11 (Honor)

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« 'Cause I'm a black belt when I'm beating up on myself »

La routine nous enferme dans un cercle vicieux et nous empêche pleinement de vivre. On ne peut pas passer toutes ses journées à faire les mêmes choses sinon on deviendrait fous. Pour une grande majorité de la population, les journées tiennent en trois mots : métro-boulot-dodo. La semaine, on oublie qu'on peut avoir une vie sociale en dehors de ce triangle de la routine. J'avais pour ma part la chance de pouvoir un peu alterner entre métro-boulot-dodo et juste me contenter de boulot-dodo quand je travaille chez moi. Mais pas aujourd'hui.

Aujourd'hui, je redoutais de me lever et de passer mon tout premier oral afin de valider mon premier projet. Les oraux m'ont toujours effrayé parce que depuis toujours, je me mets à rougir dès que je me sens stressée et que mes idées deviennent confuses, mes pensées fusant alors à mille à l'heure et que tout devient difficile d'analyser. Malgré les conseils sur Internet, je n'étais jamais parvenu à bout de mon rougissement tant incontrôlé que gênant. J'ai même songé à me faire retirer le nerf sympathique, responsable du rougissement, après m'être renseigné sur cette opération à mes quatorze ans mais j'ai fini par y renoncer en raison des complications pouvant survenir après l'opération.

Mon dossier du premier projet dans ma clé USB, et envoyé il y a deux jours sur la plateforme du site de mon école de formation, je marche en direction de cette salle de cours où j'allais passer les dix prochaines minutes à être torturée par mon esprit et de me jurer toutes sortes d'affirmations pour ne pas me mettre à rougir de manière inopinée. Je toque à la porte avant de rentrer, remarquant alors mon mentor qui est en train d'installer l'ordinateur face à nous, probablement pour filmer l'oral et qu'il soit visible pour le jury final lors de la validation ou non de mon diplôme.

'Je t'en prie Honor. Installe-toi et nous allons pouvoir commencer.'

J'acquiesce d'un signe de la tête avant de poser mon sac à terre, sortant ma clé USB que je branche dans le rétroprojecteur afin de pouvoir présenter mon premier projet consistant à expliquer le métier, de définir les qualités qu'il faut détenir pour travailler dans un tel domaine qu'est la paie sans oublier bien sûr de terminer par une présentation d'une offre d'emploi que l'on a rédigée soit même en se basant sur nos découvertes du métier. Pendant le défilé de mon diaporama, je ne peux pas m'empêcher de rester figée sur l'écran tout en essayant de rester calme bien qu'être seule avec mon mentor me fait particulièrement à l'aise et je ne sens pas les différents « symptômes » que j'ai avant chaque rougissement.

'Bien parfait Honor. Je te valide le premier projet et je te revois très prochainement pour le second projet. Tu as particulièrement bien décrit le premier projet et tu as décrit pour moi le cœur du métier. Je te souhaite de continuer sur cette voie et de persévérer.'

J'acquiesce d'un signe de la tête avant de retirer ma clé USB du rétroprojecteur, la mettant dans mon sac alors que mon mentor éteint son ordinateur avant de prendre en main son stylo afin de pouvoir noter des informations dans ses papiers dont j'ignore le contenu. Je renfile mon petit cardigan noir avant de poser mon sac sur mon épaule.

'Monsieur ... je voulais vous dire ...' je commence.

'Sebastian s'il te plaît et tutoie moi ...' il relève les yeux pour me regarder, posant son stylo.

'Bien ... Sebastian' j'essaye de l'appeler par son prénom. 'Je voulais vous dire ... enfin je voulais te dire que ... je suis désolé pour la réaction peut être inappropriée que j'ai eu la dernière fois ... je ne suis pas comme ça mais dès que ça touche à ma personnalité, à ce que je suis, ça me braque facilement parce que ... ce n'est pas quelque chose ... enfin ... donc quoi qu'il en soit, je suis désolée et j'espère que ça ne va pas nuire à la relation qu'on va avoir entre élève et professeur'

'Je tenais également à m'excuser ... je n'aurais jamais dû lire ce texte qui semblait si important pour toi. Je ne voulais pas découvrir une partie de toi sans que tu ne me la fasses découvrir. Mais en tout cas, je pense que tu as un talent pour l'écriture et qu'il y a quelque chose qui se dégage de ton écriture ... du moins pour les idées.'

'C'est ce que j'aimerais penser mais ... les vues et les votes, sans oublier les commentaires, ce n'est plus trop ça ces derniers temps. Je pense que ... ce n'est peut-être pas fait pour moi d'écrire. Comme rien n'est peut-être fait pour une fille comme moi.'

'Ça veut dire quoi ça ?'

'Que je suis un échec ... et que toute ma vie en ait un également.'

'Honor ... je ne pense pas ...'

La porte de la salle frappe et profitant de cette interruption de discussion, je m'éclipse discrètement pour rejoindre la bibliothèque de l'école afin de pouvoir commencer à travailler sur mon deuxième projet et d'oublier l'espace de quelques heures ce que je venais de dire à mon mentor.  

Only You (can fix me) | Sebastian StanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant