Vendredi 24 décembre
Prenant place autour de la table, je prends le temps de détailler chacune des personnes présentes ce soir, pour le réveillon de Noël. D'abord, mes parents, en bout de table, riant à une blague de mon oncle Anthony qui est totalement hilare avant de terminer de raconter son histoire. Il ne semble toujours pas avoir compris que ce qui fait rire les gens ce ne sont jamais ses histoires mais son rire communicatif. Je souris en relevant la tête vers mes soeurs, occupées à discuter avec ma grand mère près du feu. Cette dernière n'a pas pu s'empêcher de dire à qui voulait bien l'entendre qu'il fallait profiter de ce réveillon qui serait peut-être le dernier pour elle. C'est la même chanson chaque année d'après mes parents, alors je roule des yeux en souriant tendrement. A côté des filles se trouvent Gaëtan et Tony, les petits-amis respectifs de Lou et Marie. Elles ont fait des pieds et des mains pour qu'ils passent Noël avec nous même s'ils ne sont pas ensemble depuis longtemps. Enfin, à ma droite se trouve Paul, sa main enveloppant la mienne et la caressant de la pulpe du pouce, et enfin Clara, la fille d'Anthony, qui est scotchée à son smartphone sous l'oeil désaprobateur de son père et les remarques incessantes de ma mère. Onze personnes au total s'installent quelques minutes plus tard pour commencer le repas.
Alors que mon père sert l'entrée, Anthony me demande comment je vais, depuis le temps. Je n'ai jamais été proche de lui et le trouve un peu manipulateur, ce qui pourrait expliquer en partie que sa femme soit partie il y a quelques années, laissant mon oncle et sa fille sans un regard en arrière. A côté de moi, Clara commence à s'agiter et à râler qu'elle s'ennuie et serait mieux avec ses amis. J'ai envie de la secouer pour lui dire qu'elle ne trouvera jamais plus précieux que ces moments de retrouvailles et de convivialité en famille, mais elle n'a que 13 ans, et à cette âge là ce n'est clairement pas dans nos préoccupations. Alors, je laisse mouler et me colle à peu plus à Paul en lui glissant à l'oreille que je suis heureuse qu'il soit là ce soir.
"Je n'allais pas manquer le réveillon à tes côtés, et je pense que ma mère n'aurait pas voulu de moi sans toi... Chuchote t-il en souriant de toutes ses dents."
En effet, depuis mon retour il y a un peu plus de deux mois, sa mère ne me quitte plus. J'ai déjà dû passer des heures entières à parler avec elle de tout et de rien, de ce que j'ai fait durant dix ans à Bordeaux, ce que j'ai ressenti en revenant ici, de mes projets avec son fils... Je me rappelle avoir violemment rougi lors de ce dernier sujet. Où est-ce que je me vois dans cinq ans ? Et bien en fait, je voudrais d'une vie tout ce qu'il y a de plus basique : un joli mariage en comité restreint, un merveilleux voyage de noce coupés du reste du monde, une grossesse, un magnifique bébé qui nous comblera de bonheur. Je sais, c'est ridiculement cliché comme vie, étonnement simple pour une fille partie il y a dix ans bâtir sa vie de rêve en ville. Pourtant, cette pseudo vie de rêve m'a permis de comprendre une chose.
Le véritable bonheur, ce n'est pas un but. Le bonheur, c'est un voyage... C'est chaque petite chose du quotidien qui nous fait sentir complet. C'est le premier rayon du soleil qui caresse notre peau après une nuit blanche passée en compagnie de nos amis les plus chers dans un lieu qui nous tient particulièrement à coeur. C'est manger un pot entier de pop corn avant que le film ne commence. C'est retrouver sa famille chaque weekend et se raconter notre semaine. C'est attendre l'homme de sa vie chaque soir en attendant qu'il nous raconte sa journée de travail. C'est manger autant de fromage fondu qu'il en est humainement possible. Et enfin, le bonheur, au final, est-ce que ce n'est pas d'arrêter de le chercher partout ?
Je m'en suis voulu des semaines entières d'avoir gâché tout ce temps à l'autre bout de la France. Mais ce temps, j'en avais besoin pour grandir, mûrir, et me rendre compte par moi-même que je n'étais pas sur la bonne voie. Pour me rendre compte que je faisais l'exact opposé de ce que j'aurais dû faire. Pourtant aujourd'hui je ne regrette plus d'être partie. je suis en paix avec ça, parce qu'aujourd'hui je suis à ma place. Là où je suis censée être depuis toujours, et je me sens entièrement moi. Je suis heureuse, toujours plus de jour en jour, accompagnée de ma famille, mes parents qui me soutiennent quoi que je fasse, mes soeurs avec qui je m'entends à nouveau bien. Aux côtés également de Paul, qui me comble d'un bonheur que jamais je n'aurais osé toucher du doigt avant lui. Accompagnée de Marcus, qui a su trouver en lui le courage de mettre de côté sa fierté et de me dire véritablement les choses et ce qu'il ressentait pour moi. Avec Stéphanie, aussi, qui a déménagé il y a quelques semaines chez Nathan. Ceux-ci vivent dans leur bulle, amoureux, comme si rien d'autre qu'eux n'existait au monde. Je suis très heureuse pour eux, même si il faudrait peut-être que je leur rappelle que nous sommes là et que nous aimerions les voir de temps en temps. Avoir Stéphanie à mes côtés ici est une joie que jamais je n'aurais cru pouvoir ressentir. Jamais je n'aurais éfleuré l'idée qu'elle vienne vivre ici. Comme quoi, le destin est vraiment rusé lorsqu'il s'y met !
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Retourne-toi
RomanceLorsque Roxane reçoit une invitation en provenance de son village natal, elle n'imagine pas une seule seconde ce qui l'attend. Elle vit depuis dix ans dans une grande ville Française, exerce le métier de ses rêves, va se marier avec Alban qu'elle vo...