Cœurs coupables

36 - Petit ou petite ?

Chris.

Ça fait maintenant quatre mois qu'Addison est enceinte, quatre mois qu'on est un peu plus heureux chaque jour. Sa grossesse se passe merveilleusement bien, elle n'a pas de nausées, la fatigue qui s'était installée au début à fini par s'évanouir. Par contre, niveau hormones c'est chaque jour différent, elle peut passer du rire aux larmes en moins de temps qu'il en faut pour le dire et peut me crucifier sur place si je ne n'assouvis pas ses envies alimentaires ou sexuelles à la seconde où elle en a exprimé son désir. J'ai bien cru que j'allais finir complètement desséché en moins d'une semaine, mais je dois être plus coriace que je ne le pensais.
Le tournage est fini depuis quelques semaines et ça nous a laissé du temps pour être juste nous, profiter d'être juste tous les deux temps qu'on le peut encore.
Mes parents sont venus nous rendre visite quand on leur a demandé, prétextant que nous ne pouvions bouger à cause de nos emplois du temps, juste pour garder la surprise intacte. Je voulais voir l'expression sur le visage de mes parents quand on leur annoncerait qu'un nouveau petit Evans était en chemin. Ils étaient fous de joie, mon père à versé sa petite larme tandis que ma mère n'a pu retenir le torrent d'eau qui ne demandait qu'à s'échapper de ses yeux. Scott était tout aussi ému, il s'est auto-proclamé parrain, même si c'était une évidence, et mes sœurs étaient très heureuses pour nous, elles ont hâte de présenter un nouveau membre de la famille à leurs enfants.

Addison était très fermée après leur départ, je n'ai pas eu besoin de poser de question pour comprendre. Elle aurait aimé que sa mère soit là pour partager ce bonheur avec elle, que son père n'ait pas été le crétin qu'il soit. Je sais aussi qu'elle se demande si elle sera une bonne mère car elle n'a pas tellement eu d'exemple, elle était très jeune quand elle est décédée. Mais je sais qu'elle sera une mère parfaite, elle a ça en elle et ça se voit. Et puis comme ma mère le lui a dit, elle sera toujours là pour nous, même si elle doit venir passer quelques temps à la maison pour nous aider. On ne lui a pas dit pour ne pas la vexer, mais c'est hors de question, on se débrouillera tout seul.
Et puis on l'a dit à Kate et Jane qui étaient très émues elles aussi. C'est vrai que quand on regarde notre relation d'un point de vue extérieur, beaucoup n'aurait pas cru à une fin comme celle-ci.
Nos autres amis et collègues ont compris assez tôt, mais n'ont rien dit avant qu'on leur annonce.

Aujourd'hui on va peut-être connaître le sexe du bébé, à la dernière échographie, ce petit coquin nous a fait une blague et nous a seulement montré ses fesses, sans vouloir se retourner malgré l'insistance du médecin.
Honnêtement le sexe m'importe peu mais je suis pressé de savoir, de commencer à acheter tout ce dont il aura besoin.
Je pense qu'Addison est inquiète même si elle ne m'en parle pas, a chaque rendez-vous elle craint que quelque chose n'aille pas avec le bébé, tandis que moi j'ai le pressentiment que tout ira bien, alors on est un peu en décalage.

Ce matin, Addison s'est levée d'humeur massacrante, il paraît qu'on s'est disputés dans un de ses rêves et que ça avait l'air tellement vrai qu'elle m'en veux réellement. Pour ne pas perdre la vie prématurément, je lui ai demandé comment je pourrais me faire pardonner. Donc me voilà en train de lui préparer un petit déjeuner tout droit sorti d'un film d'horreur : du fromage de chèvre fondu que j'ai du noyer de miel et de ketchup. Elle arrive dans la cuisine et attrape le pot de cornichons au frigo, si elle trempe ça dans ce mélange infâme, c'est moi qui vais finir par vomir.
Elle s'installe sur le tabouret avec les yeux brillants d'envie.
Ah bah si, elle trempe vraiment ces pauvres cornichons qui n'ont rien demandé à personne dans ce gloubi-boulga. J'ai un haut le cœur et elle le remarque, si son humeur s'est arrangée ça passe, sinon ce sont là les derniers mots que vous lirez écrits de ma main.

- C'est pas moi c'est le bébé !

- Il a pas très bon goût alors, ce bébé.

Elle lève les yeux aux ciels, hausse les épaules et continue de déguster son petit déjeuner répugnant.

~

Nous attendons le médecin dans la salle d'examen où son assistante nous a installé. Je sens le stress monter en moi, j'espère que notre bébé sera plus sympa que la dernière fois et nous dévoilera son petit secret. Honnêtement, je ne sais pas comment font les gens qui décident de garder la surprise jusqu'à la fin, je ne pourrais jamais faire ça.
Soudain, la porte s'ouvre et une petite femme d'à peine quarante ans entre dans la pièce. Ses cheveux roux sont remontés dans un chignon haut. Elle affiche un grand sourire et semble très douce.

- Bonjour Madame Turner, Monsieur Evans. Je suis le docteur Lockhart, je remplace le docteur Lee qui est parti en congé maternité.

Nous la saluons poliment, elle se lave les mains et vient s'assoir sur le tabouret à côté de la table d'examen et donc d'Addison.

- Comment vous sentez vous ?

- Parfaitement bien ! Pas de nausées, quasiment plus de fatigue, juste du dégoût pour certain aliments.

- Parfait, ne dites pas aux autres mamans que vous n'avez pas de nausées, elles seraient jalouses ! S'amuse t-elle.

- Merci pour le conseil. Rit Addison.

- On va commencer, je vais vous mettre du gel sur l'abdomen. C'est un peu froid. Aujourd'hui nous allons faire une échographie plus complète, je vais regarder si le bébé grandit bien, qu'il n'y ai pas de malformation ou autre problème.

Elle joint les actes à la parole. Je viens prendre la main d'Addison dans la mienne en soufflant.
Le docteur Lockhart commence à passer la sonde sur le ventre d'Addie. Nous, on ne voit ou ne reconnaît rien, bien sûr, mais après plus ou moins vingt minutes d'examen, le médecin a un grand sourire sur le visage, je présume que l'on peut donc se détendre.

- Tout est parfait. Vous avez un bébé en excellente santé et qui a l'air d'avoir une forme olympique ! Vous le sentez bouger ?

- Non pas encore. Répond ma femme.

- Ça ne devrait plus tarder maintenant, regardez ici. Elle pointe l'écran avec son doigt. C'est votre bébé, ici ses bras, là ce sont ses jambes et enfin sa tête. Il bouge dans tous les sens mais j'ai pu obtenir toutes les mesures qu'il me fallait. Je peux aussi vous dire son sexe si vous le désirez.

- Oui !

Nous répondons d'une même voix, ce qui fait sourire le docteur.
J'ai dit plusieurs fois que cela m'était égal mais maintenant qu'on est à deux doigts de savoir, je sais moi aussi. Et je veux une fille, je veux être son roi et elle sera ma princesse. Je veux être le premier homme de sa vie, celui sur qui elle pourra compter toute sa vie, celui vers qui elle se tournera quand elle trouvera le monde pourri. Je serai son ancrage dans la tempête.
Et je sais même encore plus : ce n'est pas que je n'avais pas de préférence, c'est que je n'osais pas le formuler tout simplement parce que cette petite fille j'aurais déjà pu l'avoir il y a trois ans. Rectification, j'aurais dû l'avoir.
Je me suis tellement concentré sur Addison que je n'ai laissé aucune place à ma peine, je l'ai enfermé tout au fond de mon cœur et j'ai jeté la clef
dans l'océan. J'ai peur que si ce médecin nous dit que c'est un garçon, je sois déçu. Je ne veux pas ressentir ça.
Je regarde Addison avant d'entendre la réponse du docteur et je vois à la lueur qui vient traverser ses yeux qu'elle est en train de se dire la même chose que moi.