Chapitre 32 : La Théurgie du Souvenir

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Henry écrasa sa dixième cigarette. Voilà maintenant trois heures que la réunion avait commencé et que le poids de savoir qu'ils avaient encore une fois oublié un confrère, leur pesait.

"Maria, tu peux m'envoyer le dossier sur les zones de conflit ? Il faut qu'on arrive à savoir où Victor a été envoyé pour être capturé et soustrait à notre mémoire..."

Maria était une femme d'une quarantaine d'années. Des cheveux châtains virant sur le blond attachés en queue de cheval, elle remit en place de petites lunettes rondes arrondissant son visage fin alors qu'elle tendit à son collègue le dossier en question. Elle portait un veston noir sans manche qui sublimait son élégance naturelle alors qu'elle cendra sa longue cigarette dans le grand cendrier central.

Chen avait ouvert la fenêtre en grand. Cela faisait bientôt cinq ans qu'il avait arrêté de fumer mais ces longues réunions étaient nécessaires, et le taux de stress général ne permettait pas un caprice de sa part pour que toute l'équipe s'arrête de fumer. De son côté, il épluchait les revues de presse, pour voir si l'on ne parlait pas d'un homme en justice, emprisonné ou autre. Même un autre nom, tout était bon à prendre.

"C'est quand même étonnant qu'on nous laisse autant de fois nous rappeler d'eux. J'veux pas dire, mais si nos chers gouvernants étaient si forts, pourquoi ils se permettraient ce genre d'oubli s'ils savaient qu'on avait encore des photos et dossier sur notre homme ?"

L'homme qui venait de parler, c'était Aldo. Un homme à longue barbe, actuellement torse nu, il affichait une pilosité certaine sur la quasi entièreté de son torse. Tout le temps en sueur, il ne manquait pas d'ajouter une petite touche de transpiration à l'odeur déjà âcre de fumée dans la petite salle de bureau.

"On en a déjà parlé, Aldo. C'est bon signe si ce genre d'affaires se répète, c'est que nous n'avons pas été repérés. Regarde, t'as qu'à lire le dossier : Victor venait de quitter sa femme et sa maison. Sans doute que les photos ont été mises au grenier, c'était le parfait moment pour le faire disparaître..."

Aldo émit un grognement alors qu'il semblait trier de grands classeurs à pochettes plastiques. Des clés, des lettres, des documents imprimés, il y avait de tout. Il s'agissait d'une sorte de boîte à souvenirs organisée. Alors qu'il tournait les pages, il s'arrêtait parfois devant ce qui lui rappelait des souvenirs, des flashs mais jamais rien de concret, il en avait conscience que même avec la meilleure intention du monde, il ne serait jamais capable de se rappeler à qui ces objets appartenaient.

"Bon, ça fait trois heures. Si on veut encore profiter de la nuit, va falloir y aller."

Le dernier homme à s'exprimer était Nilas, un homme d'une trentaine d'années, barbe et cheveux de taille homogène sur deux centimètres tout au plus. Il avait les yeux en amande, un petit pull à col roulé noir et un pantalon en jean de la même teinte. Il affichait un sourire assuré alors qu'il empilait son dossier fermé sur les autres. Il s'approcha de Chen :

"- T'as pu trouver quelque chose ?

- Rien... J'ai quand même épinglé deux trois articles, on ne sait jamais. Mais pour ce soir ou pour Victor, rien de concluant. Le quartier où on va est en bordure du cratère, j'ai prévu des potions de portails pour éviter des détours et des dépenses de magie inutiles.

- Toujours aussi prévoyant, même à ton âge. On a de la chance de te compter dans nos rangs, Chen !"

Il émit un petit sourire gêné. Même si Nilas lui répétait souvent cela, c'était aussi principalement parce que ce dernier était le directeur de ce département. Ils avaient parfaitement conscience du statut de Chen - à savoir sa lignée - et cela pouvait, à raison, faire peur à plus d'une personne. Que cela soit par peur d'une quelconque trahison ou tout simplement par un rejet des classes nobles.

La Couleur de l'IrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant