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Et c'est ainsi que je me suis retrouvée à venir le voir quelques soirs. Aucun n'est meilleur que l'autre car nous ne discutons pas, là-bas nous ne nous questionnons pas pour remplir le vide que le silence instaure mais pour nourrir notre savoir sur l'autre. C'est cette curiosité qui fait que l'on apprend, que l'on s'affranchit de la normalité qui nous est naturellement soumise.

Lui de son côté déroule rarement les différentes pages internet de son téléphone et observe simplement le ciel puisqu'il est assez sombre pour ne pas piquer les yeux. Je l'entends faire ainsi, et j'en suppose ceci. Quant-à moi, je lis et tourne les pages du livre qui l'avait intrigué d'une façon si futile qu'elle paraissait surfaite.

Je ne sais pas à quoi il pense et je ne connais pas non plus un quelconque trait de son apparence. Dans la rue, je ne pourrais le reconnaître qu'à sa voix bien faite, non abusivement grave et si douce pour mes oreilles. D'un côté c'est rassurant, de l'autre ça me fait peur.

Il sait ce que je fais car il m'entend, il me questionne de temps en temps tout comme je le fais assez imprudemment pour en découvrir une infime partie de ses aspects. Il me parle et je fais de même, l'on ne se doit rien. Enfin, c'est ce que j'aurais pu dire avant de m'engager dans cette espèce de promesse jamais réellement évoquée qui marque tout de même nos esprits. Le mien en tous cas. Et je pense au livre.

C'est les moments amusants comme lorsqu'il me parle ironiquement qui me font oublier la petite peur qui grandit en moi jours après jours, celle qui m'empêche tout à coup de m'endormir alors que j'étais au bort du précipice surplombant mon sommeil, celle qui se nourrit du doute qui noie parfois mon espoir et qui se retrouve ensuite chassée par ma raison. Celle me disant que j'ai trouvé quelque chose que je perdrai ensuite.

Certaines fois, on discute souvent. Il y a néanmoins des soirs où l'on parle très peu, même jamais. Mes yeux se ferment parfois. Je dirais que ce n'est en aucun cas pareil à la veille et pourtant pour moi, c'est comme une habitude à découvrir quelque chose que j'espère durer. Mon esprit a toujours aimé la routine, mon corps apprécie quand rien ne change et ma conscience profite des habitudes que j'aime savoir acquises. S'en est en tous points l'inverse mais, cette situation, je l'aime quand même.

Voilà plus d'une semaine que je lui ai dit qu'il aurait un cadeau bien meilleur au précédent mais je n'ai pas vraiment quelque chose de précis en tête. Étant dans ma chambre la plus part du temps comme à l'heure actuelle, l'occasion d'observer les conseils des pubs de la télévision ne se présente pas et je ne pense pas vraiment m'y fier. Concrètement, mes options sont immenses. Je pense même en avoir choisi une, maintenant que j'y pense, j'ai trouvé ce qu'il recevra de ma part et c'est même parfait.

J'effleurai alors le livre sur mon bureau subitement après avoir coulé bien trop profondément dans mes pensées avant de descendre dans le salon pour donner des croquettes au chat.

— Bonjour. Bonsoir, pardon.

*miaulements*

— Ça arrive, attends un peu. Dis-je en déversant la nourriture de Féraille. Tiens.

*Bruit de sonnette*

— Tu y vas chérie ?! Me crie ma mère à l'étage espérant ne pas sortir de son chaud bain.
— Oui, j'y vais.

Je descendis alors avec entrain les escaliers faisant un bruit que je ne pensais pas si bruyant, dans une logique des plus raisonnables, la personne ici présente apporte ce que j'ai commandé il n'y a que quelques jours.

   Sans réelle surprise, j'ouvris l'entrée pour signer à la place de ma mère le bon de livraison et récupérai le grand carton, lourd maintenant entre mes mains. Il se posa délicatement grâce à l'attention que lui portaient mes mains, enlevant mes doigts un part un du colis tout en desserrant la pression que j'avais sur celui-ci pour ne pas pincer la peau de mes mains.

— Ah... soupirais-je. Qu'est ce que tu fais là ?

Féraille a pris place sur le carton comme il le faisait étant chaton. Il me regarda d'une manière que je n'arrivai pas à décrire tout de suite avant de constater qu'il ne bougea pas de sa position.

L'idiot. Mais mignon.

   Comme un petit roi sur son trône. N'ayant pas l'habitude de laisser mes affaires étalées autre part qu'en ma chambre, je supposai que cette fois ci pouvait représenter une exception.

— Féraille, saches que j'avais prévu de sortir dehors alors tu vas devoir partir, ça va prendre du temps, dis-je accompagnée de gestes de mains concrètement inutiles. Pourquoi ne bouges-tu pas ?

...

— Bien, comme tu veux.

Toujours dans l'amusement que provoquait le regard de mon chat, je partis dehors en remplissant juste avant ça ma bouteille d'eau. Après cette discussion que j'ai pu avoir avec un être qui ne me comprend même pas, je me dirigeai machinalement dehors en passant pas la porte fenêtre derrière mon canapé. D'un signe de tête, j'observai même une dernière fois Féraille encore scotché à mon colis qu'il recouvre avec l'entièreté de son corps, de ses rondeurs, et de ses poils... M'en voilà ravie.

Mais maintenant me voilà, devant cet arbre. Celui composé de nombreuses écorces abimées après avoir étaient frappées à maintes reprises depuis des jours. Mon corps se rapprocha de celui-ci en posant sur le côté ma bouteille que j'avais remplie juste avant.

L'arbre est en effet majestueux. Il est grand et épais, il est même l'exception de toutes ces autres plantes identiques alignées au bord des palissades du jardin. J'ai l'occasion depuis des jours d'entendre les oiseaux qui fuient dès mon premier coup. Les battements de leurs ailes me sont alors depuis familiers.

Je frappai.

Frappai.

Et frappai encore.

Malgré avoir étais entraînée depuis longtemps et plus durement au lycée, je n'avais pas vu la perspective qui me paraît nette désormais. Celle où j'entreprenais par moi même quelque chose que ma mère serait horrifiée de voir ce qui me fis sourire comme une jeune enfant de 10ans. Je sais pertinemment que frapper dans un arbre n'améliorera presque rien mais...

   Elle souhaitait que je devienne forte, oui, mais elle pensait également que ça ne se fait que par magie et que mon niveau m'empêchait d'être blessée cependant me voilà, avouant à mes plus grandes peurs leurs existences, leurs réalités. Je n'en mettrais cependant que difficilement un mot sur leur singularité.

C'est douloureux. Des bouts s'enfoncent dans mes phalanges, certains me font plus mal que d'autres, il y en a même que je n'arrive à enlever qu'après une demi-heure dans la salle de bain avec une pince.

Depuis que Nejire m'a dit de devenir forte, j'ai pu confirmer une chose... Je prends plaisir à m'entraîner pour d'autres raisons que celles de mes parents. Voir mes mains, mes tibias et mes coudes blessés est un fait indéniablement non-agréable mais le plus satisfaisant, c'est de les voir de plus en plus propre. Je ne dois plus avoir mal et ce, pour une perception qui ne m'appartient qu'à moi.

Our Book [Dᴀʙɪ x ᴏᴄ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant