Sous le soleil éclatant d'une étouffante fin de matinée, les pierres blanches des hautes colonnes du Temple renvoyaient une lumière éblouissante. Sa silhouette dominait le reste des bâtisses d'Horenfort de plus de trente pieds. Son austère beauté imposait une contemplation respectueuse, et sa majesté rivalisait avec celle du château ducal lui-même. Son existence était si ancienne que personne n'était plus capable de dire quand avait été posée la première pierre. Ce lieu, son histoire, son aura sacrée, tenaient une grande place dans le cœur de la population. Il était synonyme de paix, de sérénité, de pureté.
Alors que sa diligence remontait les avenues de la ville, Elmande ne pouvait en détacher son regard et sentait sa gorge se nouer à mesure que la distance avec le Temple s'amenuisait. Elle avait tenu parole et organisé une entrevue avec les Sages, persuadée de l'importance de conserver de bonnes relations avec eux, même si pour cela, elle devait refouler son amertume.
L'imposante double porte en chêne apparut au détour d'une ruelle, encadrée par les magistrales colonnes blanches. La voiture s'immobilisa dans un craquement, et Elmande rabattit le capuchon de sa cape d'été avant de se faufiler hors de la cabine. Les allées et venues dans les rues d'Horenfort se raréfiaient, la peur incitant les habituels badauds à se réfugier dans la sécurité de leurs maisons, pourtant la Duchesse préférait faire profil bas et ne pas ébruiter ses déplacements. Deux soldats se tenaient déjà de part et d'autre de la diligence, prêts à assurer sa sécurité tant qu'elle ne serait pas à l'abri au sein de l'édifice.
Elmande gravit les quelques marches tout en s'épongeant le front du revers de la main. Sa nervosité couplée de la touffeur estivale lui provoquait de bien désagréables sueurs.
Elle inspira un grand coup, ordonna en silence à sa garde rapprochée de l'attendre à l'extérieur, puis s'engouffra dans l'entrebâillement de la lourde porte.
Comme toujours, le Temple était plongé dans une relative obscurité qui, ce jour-là, battait en retraite face à l'assaut des rayons solaires se faufilant par les meurtrières. Les lieux de culte de l'Anima maintenaient toujours cette ambiance crépusculaire encline à la méditation et à la prière. Elmande laissa, non sans difficulté, l'atmosphère apaisante du Temple adoucir son appréhension.
Les alentours du grand autel central, cerné d'une multitude de bancs de pierre, étaient pris d'assaut par bon nombre de fidèles qui se recueillaient, priaient, déposaient des offrandes. Encore dissimulée dans l'ombre du couloir, Elmande eut à peine le temps de faire deux pas qu'elle fut interceptée par un garçon de chœur. Il la salua avec les plus grands égards, l'informa que les Sages l'attendaient dans une pièce à l'écart, plus discrète et intimiste. La Duchesse le remercia du bout des lèvres et le suivit par une porte dérobée, soulagée de se soustraire aux regards du peuple.
Elmande entra dans une étude sobrement meublée, dont les larges fenêtres invitaient la lumière vive du jour à inonder la pièce. Le contraste avec la pénombre du chœur était saisissant.
Assis de part et d'autre d'un grand bureau, les Sages Ismar, Gaëlon et Umbel paraissaient déjà en grande conversation. Leurs voix moururent à l'entrée de la Duchesse, et tous se levèrent afin de l'accueillir, avec plus ou moins de grâce selon leurs âges et l'état arthrosique de leurs membres.
— Bienvenue Madame la Duchesse, susurra Ismar avec un sourire affable. Je vous en prie, mettez-vous à l'aise.
Elmande se défit de sa cape et prit place sur une chaise. Umbel, derrière sa barbe défraichie et son visage marqué de rides profondes, la jaugeait du regard. Ses petits yeux fatigués demeuraient impénétrables. Cependant, sa voix était douce lorsqu'il souffla :
— Comment vous sentez-vous, très chère Duchesse ?
— Je vais bien, je vous remercie.
— Inutile d'enjoliver la réalité pour nous, Madame, réagit Gaëlon dont le visage rond était penché sur le côté. Nous sommes ici pour parler à cœur ouvert.
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Valacturie - T2 Les assassins d'Alistar
FantasyÉnith et Léonor sont sur les routes. L'une cherche sa place au sein du convoi qui la mène vers la capitale, l'autre s'efforce d'étendre son don vers d'Autres Mondes avant d'atteindre les montagnes. Mais leurs voyages seront semés d'embûches. Une obs...