Chapitre 10 : L'écho du Berceau

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Une semaine s'était écoulée.

L'absence d'une carte précise des environs ainsi que la pluie torrentielle qui s'abattait sur eux depuis plusieurs jours avaient fini par dévier la route de la petite troupe sur plusieurs kilomètres à présent. Les toiles des chariots ainsi que les vêtements étaient imbibés d'eau. Tous trempés jusqu'aux os, gelés et emmitouflés dans plusieurs couches, elles-mêmes gorgées de l'eau de pluie qui se déversait sur eux.

Jeena avait tenté à maintes reprises d'envelopper les véhicules de lianes pour les rendre plus étanches ou encore de poser de larges feuilles sur le toit pour dévier la course de l'averse. Ses stratagèmes ne fonctionnaient malheureusement jamais plus de quelques heures avant de céder, à leurs tours, sous la force de la nature et ainsi laisser passer les gouttes glaciales sur le cou de nos survivants.

Aussi loin que le ciel se laissait voir, les nuages semblaient ne former qu'un, inondant la jungle sur des kilomètres et des kilomètres laissant le sol qu'ils foulaient devenir un douteux mélange de boue et de mangrove. La seule raison qui empêchait les chariots de se noyer dans cet enfer était, encore une fois, la force végétale de Jeena qui les soulevait par ses racines. Mais tout cela commençait à lui coûter beaucoup de force sur la durée.

Néates arrivait également au bout de son énergie. Maintenir une monture animée sur plusieurs jours à avancer tant bien que mal à un rythme maintenant très lent l'usait au plus profond de son être. La pluie ne l'affectait pas plus que ça, contrairement à tout son groupe. Mais s'il avait été seul, il se serait simplement enterré quelque part en attendant la fin de ce cataclysme.

"Jeena, il faut faire une pause. Je suis à bout..."

La jeune femme regarda son ami, elle aussi n'en pouvait plus. La fatigue était aussi physique que mentale. En plus de maintenir les chariots hors de l'eau, il fallait niveler le sol face à Dzikhot pour qu'il puisse faire avancer la procession. Il fallait parfois escalader les arbres pour voir si la direction était toujours la bonne. Penser à se nourrir, surveiller les plus faibles... La charge mentale était proche de la torture après trois jours sans dormir ou presque.

"Trouvons un coin un peu surélevé pour nous arrêter, que je puisse nous fabriquer un toit, et ne pas nous soucier de savoir si nous allons mourir noyés."

Une heure encore interminable passa avant que la jeune femme indique à leur cocher un grand arbre, sur un léger surplomb, avec des racines hors-sol qui formaient un grand toit naturel dans lequel les cinq chariots pouvaient rentrer. S'ils pouvaient rester même quelques heures ici et s'ils arrivaient à y faire un feu, cela serait un luxe qui ne manquerait pas de les satisfaire.

Néates fusionna sa monture végétale à la petite colline sur laquelle ils avaient élu domicile de manière à lui donner un peu plus de hauteur. Difficile de dire s'il faisait jour ou nuit tant les nuages cachaient le ciel, mais tous étaient exténués par le voyage. Une fois sous leur abri de fortune, les plus robustes se mirent en quête de faire sécher des brindilles et de préparer un grand feu. L'humidité ambiante n'était clairement pas là pour les aider mais leur survie en dépendait.

Jeena, elle, s'était attelée à consolider les parois : enroulant de longues et épaisses racines autour de celles de l'arbre géant, répétant ce qu'elle avait essayé de faire plus tôt avec les chariots. Une fois sa fortification terminée, elle sentit que sa force l'avait totalement quittée. Elle rassembla toute l'énergie qui lui restait pour jeter tous ses vêtements à terre avant de se vêtir d'écorce sèche et de mousse.

Beaucoup suivirent son exemple décomplexé : à situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Certains eurent l'idée de retirer les cordes qui retenaient les toiles des chariots pour les tendre d'un bout à l'autre de leur abri afin de sécher les linges et vêtements ainsi que les couvertures encore imbibées d'eau. D'autres encore se mirent à les frapper à grand coup pour accélérer le processus avant d'écoper leurs véhicules et les laver.

La Couleur de l'IrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant