Chapitre 13 : Réminiscence

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Le mal de tête s'était estompé. Tout était noir pourtant. Comme en pleine nuit.

"Eh, Jeena, tout va bien ?"

Elle ne connaissait pas cette voix. Elle voulait ouvrir les yeux mais elle ne voyait pas.

"Qui parle ? Où suis-je ?"

La voix soupira.

"Allez, arrête tes conneries. On avance. La bibliothèque est devant nous, on trouve ce qu'on est venu chercher et on se casse."

Elle n'était plus sur son fauteuil, sa jambe ne lui faisait plus mal. Le brouhaha de la ville s'était tu pour laisser place aux ronflements des insectes nocturnes. A peine eurent-ils fait quelques pas que sa main se posa sur ce qu'elle identifia comme une lourde porte en métal froid.

"C'est toujours ouvert ici. Tu te rappelles ? Deuxième allée, sixième rangée, c'est le soixante-et-unième en partant de la droite."

La voix marqua une pause gênée.

"Tu montes la garde ou tu t'occupes d'aller le chercher ?"

Jeena hésita, elle n'avait aucun repère dans un monde si noir.

"Je... Je vais aller le chercher ! Tu m'aides à trouver la première rangée ?"

La présence se fit soudainement plus chaleureuse, attrapant la jeune femme par le poignet droit et posant son autre main dans son dos. Quelques mètres plus loin, sa main droite toucha le bois de ce qui semblait être une étagère.

"Fait vite, quand même." envoya la voix avant de la lâcher et de retourner à son poste.

Jeena fit quelques pas. D'abord prudente, elle se sentit vite habituée à cette situation comme une reprise d'un art que l'on aurait longtemps pratiqué avant une pause. Sa main se détacha de la surface boisée, ne laissant pour repère à la jeune femme que ses propres jambes.

La main droite tendue vers l'avant, elle ne tarda pas à toucher de nouveau une autre étagère, très similaire à la première. C'était l'allée numéro deux, elle se trouvait dans la bonne allée. Il fallait maintenant compter la rangée. Elle admit que les numéros des rangées allaient de bas en haut et ainsi, elle se pencha jusqu'à ses genoux pour commencer à compter. Elle remonta ainsi, comptant les rebords en bois qu'elle touchait. Alors que ses doigts effleuraient les premières couvertures en cuir tanné, elle ne put réprimer un sourire de soulagement pour avoir compris la situation sans vision. Elle finit par arriver à la sixième rangée, située tout juste au niveau de ses hanches.

Il suffisait maintenant d'atteindre le soixante-et-unième livre pour en finir avec cette histoire.

Doucement, sans faire de bruit ni risquer de faire tomber les livres, elle laissa glisser sa main sur les manuscrits et autres grimoires, les comptant un à un, jusqu'à soixante-et-un. La couverture de ce dernier était identique aux autres, assez simple, pas de reliures ni emblèmes. Elle le saisit délicatement.

Admettant sa cécité, elle prit le soin de se concentrer sur les détails : repassant doucement ses doigts sur le cuir, cherchant les craquelures de ce dernier. Le livre semblait si vieux. Elle finit par l'ouvrir, laissant glisser sa main sur le papier. Elle eut un frisson quand elle comprit que son réflexe de toucher n'avait rien d'anodin. De petits interstices et bosses apparaissaient à la surface des pages : c'était bien du braille. Et Jeena le comprenait... Mais pourquoi ? Elle n'en avait jamais vu avant.

Elle se mit à passer ses doigts frénétiquement de page en page, essayant de comprendre au plus vite ce qu'elle avait entre les mains, comme si le temps lui était compté. Il s'agissait vraisemblablement d'un journal. Une sorte de compte-rendu de la vie de la personne qui avait écrit ce livre. Et pour être dans cette bibliothèque, il devait être quelqu'un d'important. Pourquoi étaient-ils venu chercher ce livre, déjà ?

La Couleur de l'IrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant