Chapitre 30 : Le cœur battant

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*Ting... Ting... Clac...*

Le rythme retentissait de part les galeries, résonnant par son écho, toujours plus cinglant.

*Ting... Ting... Clac...*

Un bruit sourd. Fort. Il en perdait toute nuance alors qu'il ne s'agissait que d'une pioche frappant le sol froid de la mine.

*Ting... Ting... Clac...*

La personne qui frappait n'avait plus rien d'un homme. Torse nu, exécutant le même mouvement depuis plusieurs heures durant. Cela n'était pas la seule journée où il s'exécutait de la sorte.

*Ting... Ting... Clac...*

Rien ne pouvait l'arrêter. Dans ces sombres galeries, ni le vent, ni la pluie ne pouvaient tomber, ne pouvaient le perturber. Alors il frappait, continuellement, indéfiniment, inlassablement son filon dans un lourd fracas.

*Ting... Ting... Clac...*

Lui-même ne savait plus depuis quand il minait. Il ne récoltait même plus ce qu'il frappait. Il creusait sans cesse. Parfois il oubliait de manger pendant plusieurs jours, cela ne le perturbait plus. Un jour, il se rendit compte qu'il n'avait pas bu depuis une semaine et seulement alors il avait cessé sa tâche pour se désaltérer à la fontaine à quelques mètres de la salle centrale où il se trouvait.

*Ting... Ting... Clac...*

Cette grande pièce, cette galerie devrait-on plus raisonnablement appeler, n'avait ni toit ni issue. Simplement un grand ciel noir, de vastes murs à détruire qui semblaient se reformer au plus il les grattait. Il ne savait même plus comment il était tombé si bas, mais sa musculature semblable au fer lui-même lui rappelait constamment qu'il était là depuis aussi longtemps que sa mémoire lui accordait des souvenirs. Il ne manquait de rien. Il avait oublié ce qu'étaient les relations sociales. En avait-il simplement déjà eu ? Si c'était le cas, il ne savait même plus s'exprimer. Les seuls mots sortants de sa bouche étant désormais des râles profonds qu'il lâchait à chaque coup de pioche.

*Ting... Ting... Clac...*

Peut-être était-il de mauvaise langue que de signifier qu'il ne parlait plus. Parfois, à de très rares occasions, il fredonnait. Un air dont les paroles lui échappaient désormais. Cette mélodie, c'était pourtant lui qui l'avait composé. Avait-il eu des instruments un jour ? Ce n'est pas lui qui pourrait le confirmer. L'avait-il inventé ? Il était peut-être trop tôt - ou trop tard - pour le savoir. La fatigue ne l'atteignait plus, il ne dormait qu'une fois par mois, du moins ce qui lui semblait être cette période de temps. Avait-il déjà eu des notions de ce qu'était le temps ? Avait-il été en cours ? Avait-il eu une éducation ? Tous ses souvenirs étaient si vagues, si lointains qu'aujourd'hui plus rien n'avait d'importance. Tout ce qui lui importait était de creuser les murs de ces sombres tunnels.

*Ting... Ting... Cling...* *!*

Un son différent. Mais c'était tout à fait normal. Comme toute symphonie, il faut parfois faire des ponts. Savoir improviser sur une note dissonante qui n'était pas là jusqu'à présent. Il avait déjà eu affaire à ce son. Car en effet, était-il nécessaire de préciser qu'en ces vastes cavernes, aucune lumière ne daignait offrir de sa lueur.

*Cling... Cling... Cling...*

Ce son qui se répétait désormais n'était en rien surnaturel. Il ne s'agissait que de ce fameux fer qu'il était censé récupérer. Mais qui donc le récupérait s'il était seul dans cet enfer ? Personne. Plus personne ne venait depuis des années, alors pourquoi continuer ? Cela n'avait aucune importance. Mais cela n'avait aucun intérêt d'arrêter également.

La Couleur de l'IrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant