8 - PAUL

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Mardi 14 septembre

Je n'ai toujours aucune nouvelle de Jade depuis dimanche. Enfin plus exactement, depuis samedi soir quand je me suis endormis après notre dispute, puis que je me suis réveillé seul dans notre lit. Sérieusement, est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer comment c'est possible d'être aussi attachante et aussi énervante en même temps ? Comment un si petit corps peut contenir tant de volonté à faire chier le monde ?

Je vais au boulot d'un pas décidé, remonté contre Jade et approximativement le monde entier. Aujourd'hui je vais chez un gros client, alors je ne dois pas commettre la moindre erreur. Ce qui, bien sûr, me contrarie encore plus parce que je n'arrête pas de penser à Jade et à sa manie de créer des scandales avec rien du tout ! Bon sang...

J'arrive sur mon chantier avec quelques minutes d'avance. Je bois quelques gorgées de café dans ma thermos, puis me mets au travail. Je dois rénover entièrement l'extérieur de l'entrée d'un immense chalet situé sur les hauteurs du village. Le client est un riche investisseur Suisse qui a plusieurs maisons secondaires en France dont ce chalet. Si je fais du bon boulot, il en parlera peut-être autour de lui et de fil en aiguille, j'aurais peut-être la chance de travailler pour d'autres clients comme lui : exigeants, mais jamais dans mes pattes, et qui n'hésitent pas à payer le prix pour un travail bien fait. J'organise mon espace de travail, prends les mesures nécessaires et les note dans un calepin pour préparer les pièces de bois à l'atelier cet après-midi, puis commence à poncer les endroits qui resteront tels quels afin de passer un peu de vernis dessus pour leur redonner leur éclat d'origine. 

Quelques heures plus tard, je me rends compte qu'il est midi à mon ventre qui gargouille, aussi bien réglé qu'une pendule. Je guette mon téléphone : aucun texto ni appel. Je pousse un soupir en montant dans ma voiture après avoir rangé mes outils. Je ne reviendrais pas cet après-midi, je vais rester travailler à l'atelier. 

En me garant devant la maison, mon cœur fait un bon dans ma poitrine alors que je m'aperçois que la voiture de Jade est là. Enfin ! Je me dirige vers la porte avec l'espoir de la retrouver apaisée. C'était bien sûr sans compter sur le tempérament explosif de ma fiancée, qui ouvre la porte en même temps que moi d'un coup sec, m'entraînant avec celle-ci. Je me retrouve presque projeté dans les bras de Jade qui est visiblement surprise de me voir. Je ne vois pas pourquoi d'ailleurs, je suis encore chez moi il me semble et il est l'heure de manger. 

Je découvre cependant bien vite la raison de cet air surpris. Une valise énorme, certainement plus lourde qu'elle attend sagement, au garde à vous à côté de sa jambe. Qu'est ce que...

"Ah, Paul... Lâche-t-elle dans un soupir digne d'une grande tragédienne Hollywoodienne.

- Ravi de te voir, moi aussi... Dis-je, irrité par sa façon toujours trop théâtrale de réagir."

Je pousse un peu plus la porte afin d'entrer à l'intérieur, et tombe nez à nez avec quelques sacs de courses pleins à craquer d'affaires jetées à la va-vite à l'intérieur. Je comprends alors enfin ce qu'elle fait là, et mon cœur se fissure alors que la colère monte en flèche.

"T'es sérieuse, Jade ? Lançais-je en me retournant face à elle.

- Tu pourrais baisser d'un ton ? Je n'ai pas envie que...

- Oh s'il te plaît ! Que quoi ? Tu adores être sous les feux de la rampe, ne fais pas ta pauvre victime !"

Elle me regarde avec son air de maman prête à gronder son enfant, et c'est la goutte de trop. J'entre complètement puis claque la porte avant de m'engouffrer dans la cuisine. J'entends ses talons aiguilles claquer contre le carrelage, signe qu'elle me suit. 

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