À mon arrivée, le gymnase était vide.
Le parquet lustré réfléchissait les rayons rouges du soleil couchant, éblouissant. Seules quelques gouttes de sang et une poudre grisâtre, que j'identifiai comme les restes du très peu regretté Jimmy, témoignaient des événements insolites qui s'étaient produits dans l'après-midi.
Sans certitude, je quittai l'annexe et rejoignis la cour, mettant mes mains en visière pour protéger mes yeux de la lumière aveuglante qui me frappa de plein fouet. Je n'eus pas le temps de faire deux pas : mon apparition suscita des cris extatiques qui me firent sursauter.
— Elle est de retour ! Enfin !
Je reconnus sans peine le timbre un peu voilé d'Helena, fumeuse à ses heures perdues. La Chasseuse, postée à la sortie de la cafétéria, m'adressa de grands moulinets du bras tout en sautillant sur place. Toutefois, sa joie ne fut rien comparée à celle de Lyse qui, alertée par les cris, déboula hors du bâtiment et piqua un sprint mémorable jusqu'à moi pour me percuter plus fort qu'un boulet de canon.
Sous la violence du choc, je poussai une exclamation surprise, qui se termina en éclats de rire quand elle chercha – en vain – à me soulever du sol, les bras fermement enroulés autour de ma taille.
— Tu as réussi, tu as réussi ! scanda-t-elle, sans penser à ma pauvre oreille que ses piaillements vinrent martyriser.
À peine avait-elle hurlé ces mots qu'elle s'écarta brusquement, ses yeux perçants plantés dans les miens :
— Je ne sais vraiment pas ce que tu as fabriqué, mais, vu que tu es vivante, je pars du principe que tu as triomphé.
Elle examina tout de même avec une pointe d'horreur son vêtement fichu que j'allais devoir lui re-dégoter.
— C'est une longue histoire, soupirai-je. Je suis exténuée.
— Une très longue histoire, renchérit-elle avec une expression entendue qui ne me dit rien qui vaille.
Je me figeai, attentive mais peu rassurée. Je connaissais la bête et son acharnement quand il s'agissait d'obtenir des réponses.
— C'est assez amusant que tu n'aies jamais mentionné... comment s'appelle-t-il déjà ? feignit-elle de ne pas se souvenir.
— Ce n'est vraiment pas le moment, bougonnai-je en la contournant pour entrer dans la cantine.
— Charmant garçon, commenta-t-elle tout de même, pince-sans-rire.
— J'ai dit que ce n'était pas le moment, m'agaçai-je.
Le fard que j'avais piqué la fit s'esclaffer, et elle rajouta, baissant d'un ton :
— Je pense qu'une après-midi ne suffira pas à tout me raconter, poupée.
Je levai les yeux au ciel, peu encline à reconnaître qu'elle avait raison.
Les autres nous attendaient, installés au milieu de la cafétéria qui était devenue un camp de fortune. Si Lyse n'avait pas eu peur, avec son étreinte, de me faire sauter la tête façon bouchon de champagne, il en fut autrement de mon frère.
Chris me considéra sans rien dire, mais nul besoin de parler. De ses yeux qui m'auscultèrent longuement à sa mâchoire prise d'un tic, tout me montrait le sang d'encre qu'il s'était fait pour moi. Il hésita, dansa d'un pied sur l'autre, puis céda et me prit dans ses bras.
Cela faisait si longtemps que nous ne nous étions pas enlacés que je m'étonnai qu'il parvienne si facilement à poser son menton sur le haut de mon crâne. Ni l'un ni l'autre n'étions très doués pour exprimer nos sentiments, bloqués par la même pudeur héritée d'on ne savait quel aïeul. C'est sans doute pour cette raison qu'il se borna à me dire :
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Incandescence - Livre I - L'éclat de l'acier [TERMINÉ]
FantasiLe jour, Alicia est une lycéenne comme les autres ; la nuit, elle lutte sans merci contre démons et vampires dans un autre monde. Dissimulant son identité secrète à ses proches, elle jongle avec ses devoirs de math et sa mission de Chasseuse, jusqu'...