Chapitre 29 - L'heure des révélations

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Un vent de panique soufflait sur la classe.

La scène qui se déroulait devant mes yeux était surréaliste. L'alarme continuait de chanter, nous rendant presque sourds et obligeant les élèves à hurler pour s'entendre. Mme Aguilera avait beau s'échiner, des sanglots pleins la gorge, la porte refusait obstinément de s'ouvrir. La vieille enseignante déblatérait, perdue :

— Le système de sécurité devrait être débloqué. Il est fait pour se débloquer dès que l'alarme est déclenchée. Pourquoi est-ce qu'il ne se débloque pas ?

De toutes parts, les uns et les autres exprimaient leurs pires craintes :

— Et s'il y avait le feu ?

— Ou une fuite de gaz dans les labo de chimie ?

— Le bâtiment pourrait exploser, et nous avec !

— Et les fenêtres, vous avez essayé les fenêtres ?

— On est au troisième étage, tête de...

Et malgré ce constat très juste, plusieurs garçons se ruèrent sur les poignées et tirèrent dessus comme des damnés. Néanmoins, comme c'était à prévoir, les fenêtres ne bougèrent pas d'un iota.

L'air moite me collait à la peau. Les cris de mes camarades, couplés à l'alarme qui ne voulait pas s'arrêter, provoquaient des bourdonnements dans mes oreilles. Ébranlée par ce que j'avais été la seule à voir, je peinais à retrouver mes esprits. Ce fut le teint de craie de Lyse, qui s'était laissée tomber sur sa chaise sans un bruit, qui me poussa finalement à réagir.

— Prends tes affaires et suis-moi, lui intimai-je à voix basse.

Elle tourna des yeux de biche apeurée vers moi.

— Quoi ?

— Range tes affaires.

Joignant le geste à la parole, je me dépêchai moi-même d'enfuir stylos et trousse dans mon sac à dos. Immobile, Lyse me regardait comme si je n'avais plus la lumière à tous les étages. Pour ne pas perdre plus de temps, j'entrepris moi-même de débarrasser sa table et de tout balancer dans sa grande besace, que je lui fourrai dans les bras.

— Maintenant, lui dis-je en plantant mon regard dans le sien, quoi qu'il se passe, tu restes avec moi.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ? balbutia-t-elle.

Je l'empoignai doucement mais fermement par le coude et, sans écouter ses faibles protestations, je nous frayai un chemin jusqu'à la porte, délaissée par ceux qui avaient tenté sans succès de la déverrouiller. Ce faisant, je tâchai d'analyser la situation. Au moins un sorcier se trouvait dans le bâtiment. Je ne me faisais pas d'illusions : s'il était là, c'était sans doute pour moi. Deux raisons me vinrent aussitôt à l'esprit : soit il s'en prenait à moi parce que j'étais devenue gênante, soit il le faisait parce que j'étais l'Adalid.

Je songeai à Hyppolyte, à ses mauvaises fréquentations et à son exil anonyme que notre rencontre inattendue avait compromis. Pouvait-il être à l'origine de tout ce désordre ? Oui, mais il y avait un problème : les ondes que j'avais senties dans le mur ne correspondaient pas à son empreinte. Et elles étaient autrement plus puissantes.

Je suis dans la panade.

Je secouai la tête pour m'éclaircir les idées. Ce n'était pas le moment de céder à l'affolement. J'ignorais encore si le mage agissait seul et si les élèves couraient un risque. La première étape consistait à sortir de là et à étudier les forces en présence.

J'eus une pensée angoissée pour mon frère, en cours de chimie. Je n'avais qu'une envie : m'assurer qu'il était sain et sauf.

Arrivées devant la porte, je plaçai Lyse près du chambranle et jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule. L'agitation était telle que personne ne faisait attention à nous : beaucoup tentaient désormais d'appeler les secours avec leur téléphone, cherchant désespérément du réseau près des vitres scellées. Parfait. Je revins à mon amie et lui annonçai :

Incandescence - Livre I - L'éclat de l'acier [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant