-Prologue-

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La nuit est sombre cette fois-ci, toi qui l'apprécies.

Je marche, silencieusement dans cette sombre ville peu animée. Je vois alors le pont, rouge, fait de métal que nous avions traversé il y a peu. Les seules lumières visibles sont celles des fars, des lampadaires, des feux ou encore celles des fenêtres.

Les voitures roulent en continu et ne s'arrêtent pas. Elles sont bien silencieuses ce soir mais paraissent si nombreuses. C'est un flux qui est incessant, quelle qu'en soit l'heure, il y en a toujours et pourtant tout me paraît si vide.

Je vois ces quelques personnes, elles qui ont une vie et la construise. Chacun marche, court ou s'assoit. Tout autour de moi est fluide mais tellement désordonné.

Peut être parce que tu n'es pas là.

Les gens de cette ville continuent pourtant leur vie, belle ou non mais la continue. D'autres y mettent fin et ne dérangent personne puis il y a ceux qui la commencent et changent le monde. Là est le cycle sans fin auquel tout le monde appartient. Mais pourquoi est-ce si difficile de m'imaginer la continuer sans toi, cette vie ?

Selon moi lorsqu'une existence se termine, une autre débute et tandis que ce cycle se répète, leurs vies créent un livre propre à chacun. Seulement moi, j'ai choisi d'écrire mon livre avec toi. Pourquoi tout cela ne pouvait finir que comme ça ? Je me considère idiote depuis que tu es parti ainsi et j'étais heureuse quand ce destin n'était pas encore prévisible ou même appâtant par ma conscience bien trop aveuglée par la joie que tu me faisais miroiter.

Pourquoi ne l'as tu pas continué avec moi ?

Pourquoi la notre a fini ainsi ?

Un courant d'air me traversa et fit soulever mes cheveux. Ils cachèrent alors la petite larme que je sentais couler sur ma joue depuis plusieurs secondes humidifiant ma peau bien trop pâle. Si je n'avais pensé une seule seconde que je reviendrais ici, j'aurais probablement feuilleté le livre que tu voulais que l'on lise. Il serait tombé avec moi, avec nos souvenirs.

Toi qui voulait le brûler, tu n'en es même plus capable alors je le coulerai à la place. Tu ne tiens même pas tes promesses si superficielles. Puis-je donc te considérer comme un lâche alors que je m'apprête à abandonner toute forme d'espoir ?

Et pourtant, malgré ton départ, les seules fois où mon visage daigne montrer une simple expression, un simple sourire, c'est lorsque je repense à toi même si ma raison ne veux gère l'admettre, mon corps le comprend lorsque mon cœur palpite et que je le sens battre en ma poitrine.

Je m'avançai pas à pas vers ce lieu qui est maintenant ma dernière destination. La marche jusqu'ici m'est parue longue.

Le silence d'ailleurs n'a jamais été aussi sourd. Sourd au point de brouiller mon esprit et désordonner mes pensées. Mon abdomen se sert dès que je fais semblant de t'oublier, comme un vieux souvenir relié à ma vie que je ne peux pas encore arrêter.

J'avançai sans prendre compte de qui que ce soit autour de moi. Mes pieds atteignirent enfin le pont, le fameux pont n'est-ce pas ? Ma main glissa librement le long de la rambarde. Je la tapotai même quelques fois, le son de mes bagues s'entrechoquant sur le métal fut apaisant pendant un temps.

Aucune musique aux oreilles, seulement le bruit de mes pas et des petites vagues s'écrasant sur les piliers qui soutiennent le pont. Personne ne me regarde, personne et pourtant je me sens observée.

Sans doute me regardes-tu ?

Quelle ironie.

Je pensais que le suicide était un acte lâche, même égoïste et pourtant me voilà. Probablement ta bêtise qui a déteint sur moi.

Certaines personnes se joueront de ma mort ou par simple coïncidence seront heureux. Même si j'en ai rien à faire, il m'est impossible de ne pas y penser. Peu de klaxon, peu de gens, le frais de la soirée et la douceur du vent; c'est donc dans cet environnement que mon cœur va s'arrêter et mes poumons également, simples à se noyer dans l'eau que j'inhalerai.

Je m'attendais à mieux.

Mes pas se rapprochèrent au fur et à mesure du bord au vide, entre cette triste terre et cette douce eau.

Pourquoi attendre ?

Je pense vouloir y aller; là n'était pas là fin que je m'étais imaginée. Mais que de mieux que l'eau et la noirceur de son fond pour y laisser mes dernières pensées. Un léger rictus sortit de ma bouche, il fut bref mais je l'avais entendu.

C'est facile à dire.

Prétendre et avoir du courage c'est différent. Si je saute je suis libre ? Et pour ainsi dire morte. Je suppose prétendre à ces cinq minutes, ces cinq derrières minutes, ni plus ni moins. Ce sera bien la seule mort qui put être contrôlée.

Mes yeux regardèrent une dernière fois autour de moi. Malgré le sombre noir qui englobait la ville, je pus voir les faibles rayonnements de la lune.

   Ils sont beaux. Si beaux. Cette noirceur me semble apaisante quand aucune lueur d'espoir outrage son sombre destin.

Dans mon dernier mouvement de tête, j'aperçus une personne, un homme. Chaque silhouette me fait penser à la tienne. Vêtements sombres et visage caché. Celle-ci s'avança le long du petit trottoir présent sur le pont et ne détourna pas la tête de sa trajectoire.

   Je souris bêtement pendant que tous nos souvenirs déferlent dans ma tête. Comment est-ce que ça a pu finir ainsi ?

Me maudissant d'espérer que toutes personnes que je croise puisse être toi car ton souvenir ne veut pas partir ou même me lâcher, mes ongles se plantent étroitement dans la paume de mes mains. Alors, mon pied s'avança droitement se laissant pendre au dessus du vide. Je rapprochai ma tête et la penchai afin d'entre voir ma prochaine chute. Mes yeux livides de joie et remplis de tristesse contemplèrent ainsi la hauteur qui me sépare du fond. D'aussi haut je ne pourrai pas rater.

Mes mains tremblèrent, elles qui sont dans mes chaudes poches tachées de sang. Je fermai les yeux, pris une grande respiration et basculai mon poids dans ma jambe pendue dans le vide.

Je basculai.

Je tombe.

Non, c'est comme si je volais.

C'est trop tard maintenant.

J'eus le temps de me retourner afin d'observer les quelques nuages cachant la lune.

C'est comme dans les films.

Tout me paraît ralenti. Tout me paraît si simple puisque je n'ai plus la possibilité de choisir.

C'est la fin de mon histoire alors pourquoi repenser à son début ?

Ce fut ma première année d'émotion et ma dernière de vie.

Our Book [Dᴀʙɪ x ᴏᴄ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant