Chapitre 15 : La cité rouge

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Le vent sifflait, l'air était chaud, et le soleil pesait.

Cela faisait maintenant quatre jours que nos deux voyageurs avaient pris la direction du nord. Quittant leur ville d'accueil Eostys, leur chevauchée était jalonnée de rencontres en tout genre. Cette fois-ci, ils suivaient les grands axes routiers. Dzikhot pouvant tout autant se mouvoir dans la végétation que sur les pierres, il n'abîmait la route que le temps de son passage et Jeena s'occupait de réparer la chaussée derrière eux quand c'était nécessaire. Un travail en tandem qui fonctionnait plutôt bien.

En moins d'une semaine, ils eurent le temps de faire la rencontre de nombreux voyageurs, dont un groupe de chevaucheurs de zoï, une espèce d'immense volatile à long cou et long bec servant communément de monture aux Laefvis. Ils avaient eu l'occasion d'en voir passer à Eostys mais marchant au pas ou en enclos et non pas à pleine vitesse comme sur ces routes. Ces cavaliers les avaient suivis un temps sur l'axe principal avant de les saluer et de rejoindre de plus petites routes en direction d'un village proche.

Les premières nuits, ils firent le choix de s'arrêter sur le côté de la route, s'enfonçant un peu dans les bois pour ne pas risquer de se faire réveiller par les véhicules nocturnes et matinaux. Ils profitèrent des vivres qu'ils avaient récupérés chez leurs hôtes avant de s'endormir à la belle étoile. A la quatrième nuit, ils purent économiser leurs rations en s'arrêtant dans une auberge qui accepta de les accueillir en échange d'un coup de main au jardinage de son potager, travail facile pour nos deux amoureux de la nature.

A l'aube de ce nouveau jour, une bruine légère s'était accompagnée d'un brouillard opaque, empêchant toute traversée rapide à dos de Dzikhot au risque d'engloutir d'autres voyageurs entre ses racines. Ils optèrent pour faire du stop et montèrent dans la première charrette assez large pour supporter Néates. C'était un Laefvi avec une longue barbe, un chapeau de paille et une peau écaillée tel un grand lézard qui leur fit signe de monter. Néates s'assit à l'arrière du chariot alors que Jeena rentra dans la cabine avec leur bienfaiteur. La charrette en elle-même était assez simple mais de bonne manufacture, un large espace de transport et tirée par un zoï visiblement aussi âgé que son maître.

"Vous allez vers où vous deux ? C'pas commun de croiser un arbre qui parle, ici ! Mais comme quoi mon cousin m'racontait pas qu'des salades ! Y existent bien !" avait lancé leur chauffeur à Jeena, une fois ceux-ci montés à bord.

"On quitte le continent vers le nord ! Encore merci de nous prendre avec vous !"

Et après une pause, pour bien comprendre la question, elle enchaîna :

"- Attendez, votre cousin à déjà croisé des Sylcolosses ? Mais où ?

- Ah moi ch'ais pas mam'zelle mais mon cousin il habite plutôt dans le sud ! Tout à l'Est d'Eostys !

- Mais ça lui arrivait souvent d'en croiser ? Néates ne parle pas trop de sa propre race.

- Alors là faudrait lui d'mander lui-même ! Mais j'me souviens qu'un soir qu'il était d'passage, il nous avait rabâché ça en boucle toute la soirée ! Ma femme et moi, n'en pouvait tellement plus d'l'entendre qu'on s'est saoulé jusqu'à en d'venir sourd !" il éclata de rire à sa propre histoire, ce qui fit pouffer la jeune femme, amusée.

"- S'il en parlait autant, j'imagine qu'il ne devait pas non plus en croiser souvent !

- Ah t'as p't'être raison ma p'tite dame ! T'sais que jusqu'à c'que j'vous croise j'y croyais pas bien beaucoup à tout son tintouin... Mais là, j'ai plus d'raison ! Ça vaudra bien l'occasion que j'le fasse se ram'ner quand j'aurai un peu d'temps !

- Vous faites quoi dans la vie monsieur... ? Je ne connais même pas votre nom !

- Appelle-moi Enir ! Et pour c'que j'fais dans la vie et d'ailleurs en c'moment, j'transporte d'une ville à l'autre c'que j'arrive à faire pousser de par chez moi ! J'habite la ville rouge ! Ça t'dit un truc ? Et comment vous z'appelez vous autres ?"

La Couleur de l'IrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant