Malte
1977Une femme pénétra dans la Taverne de la Croix d'Argent.
La femme était jeune, mais la fatigue de son regard la vieillissait d'une dizaine d'années. Son visage était mate, sillonné de cicatrices. Ses cheveux, autrefois d'un brun profond, paraissaient désormais grisonnants. Elle les avait attachés en un chignon pour des raisons pratiques, laissant seules quelques mèches rebelles encadrer son visage.
Ses yeux, vifs en revanche, reflétant une détermination inébranlable, fouillèrent l'auberge assombrie comparativement à la forte lumière extérieure.
L'endroit était sombre, mais en aucun cas il ne semblait glauque. Propre au contraire, calme ; peut-être suintait-il un peu d'une atmosphère de fatigue. Les conversations s'y déroulaient en sourdine, à peine dérangées par les rais de lumière étroits qui pénétraient dans la salle au travers des volets clos, situés sur le pourtour extérieur.
L'odeur du sel marin et du bois vieilli se faisait ressentir plus que celle de l'alcool. La taverne était peuplée de nombreuses silhouettes robustes, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, toutes rompues à une discipline militaire. Leurs tenues en revanche étaient dépareillées, ils ne portaient nul uniforme, seuls quelques croix à huit branches ornaient leurs chemises, ou leurs capes.
Dans la pénombre, les visages n'étaient guère discernables. L'aventurière pourtant fouilla l'endroit sans bouger depuis l'encadrement de la porte d'entrée, pendant de longues minutes, jusqu'à ce qu'elle trouve, dans le fond de la grande salle, ce qu'elle cherchait.
D'un pas résolu, elle avança alors vers le fond de la taverne, en cramponnant les anses du sac accroché à son dos. Le sable émaillant les dalles de pierre crissait sous ses pieds. Autour d'elle, les clients ne semblaient pas lui prêter attention, guère d'entre eux ne sortaient de leur espèce de somnolence.
La jeune femme atteignit une table isolée, plongée dans l'obscurité. La se trouvait une silhouette vêtue de noir, au visage glabre, la mâchoire saillante, les yeux dissimulés par un chapeau usé.
Directement, elle s'adressa à cet individu attablé.
– Milan Lazsco, je présume, déclara-t-elle.
L'individu releva le visage, faisant apparaître ses yeux pâles sous le chapeau. Un rictus vint déformer ses lèvres, exhibant une dentition parfaitement blanche.
– Cela dépend de qui le demande, et pourquoi, répondit-il sur un ton facétieux.
Il en fallait beaucoup plus que cela pour déstabiliser l'aventurière. Avec assurance, elle tira la chaise faisant face au personnage, et s'assit sans se faire inviter à sa table.
– Je m'appelle Camilla Sandoz, déclara-t-elle, et on m'a conseillé de m'adresser à vous. Il parait que vous aimez les défis.
– Tout dépend du défi... et de ce qu'il rapporte.
Camilla Sandoz sortit un objet sphérique de son sac, imprégné de sang, comme une sorte de mélange entre un ballon et une tête humaine. Il en émanait une puissante magie pour qui savait la ressentir.
Camilla déposa l'objet sphérique sur la table et déclara effrontément :
– Qu'est-ce que vous connaissez aux malédictions ?
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Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]
VampirosAu détour d'une route des Pyrénées, deux villages se livrent à une compétition antique et mortelle. Serait-ce l'œuvre d'une malédiction ? Il se trouve que même quand on est un vampire, on ne plaisante pas avec les malédictions. ...