Chapitre 7 - Première Partie

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Soulagée de pouvoir laisser la douceur du soir envahir la chambre, Elmande ouvrit la fenêtre toute grande. La chaude lumière du soleil couchant inonda la pièce en même temps qu'une brise tiède. Elle entendit derrière elle Aedam pousser un soupir contrarié dans son sommeil. Un éblouissant rayon balayait son visage tuméfié. La Duchesse s'empressa de tirer légèrement le rideau, puis revint prendre place sur le petit fauteuil qu'elle avait installé à son chevet.

Voilà plus d'une heure que le médecin était parti. Sur sa demande, il venait tous les jours vérifier l'état du pauvre enfant. Depuis qu'il avait nettoyé ses blessures et recousu sa plaie à l'abdomen, son verdict était pourtant toujours le même ; la vie d'Aedam n'était certainement plus menacée, mais il faudrait du temps et de la patience avant de le voir reprendre conscience. Il ne pouvait rien faire de plus que soulager autant que possible sa douleur par des inhalations et fumigations de plantes thérapeutiques. Lorsqu'il avait quitté la pièce une heure plus tôt, il n'avait pas caché son agacement :

– Je ne peux rien faire de plus pour ce garçon, Madame la Duchesse. Et n'importe quel domestique serait tout à fait capable de lui administrer ces quelques soins sans mon aide.

Il l'avait regardée d'un air perplexe avant d'ajouter :

– Et sans avoir besoin de votre présence.

Elle n'avait pas relevé cette remarque, se contentant de le dévisager d'un œil sombre.

– Très bien, avait-elle simplement répondu. Nous ferons le nécessaire nous-mêmes. Merci pour vos services.

Le physicien l'avait saluée formellement avant de vider les lieux. Et depuis son départ, Elmande n'arrivait pas à quitter le chevet de l'enfant.

Même un fois nettoyé, son visage abîmé faisait peur à voir. Sous ses hématomes allant du jaune au violet profond, ses pommettes gonflées et ses lèvres tuméfiées, il était à peine reconnaissable. La torture qu'on lui avait fait subir aurait certainement soulevé d'indignation le plus rigide des cœurs. Pourtant, elle le savait pertinemment, le fait qu'elle l'ait installé dans une chambre du château et lui offre une grosse partie de son temps était très mal perçu. Le médecin, les domestiques et ses soldats ne comprenaient guère son dévouement envers lui, simple garçon du peuple qui aurait plus sa place à l'hospice. 

Mais la Duchesse n'avait que faire de l'opinion de tout ce monde. Elle n'avait que faire de ce que dictait le protocole. Cet enfant avait subi le martyre et frôlé la mort pour leur avoir délivré des informations ; il méritait largement toute son attention.

Pour la centième fois, elle enlaça les doigts meurtris du garçon, leur offrant la chaleur de ses mains comme un réconfort salvateur. Elle broncha à peine lorsque trois coups résonnèrent contre la porte de la chambre.

– Madame la Duchesse ? Vous êtes là ?

C'était la voix de l'intendant.

– Oui Sirgil, répondit-elle sans trop lever la voix, comme si elle craignait de réveiller Aedam. Je suis là.

– Je vous cherchais, Madame la Duchesse. Le Seigneur de Narambie demande à vous voir. Je l'ai installé dans le petit salon.

Contrariée, elle reposa délicatement la main d'Aedam sur le drap et se leva. Derrière la porte, Sirgil l'accueillit avec un sourire qui se voulait empathique mais qui ne fit que l'irriter davantage.

– Pouvez-vous dire à Ricaël qu'il est d'usage de demander audience, ou du moins de s'annoncer, avant de s'inviter chez sa Duchesse ?

– Je comprends votre agacement, Madame. Mais le Seigneur de Narambie dit vous avoir sollicitée à plusieurs reprises. Et n'avoir obtenu aucune réponse.

Valacturie - T2 Les assassins d'AlistarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant