Pendant une poignée de secondes, personne n'articula le moindre mot. Éclata ensuite la plus totale des stupéfactions.
— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? piailla Helena en avançant pour se mettre à ma hauteur.
La Professionnelle papillonna frénétiquement des paupières comme si elle aussi espérait se réveiller d'un très mauvais cauchemar.
L'invraisemblable manteau étincelant n'épargnait aucun mètre carré, et pas même les murs, où serpentaient des plaques de givre telles des toiles de cristaux. Je considérai avec méfiance les stalactites translucides dévorant le plafond telles les dents d'un gigantesque monstre de glace. Quant au grand escalier, je n'en apercevais même plus les marches, disparues sous une épaisse couche de poudreuse.
— Alicia ? m'appela Lyse avec un calme détonant au milieu de la panique générale. Tu parles depuis tout à l'heure d'un sorcier, mais tout porte à croire qu'Elsa d'Arendelle a simplement piqué une nouvelle crise de nerfs.
Lyse fut alors le centre de mire de quelques regards perplexes : bien entendu, personne à part moi n'avait saisi le trait d'humour. Je n'eus cependant pas besoin de venir à son secours : le caractère hautement saugrenu de la situation détourna bien vite les autres de mon amie et de ses références douteuses.
— C'est juste une illusion, c'est juste une illusion ! pépia Chloé avec un mouvement de tête affolé.
Sauf que le large nuage de vapeur qui s'échappa de ses lèvres eut tôt fait de la détromper, ainsi que Laurine, qui la rabroua vertement :
— Si c'était vraiment une illusion, on ne serait pas en train de se geler les miches, je te signale.
À contrecœur, je dus reconnaître qu'elle avait raison. Passée notre surprise, nous ne pûmes que constater les faits : la température avait dégringolé pour s'abaisser à un niveau digne d'un très mauvais hiver. Aux picotements qui agitèrent mes narines, je tablais sur moins cinq degrés. D'ailleurs, sous la violence du froid, nos dents se mirent à s'entrechoquer de concert.
Je me ratatinai sur moi-même, maigre tentative pour me protéger de cette ambiance hivernale contre laquelle nos vêtements d'été ne valaient rien. Si les Chasseuses pouvaient compter sur leur veste en cuir, Lyse, dans mon débardeur, entreprit de se frotter vigoureusement les bras, ses cheveux ramenés autour de son cou en une écharpe blonde improvisée. Michael le remarqua également : l'Éclaireur se pressa d'enlever son blouson pour le lui proposer, restant en simple t-shirt. Il était temps d'agir.
Il était temps d'agir.
— Donnez-moi vos mains, vite ! leur lançai-je, ma bouche déjà engourdie par le froid.
Raide comme un automate, je m'approchai de mes camarades, le froid irradiant sous la semelle de mes baskets. Helena était la plus proche, alors je commençai par elle.
Je tâchai de calmer les tremblements qui agitaient mes membres pour entrer en symbiose avec ma magie. Les doigts que je tendis vers elle rayonnaient d'un bel éclat rubis.
— Plamya.
Un petit feu naquit dans le creux de ses mains déjà bleuies. Les flammes dodelinaient paresseusement, en lévitation au-dessus de sa peau. Helena sursauta, puis ses traits se détendirent alors qu'elle savourait le bonheur de retrouver un peu de chaleur. Yeux fermés, un sourire béat aux lèvres, la Chasseuse ne put contenir un soupir de plénitude, où je pus discerner toute sa reconnaissance.
— Tu nous sauves la vie, m'assura-t-elle alors.
Je m'empressai de faire de même avec les autres.
Lyse, emmitouflée dans la veste de Michael, m'offrit ses mains avec une impatience teintée d'excitation. Pour elle, je fis surgir des flammes chantantes, qui s'élevèrent haut devant sa pâle figure et embrasèrent ses cheveux. Elle exposa ses joues au feu ardent et gloussa de contentement.
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Incandescence - Livre I - L'éclat de l'acier [TERMINÉ]
FantasyLe jour, Alicia est une lycéenne comme les autres ; la nuit, elle lutte sans merci contre démons et vampires dans un autre monde. Dissimulant son identité secrète à ses proches, elle jongle avec ses devoirs de math et sa mission de Chasseuse, jusqu'...