Il me fallut du temps pour rassembler mes esprits. Pour prendre pleinement la mesure de ce qu'il s'était passé et de ce qui arriverait la prochaine fois que je le verrais. Un bruit sourd, menaçant, résonna soudain au bout de la rue et me rappela où je me trouvais, les dangers qui me guettaient. Je décampai sans plus attendre.
Plutôt que de m'évanouir dans une pluie d'étincelles, je me lançai dans une course effrénée à travers la ville. Je cherchai dans l'effort un moyen d'évacuer ces émotions trop fortes, trop vives, qui m'écartelaient. Je ne sentais plus ni la pluie ni le froid. Mon esprit était ailleurs, et j'accélérai, encore et encore, dans une tentative désespérée pour reprendre le contrôle de moi-même. Je voulais fatiguer mon corps pour l'empêcher de se débattre, mais, surtout, de ressentir.
Qu'avais-je fait ? Mais surtout, qu'allais-je faire ?
J'arrivai à la Moon House toute échevelée, mais je m'en moquais. Je ne fis même pas attention aux gouttes d'eau que je semai sur les lattes du parquet tel le petit Poucet dans son labyrinthe de verdure. Je tendis l'oreille et perçus un brouhaha indistinct provenant de l'étage inférieur. Je dévalai les escaliers, la main fermement agrippée à la rambarde qui grinça son mécontentement. Je déboulai dans le réfectoire, éperdue, et quelques paires d'yeux convergèrent vers moi. Je sondai la multitude.
Tous ceux qui avaient assisté à l'enterrement se remettaient désormais de leurs émotions autour d'un verre et de petits fours encore tièdes. Je découvris les serveurs en chemise blanche et gilet noir, qui déambulaient autour des convives en soutenant du bout de leurs doigts un plateau chargé de flûtes ou de douceurs. On discutait, on buvait, on se réchauffait au contact des autres. Je croisai le regard de Frédéric, qui s'entretenait à voix basse au fond de la salle avec un homme que je n'avais jamais vu et qui se tenait droit comme un I dans son élégant costume trois pièces.
C'est alors que je remarquai les Chasseuses aux visages méconnus, gainées dans leur tenue noire, qui se mêlaient aux filles de la maison, ainsi que les quelques hommes aux vêtements raffinés et au profil rehaussé de lunettes qui conversaient avec Jack et Oliver. Des envoyés du Conseil, ou de simples collègues de Moon House voisines ? Je ne pris pas le temps de les détailler davantage car une masse de cheveux châtain clair, un peu ébouriffés, capta mon attention.
Je serrai le blouson de Michael au niveau de mon sein gauche, et c'était mon cœur que j'aurais voulu agripper, pour qu'il cesse de me faire mal.
Nonchalamment appuyé contre une table, un verre de vin pétillant à la main, l'Éclaireur paraissait écouter sans les entendre Chloé et Helena, qui lui racontaient je ne savais quelle histoire à grands renforts de moulinets du bras et d'exclamations. Il avait le sourire poli de celui qui est là mais aimerait être ailleurs. Je m'approchai, la tête rentrée dans les épaules, craignant que quelqu'un ne pointe subitement un doigt accusateur sur moi pour que s'ensuive une mise en disgrâce publique.
Mais personne ne me fit attention, et je me frayai un chemin jusqu'à lui sans qu'un seul invité ne se retourne sur mon passage. Chloé, pimpante même dans le deuil, termina son anecdote sur un rire cristallin. J'arrivai à leur hauteur, et elle arrondit ses yeux de biche en me voyant, trempée comme une soupe et aussi blême qu'un fantôme. Je me contentai d'un hochement de tête pour saluer les filles avant de saisir Michael par la manche de son pull. L'Éclaireur, qui ne m'avait pas encore remarquée, sursauta à mon contact. Il eut l'air surpris de me voir. Se rappela alors à moi sa proposition de tout à l'heure et la manière abrupte et bien peu polie dont j'étais partie du cimetière.
— Il faut que je te parle, lui dis-je en coulant un regard à Chloé et Helena, qui ne perdaient pas une miette de notre échange. En privé.
Michael ne répondit pas tout de suite. Ses yeux verts fixaient tant mes doigts qui enserraient le tissu de son vêtement que je le relâchai brusquement. Il se détourna, but une dernière gorgée de sa boisson avant de poser son verre et de s'écarter de la table.
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Incandescence - Livre I - L'éclat de l'acier [TERMINÉ]
FantasíaLe jour, Alicia est une lycéenne comme les autres ; la nuit, elle lutte sans merci contre démons et vampires dans un autre monde. Dissimulant son identité secrète à ses proches, elle jongle avec ses devoirs de math et sa mission de Chasseuse, jusqu'...