— À toi de servir !
Maxime, un grand gaillard de ma classe, me lança le ballon avec un clin d'œil encourageant. Je le réceptionnai d'une main et plissai les yeux de concentration. Placée derrière la ligne du fond, j'observai le filet qui s'élevait face à moi avec la même gravité qu'un général devant l'armée adverse.
C'était déjà notre troisième match de volley, et aucune défaite ne figurait à notre tableau. Plus que quelques points, et nous serions la seule équipe invaincue de ces deux heures de sport. Une prouesse à portée de main.
Visage inflexible, je laissai mon regard s'arrêter sur chaque membre de l'équipe bleue, nos adversaires. Marie, la petite brune à lunettes, que je ne portais pas vraiment dans mon cœur, était sans conteste la moins douée du tas. À la guerre comme à la guerre : pour l'emporter, il fallait savoir exploiter le maillon faible.
Lâchant une brève expiration, j'envoyai le ballon en l'air. Je fléchis les genoux, bondis et étirai tous mes muscles pour le frapper de plein fouet.
Ce fut un véritable boulet de canon qui se dirigea à toute vitesse sur ma camarade de classe. Dans un cri de souris tonitruant, Marie s'écarta, un bras devant le visage pour se protéger. Le ballon rebondit sur le terrain avant d'aller violemment percuter le mur.
Et un point de marqué.
— 13 à 9, clama Antoine, qui servait d'arbitre.
Un arbitre plutôt distrait, d'ailleurs. Accompagné de Stéphane, les deux garçons étaient scotchés à l'écran d'un téléphone. De là où je me trouvais, j'entendais une musique mélodramatique, ponctuée de moult explosions et rafales de mitrailleuses. Jeux vidéo ou bande annonce de film, je l'ignorais, mais cela ne m'empêcha pas de secouer la tête avec agacement.
Je tendis les mains quand Lyse me passa le ballon en pouffant :
— Continue sur ta lancée, Jeanne.
Je la regardai sans comprendre, puis la vis s'enfoncer dans sa mauvaise blague comme une aventurière dans des sables mouvants.
— Jeanne ? Jeanne et Serge ? répéta-t-elle distinctement, comme si le simple fait de prononcer la chose différemment allait éclairer ma lanterne. Le vieux manga, là, tu sais ?
Magnanime, je lui tendis une perche.
— Et si on reportait notre attention sur le jeu ? lui proposai-je gentiment.
Son désarroi fit bien rire Maxime, qui la réconforta à mi-voix, le rouge aux joues. Je pouvais presque discerner les cœurs rouge passion qui scintillaient dans ses yeux alors qu'il la matait.
Je me raclai la gorge et me préparai à mener ma nouvelle attaque. Un autre service sur Marie allait-il encore fonctionner ?
Je pris les paris et réalisai un autre service fracassant. Cette fois-ci, il passa au ras du filet et lui tomba juste sous le nez. Les garçons devant moi laissèrent échapper des glapissements ravis, mais je ne détournai pas les yeux de l'autre équipe. L'imbuvable Marc, dont le dossard bleu flattait le torse musclé (je pouvais bien lui accorder cela), parla un instant avec sa dulcinée, ma victime du jour. Mon œil d'aigle ne perdit pas une miette du discret moulinet de la main qu'il lui fit. Je flairai immédiatement la tactique.
— 14 à 9, balle de match.
— Vas-y, Marc, ne te laisse pas faire ! brailla soudain Stéphane dans un sursaut de solidarité masculine.
Alors là, tu peux rêver, pensai-je en reniflant avec dédain. La défaite n'était pas envisageable, et ce n'était pas Marc, malgré son physique de lutteur, qui allait se mettre en travers de mon chemin.
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Incandescence - Livre I - L'éclat de l'acier [TERMINÉ]
FantasyLe jour, Alicia est une lycéenne comme les autres ; la nuit, elle lutte sans merci contre démons et vampires dans un autre monde. Dissimulant son identité secrète à ses proches, elle jongle avec ses devoirs de math et sa mission de Chasseuse, jusqu'...