04 (Honor)

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« Momma never set a good example

Daddy never held momma's hand

Momma found everything hard to handle

Daddy never stood up like a man »


On dit qu'après la pluie vient le beau temps mais l'inverse fonctionne très bien aussi : après le beau temps, les nuages font leur apparition. L'équilibre entre le bon et le mauvais. Le bonheur et la tristesse. L'euphorie et la dépression. La façon dont est façonnée notre vie. Et pour moi, rentrer chez moi était souvent assimilée au côté sombre de la vie et non au côté joyeux comme il peut l'être pour de nombreuses personnes après avoir vécu une journée difficile et qui veulent rentrer chez elles. Ce n'était pas mon cas.

Je devrais être heureuse après la journée que je viens de passer, marquant un tournant dans ma vie professionnelle, mais je ne le suis pas. Parce que je viens de franchir les portes de l'appartement où depuis près de dix ans, peut être même plus, les cris, les insultes, les critiques, fusaient au sein de ces quelques mètres carrés. Le point de départ de tout ça m'est encore inconnu car j'étais trop petite et que les souvenirs sont trop flous. Mais aujourd'hui, mes parents n'ont presque plus aucune limite pour attaquer là où ça fait le plus mal à l'exception de la violence physique.

Je passe par ma chambre afin de pouvoir profiter de quelques instants de répits, à traîner comme mon habitude sur les réseaux sociaux où je réponds aux quelques commentaires de mon chapitre posté la veille puisque je n'ai pas eu le temps de consulter mes notifications avec la journée que je viens de passer. En sentant le ton commencer à s'élever, parce que mon père reproche sans cesse les mêmes choses à ma mère, j'appuie machinalement sur le bouton d'augmentation du volume de ma musique, ne voulant pas entendre encore leurs reproches et leurs critiques vis-à-vis de tout et n'importe quoi.


'Honor ! A table !'


La voix exaspérée de ma mère, également froide, me fait comprendre très rapidement que le dîner allait être des plus chaotiques. Encore une fois. Je m'installe à table alors que mon père est en train de se servir un verre de vin. Machinalement, je tends mon verre afin de pouvoir boire à mon tour. Si l'alcool peut me faire permettre d'oublier quelques instants l'ambiance froide.


'Ca fait bientôt un an que tu ne fous rien Honor ....' Ma mère commence alors que j'abaisse ma tête dans mon plat, mal à l'aise. 'Tu pourrais au moins travailler ... tu ne passerais pas tes journées à ne rien faire.'

'Laisse-la un peu vivre' mon père s'interpose. 'Elle a tout le fait le droit de prendre une année sabbatique avant de reprendre ses études l'an prochain afin de pouvoir avoir un diplôme lui permettant d'obtenir un gros salaire et de ne pas vivre dans la misère comme on vit depuis vingt ans. Elle au moins purra s'acheter une maison avec le diplôme qu'elle a et les opportunités d'emploi qu'elle peut avoir. Pas comme toi la petite comptable qui est toujours au même poste depuis vingt ans et qui reste un pion dans son entreprise, gagnant un salaire misérable. Et puis, c'est bien un truc de votre famille ça de travailler dès dix-huit ans. Aujourd'hui, elle peut faire de longues études tout en ne travaillant pas sans que cela n'impacte sur sa retraite. Je ne comprends pas cette obstination de vouloir travailler à tout prix. Laisse-la faire ses choix. Arrête de la couver. Elle a vingt-quatre ans et pas deux ans.'


La discussion, partant normalement de ma situation professionnelle, dévie inlassablement sur les mêmes sujets : le travail, l'argent, la maison, le quartier pourri dans lequel on vit. Et encore, j'ai échappé de justesse au sujet de la conduite puisque titulaire du permis de conduire, je ne parviens pas encore à conduire. J'écourte rapidement mon repas avant de partir dans ma chambre pour récupérer mon téléphone, culpabilisant encore de ma vie. Dans ma famille, beaucoup travaillent et tous ceux en âge de conduire le font. Je suis comme qui dirait l'exception à la règle et ça, on n'hésite pas à me le rappeler. Il faudrait que tu conduises. Il faudrait que tu te trouves un emploi regarde tes cousins eux ils travaillent ou font des études. Si tu veux, je peux t'aider à trouver un emploi. Vivre chez tes parents à vingt-cinq ans ça craint il faudrait que tu prennes ton indépendance. Regarde-nous on vit seuls et tes cousins ont leur vie. Toutes ces critiques m'ont forgées à une mauvaise opinion de ma vie et à me dire que je l'ai peut-être raté même si au plus profond de moi, je sais très bien qu'on ne fait tous les choses au même moment et que chacun vit sa vie à son rythme. Avoir un appartement à plus de vingt-cinq ans et un travail stable n'est pas signe d'avoir raté sa vie.

Je soupire avant de me calmer, attrapant mon sac afin de pouvoir récupérer mon début d'histoire pour continuer l'écriture mais très vite, je me rends compte que mon cahier n'est plus là. Oh non. Je fouille dans mon bureau mais rien n'y est car je n'ai pas ouvert mon sac depuis que je suis rentrée. Je soupire de frustration en passant ma main dans mes cheveux, dégoûtée d'avoir perdu ce qui promettait d'être une super histoire. 

Only You (can fix me) | Sebastian StanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant