazsco, toujours sur ses gardes. Pendant plusieurs secondes menaçantes, ils restèrent ainsi, face à face, à tester la détermination de l'autre.

Jusqu'à ce que subitement le monstre dénommé Buldor capitule.

  – C'est toi qui commande, finit-il par cracher. Profite-en... ça durera plus longtemps.

Après ces imprécations, doublées d'un regard mauvais en direction de la jeune femme qui l'avait privé de sa proie, le meneur sortit en entraînant sa meute avec lui. On entendit encore pendant quelques instants le bruit de leurs pas lourds et mal accordés s'éloignant dans les couloirs, puis leur départ se conclut par le claquement de la lourde porte extérieure.

Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant