L'Hôtel ᵗᵏ

Chambre 15

Une semaine, deux, peut-être même trois. Finalement, il ne savait pas. Comment le temps avait-il pu s'écouler si facilement, sans même qu'il ne s'en aperçoive ? Octobre était terminé, Novembre commençait et tout ici fanait. Jungkook n'avait pas éclos comme l'avait dit Taehyung, au contraire, il s'était flétri de cette condition qu'il ne maîtrisait pas. Les journées étaient passées et toutes se ressemblaient. Il ne connaissait pas la date, et à cet instant précis, il ne savait même pas l'heure.

Depuis un moment, il était allongé sur le canapé de sa suite, qu'il s'était définitivement approprié. Partout dans la chambre, il y avait des traces de son passage, qui n'en était plus tellement un à présent. Une armoire remplie de ses vêtements, de quelques-uns de Taehyung, d'autres de Namjoon afin d'avoir suffisamment de tenues. Ses produits de douche dans la salle de bain, des livres de la bibliothèque sur les tables, certains déposés par le grand brun comme il lui avait promis. Un jeu de solitaire qu'il avait déniché sur l'une des étagères, ouvert sur la table basse, les compagnons pour une partie d'échecs se faisaient rares.

Il était à la fois chez lui, et pas tout à fait. Des détails lui rappelaient sans cesse qu'il occupait la chambre de Taehyung dans l'hôtel : le room service, la décoration, le ballet incessant des employés et femmes de ménages dans les couloirs. Un étranger, prisonnier d'une jolie cage dorée.

Actuellement, sa seule préoccupation était les trois tableaux accrochés au-dessus du lit. Toujours assis dans le canapé, son regard voyageait de l'un à l'autre.

La première peinture, à gauche, était une nature morte, une reproduction. Jungkook l'avait découvert en faisant des recherches sur internet plus tôt. D'un certain Willem Kalf, elle représentait une table, une cruche, une coupe de fruit à moitié renversée. Il y avait un travail impressionnant sur le clair obscur, sur les détails de la cruche, l'étudiant avait presque envie de la toucher. Celle-ci semblait luire d'une lumière éclatante. Un chef-d'œuvre à n'en point douter.

La deuxième, à droite, était d'un tout autre genre, plus contemporaine. Un mélange de formes, de couleurs, de géométrie, de difformité. Ce n'était pas un Picasso, mais cela aurait très bien pu, faisant sûrement partie du même mouvement. Tout dans le style y faisait penser. C'était moins sa tasse de thé, mais il reconnaissait tout de même le talent de l'artiste.

Puis la troisième au centre, plus petite que les deux autres, elle était sûrement la plus époustouflante, la plus intrigante. Ce n'était pas une toile de maître, plus intimiste : un portrait. Et le sujet n'était autre que Taehyung. Cela pourrait paraître narcissique d'accrocher un autoportrait au-dessus de son lit. Mais Jungkook était persuadé qu'il y avait une bonne raison à cela. Le directeur ne faisait jamais rien d'irréfléchi, tout semblait absolument calculé dans sa vie.

Sur la toile, il avait l'air d'un dieu de la mythologie grecque. Un visage mis en avant par une lumière chaude, des boucles non pas claires, mais d'un noir si profond, encadraient son visage. Une couronne en or sertie de diverses pierres. Et là, délicatement posée sur sa joue, une larme, brillante comme un diamant. La peinture était d'un réalisme époustouflant, tellement que Jungkook pourrait se pendre à ses lèvres, les effleurer des siennes, celles-ci étaient si roses qu'elles invitaient au baiser. Ses yeux vous transperçaient d'une vérité que vous ne connaissiez pas encore...

Vraiment, la peinture était époustouflante. Il n'y avait pas d'autre mot. Et l'étudiant se maudissait d'avoir un vocabulaire si pauvre.

S'approchant, Jungkook regarda les coins afin de trouver la signature de l'artiste. Malheureusement, l'auteur souhaitait rester dans l'anonymat, n'apposant que son acronyme en bas à droit : F. D. Il avait fait des recherches, sans succès. Il aurait bien questionné le châtain mais malheureusement depuis l'horrible conversation dans son bureau, Taehyung et lui n'avaient échangé que des banalités : bonjour, au revoir, comment vas-tu ? Le vouvoiement était presque revenu...