Chapitre 6 : La première graine

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Néates avait tendu le bras pour servir de perchoir au corbeau qui venait de sortir du bâtiment par le trou béant qu'avait laissé Jeena lors de son départ.

Lui, n'avait pas tout compris. Tout s'était passé très vite.

Il avait pourtant bien aimé la visite, c'était la première fois qu'il voyait une exposition, de plus, au travers des yeux d'un animal. C'était vraiment une expérience intéressante. Et puis d'un coup, Jeena s'était figée, elle avait parlé fort avec l'humain, avait appelé des racines qui avaient arraché des bouts de tôles dans le mur à l'étage, pour enfin y sauter au travers, en direction du cratère.

Néates était resté là, ne comprenant pas très bien ce qu'il se passait. Une alarme très bruyante avait commencé à sonner dans toute l'exploitation, suivie de cris et de vrombissements sourds résonnant, dès lors de concert, et des racines familières décrivant une large tranchée de verdure dans le sillage de la jeune laefvi.

Ce ne fut qu'au bout de longues minutes que, dans le chaos ambiant, il décida de se lever. Il avait posé le corbeau sur l'une de ses branches et se donna pour objectif de suivre le chemin vert laissé par sa nouvelle amie. Sa démarche brinquebalante ainsi que son imposante stature inspiraient une crainte naturelle pour les mineurs et autres travailleurs qui, eux, couraient dans la direction opposée à son but, le laissant vaquer à son rythme vers le centre de la mine.

Plusieurs véhicules avaient été laissés à l'abandon, le moteur parfois encore allumé, laissant à Néates le temps de pouvoir les inspecter de plus près sans que personne ne puisse le déranger. Une grande foreuse d'environ cinq mètres de haut pour dix mètres de large retint plus particulièrement son attention. Un grand réservoir, visiblement à carburant, occupait la moitié de l'imposante stature de la machine. L'autre moitié était équipée d'une cabine et d'une grande vrille de forage.

L'arbrisseau fut fasciné de la prestance qu'une telle création dégageait. C'est avec un geste calme qu'il caressa de sa main de pierre le réservoir puis la vrille elle-même. Un frisson dérangeant lui parcourut alors l'écorce et dans une petite impulsion effectuée depuis cette même main, la foreuse s'évapora instantanément comme une petite feuille de papier brûlée. Les quelques badauds qui étaient restés voir ce qu'un arbre vivant pouvait vouloir faire d'une si grande machine malgré l'alarme comprirent après ce spectacle qu'ils n'avaient plus rien à faire ici et reprirent leur course vers les extrémités de la carrière.

"C'est pas fou ce qu'il y avait là-dedans, hein. T'en penses quoi toi ?"


Le corbeau, qui était venu s'agripper à sa main flétrie, croassa en guise de réponse, il n'était visiblement pas inquiet du tout suite à l'évaporation de la machine.

"Ouais, faudra le dire à Jeena."

Il se remit en marche calmement. Ce qui dénotait totalement avec le chaos ambiant qui régnait depuis maintenant plusieurs minutes. Il avançait comme si aucune alarme ou cri n'existait.

"Faut qu'on se dépêche. Les ronces vont pas rester là éternellement, je vais perdre sa trace si ça continue."

Il pressa dès lors le pas, et en quelques instants, il se trouva enfin au bord du premier précipice que la mine proposait. Il jeta un coup d'œil aux alentours et s'attarda sur la forme spiralée que prenaient les pentes d'étage en étage. Il fallait bien un chemin pour faire descendre les camions et autres véhicules de forage. C'est alors que les longues lianes qui s'étaient étirées sur plusieurs mètres à tous les câblages et autres échafaudages lui apparurent, toujours en direction du fond de l'exploitation.

Il leva également la tête et inspecta le grand bâtiment qui surplombait le cratère. Une sorte de centre de contrôle avec des antennes, et autres capteurs portés vers l'extérieur. Sans doute des indicateurs de températures ou météorologiques. Cependant, s'il s'agissait de transmetteurs, cela pouvait devenir plus grave et avoir des retombées potentiellement dangereuses pour Jeena.

"Faut vraiment que je lui en parle. Allez Croassie, retourne dans mes branches, on descend." dit-il au corbeau nouvellement nommé avant de tendre le bras vers sa tête et voir ce dernier changer délicatement de branche dans un cri d'acquiescement.

La Couleur de l'IrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant