La Couleur de l'Iris

Chapitre 41 : Conséquences

"Sais-tu simplement de quel niveau de criminalité dépend votre petite excursion, Chen ?"

Le jeune homme était assis sur une chaise de bureau, semblable à celles de son académie mais taillée dans un bois noble, verni à merveille, et son coussin cousu à même l'assise était d'un tissu brodé d'apparence royale.

Ils étaient dans le bureau de son père, au sommet d'une des hautes tours de l'assemblée. Une sorte de petit promontoire cerné par des bibliothèques et des cloches de verres contenant myriades d'artefacts légendaires dont il avait, jadis, entendu quelques histoires narrant leurs découvertes ainsi que leurs acquisitions.

Se retrouver ici lui donna un drôle de sentiment, combien de temps cela faisait-il maintenant ?...

Cinq ans ?...

"C'est pas le moment de rêvasser, p'tit gars."

L'air se fendit. Un claquement retentissant jusqu'à l'autre bout de la ville, Chen venait d'encaisser une claque de son père encore assis au bureau.

Cela aussi, cela faisait longtemps.

Son aisance avec la magie, il la devait à son père. La gifle qu'il venait d'essuyer... Elle était uniquement constituée d'air. Son père n'avait qu'à faire une légère rotation du poignet pour envoyer une rafale de vent sur le visage de son fils à quelques mètres de lui. Et sa force n'en était pas amoindrie. Bien au contraire. Elle avait la force d'un fouet.

Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, Chen n'était pas attaché. Il avait bien les mains libres mais... Que pouvait-il bien faire face à l'un des humains les plus puissants, si ce n'était le plus puissant, de ce monde ? De plus, une personne qui, toute sa vie, lui avait bien fait comprendre qu'il n'était rien de plus qu'un rejeton rebelle qui n'attendait que d'être bien dressé pour enfin servir les intérêts familiaux.

Sa joue était rougeoyante. A peine son arrivée dans le bureau, une fois la téléportation terminée, encore hurlant, il avait eu droit à un revers. "Pour qui tu te prends ?" fut l'unique explication à la violence soudaine de son paternel.

Dans son enfance et son adolescence, Chen n'avait pas reçu de violence régulière. Son père n'était pas une personne que l'on pouvait qualifier de "violente" d'ordinaire. Il valorisait plutôt une éducation douce... Sauf pour tout ce qui touchait au respect. Et à ce petit jeu, Chen n'était pas en reste. Cependant, il n'en avait jamais pris plus d'une à la fois.

Là... Cela faisait déjà deux. Et en recevoir simplement une seule avait déjà conditionné le jeune homme à une peur tétanisante. Intérieurement, son cerveau lui hurlait que ce qu'il venait de faire était grave. Et cela l'obnubilait, sur l'instant, beaucoup plus, que la raison pour laquelle il avait fait tout cela au départ.

"Si ce n'avait pas été toi, tu sais ce qu'il se serait passé ? J'étais dans mon droit le plus total de ne laisser de vos corps qu'un élément vous permettant de vous identifier aux autorités. Vous étiez sur ma propriété, et je suis un homme d'État. C'est la peine capitale que vous encourriez. Tout simplement. Tu comprends ça ?!"

Le jeune mage avait encore la tête baissée, les yeux dans le vide. Toutes ses convictions, tout son charisme étaient ailleurs, il n'arrivait plus à réfléchir.

L'homme qui le fixait depuis un moment soupira avant de croiser les mains et d'à son tour baisser la tête.

"Cela me brise le cœur, Chen mais... Je pense que nous allons devoir te faire enfermer."

Chen eut le souffle coupé, il avait relevé la tête cette fois-ci. Fixant son père qui le fixait aussi.

"Il faut que je me rende à l'évidence ! Tu es à la tête d'une armée "révolutionnaire" qui n'a pour révolution que le nom. Vous êtes une bande d'illuminés qui n'avait aucune conscience de ce qui les entoure et vous faites des attentats dans des centres de rétention... Vous êtes beaucoup trop dangereux. Pour la société, pour le monde humain... Ce ne serait pas sérieux de te remettre en liberté."