La Couleur de l'Iris

Chapitre 31 : Heureux celui qui oublie

Comme prévu, les cinq heures d'observations dans la salle blanche furent équivalentes à seulement deux heures réelles, à l'extérieur. Avant de sortir, les deux étudiants pointèrent leur temps passé à l'intendant qui le décompta immédiatement de leurs quota de cours nécessaire. Ce n'était néanmoins pas encore le moment d'aller se reposer. En cette période de l'année, les journées étaient plus longues de cinq heures, portant son total horaire à trente et il n'était pas encore onze heures. La salle blanche permettait ainsi une bien meilleure gestion de son temps de travail ainsi qu'une bonne adaptabilité.

Ils se dirigèrent vers la salle de physique. Un cours banal en somme, mais la science était nécessaire à la compréhension des arts magiques. Tout n'est que science et la magie n'en fait pas exception contrairement à ce que beaucoup pensent. Une fois terminé et avant de se permettre la pause repas de treize heures trente, ils eurent un bref cours d'histoire philosophique. Originalité de leur filière, qui s'évertuait à mettre ce petit cours d'une demi-heure avant chaque repas pour donner un sujet de discussion lors de ce dernier.

"On ne s'arrête jamais de réfléchir !" avait lancé le conférencier, totalement à propos vu que l'école souhaitait qu'ils réfléchissent même à table.

"Si la technologie humaine a pu atteindre des sommets ces dernières années, c'était bien par cette découverte qui se résume finalement en une seule phrase : tout n'est qu'un, un est tout. Mais si vous l'avez déjà entendu plusieurs fois, et parfois même dans un milieu religieux, savez-vous vraiment de quoi il en retourne ?"

L'amphithéâtre somnolent comme à son habitude n'eut pas le moindre enthousiasme pour l'homme enjoué sur l'estrade qui continua malgré le silence :

"En chaque petite chose, tout existe ! Il est intéressant de se dire qu'en la moindre feuille, il existe une flamme... Qu'en la plus petite goutte d'eau, il existe un morceau de bois... Qu'en chaque pierre qui constitue une maison, il existe une petite brise..."

Un des élèves au premier rang leva la main, se leva et le coupa avant même d'être interrogé :

"Ce que vous dites est complètement faux. La théorie de l'intensité ne dit pas qu'il existe une flamme dans une feuille mais une INTENSITÉ de feu dans cette feuille. La flamme c'est l'entité, pas l'intensité. C'est aussi bête que de dire que j'existe dans cette chips." dit-il en en sortant une de son paquet avant de la croquer sous les petits rires amusés de l'assemblée.

Avant de se rasseoir et de finir, avec une certaine condescendance :

"Dans cette chips, y'a des intensités de sang, d'os, de chair... Mais y'a pas MOI."

L'homme en costume avait joint ses mains et affichait un grand sourire après l'intervention de l'élève :

"Tu as raison de corriger ce point ! J'ai tendance à m'emporter dans certaines images mais j'oublie parfois que je peux être mal compris ! Bien évidemment que tu n'existes pas dans cette chips, et moi non plus. Pour faire devenir une feuille en flamme, il faut justement réduire son intensité végétale et augmenter son intensité de feu, modifiant ainsi l'entité concernée. Et c'est bien cela que, vous, étudiants, apprenez en ce moment !"

Il fit un tour du regard dans la salle, comme cherchant quelqu'un :

"Toi, là ! Viens donc ici !"

Toute la salle se retourna vers là où son doigt pointait... Vers Chen.

Ce dernier eut un long soupir alors qu'il fut accablé de regards enjoués de ne pas avoir été choisi à sa place. Peu de monde le portait dans son cœur et plus ses bourdes s'accumulaient et moins sa réputation s'améliorait. L'intervenant ne savait pas qui il était et c'était peut-être mieux ainsi.