Chapitre 1 - Une fille (presque) normale - (1/2)

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Un rayon de soleil s'immisça entre les rideaux de ma fenêtre et éclaira peu à peu le mur de ma chambre. La lumière fauve du matin accrocha ma mosaïque de photos, ricochant sur les visages rieurs. Debout devant ma psyché, j'observais attentivement mon reflet, les sourcils froncés. Sans trop y faire attention, je recoiffai mes cheveux châtains, puis tournai la tête un peu vers la droite, un peu vers la gauche. Un soupir excédé finit par m'échapper, et je m'emparai de mon pinceau.

Non, il n'y avait rien à faire. Impossible d'ignorer le petit bouton qui avait choisi de gratifier ma pommette de sa présence. Le vilain m'avait attaquée pendant la nuit, quand ma garde était baissée. D'un geste rageur, j'entrepris d'appliquer une fine couche de blush pour masquer les dégâts. Aux grands maux les grands remèdes. Quand j'eus terminé, mes yeux noisette se plissèrent pour évaluer le résultat.

— Hm, pas si mal.

J'en étais encore à choisir mes boucles d'oreilles lorsqu'une voix stridente retentit depuis le rez-de-chaussée, me faisant sursauter.

— Alicia ! Tu vas finir par nous mettre en retard !

Mon père, qui avait poussé un hurlement digne des plus grands ténors.

Je me saisis en toute hâte d'une paire de créoles dorées et m'élançai. Je récupérai en hâte mes affaires éparpillées, trébuchai sur l'exemplaire des Misérables que j'avais tenté en vain de lire la veille, puis sortis en trombe de ma chambre. En bas des escaliers, je fus fraîchement accueillie par mon frère, qui se tenait au pied des marches, les bras croisés de mécontentement.

— Tu devrais encore plus prendre ton temps le matin, grommela Chris d'une voix où perçaient impatience et exaspération. Vraiment, ne te gêne pas pour nous.

J'étais effectivement en retard une fois sur deux, mais je ne l'aurais pas reconnu même sous la torture.

— Change de disque, tu veux ? répliquai-je en enfilant mon blouson.

Je m'immobilisai quand je remarquai son regard fixé obstinément sur mon visage. Il se mit à rire, goguenard.

— Mate-moi ce volcan qui t'a poussé sur la joue. Alors, tu n'as pas réussi à le camoufler ?

Je fis mine de rire à sa blague mais, quand il s'y attendit le moins, je lui envoyai mon poing dans le bras. S'il continua de ricaner bêtement, il ne put empêcher sa bouche de se tordre de douleur, pour mon plus grand plaisir. Je jetai tout de même un regard au miroir de l'entrée pour me rassurer.

Calme-toi, Alicia, il est minuscule, me serinai-je.

L'adolescence était vraiment un âge ingrat.

Mon père passa alors la tête par la porte d'entrée avec une expression renfrognée.

— Bon, les gamins, nous houspilla-t-il, vous vous décidez à bouger ou vous avez besoin d'une fessée, comme au bon vieux temps ?

Chris et moi nous exclamâmes d'une même voix :

— On arrive !

Et quand nous nous mîmes à courir comme des dératés pour arriver en premier au siège passager, mon père leva les yeux au ciel. Il fallait dire que cette scène se répétait tous les matins. Après quatre ans, il devait s'en être lassé. Il passa une main dans sa tignasse déjà bien ébouriffée et nous rejoignit à son rythme.

Boudeuse, je m'installai sur la banquette arrière et bouclai ma ceinture. Chris me lança un regard victorieux par-dessus son épaule, et je lui tirai la langue. Quand mon père mit le contact, les notes d'une vieille chanson de Michel Sardou s'échappèrent de la radio. Il se mit à fredonner et, sans crier gare, démarra sur les chapeaux de roue. Nous étions bel et bien en retard.

Incandescence - Livre I - L'éclat de l'acier [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant