15 (Honor)

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« It's amazing what you can hide
Just by putting on a smile »

Il faut tomber afin de pouvoir se relever et de poursuivre ses objectifs. Non pas parce que c'est dur ou parce qu'on se sent démotivé mais dans la vie, il y a toujours des moments où on tombe et qu'on se relève. On découvre alors ce qu'on appelle la force. Un beau matin, on est allongé dans le lit avec l'envie de ne rien faire et de passer sa journée à se morfondre sur sa vie. Le lendemain matin, ou quelques jours après en fonction de la personne, on finit par se lever et on reprend sa vie ou on la recommence si on estime qu'il est temps de changer.

Je mets toujours du temps à me relever quand j'affronte quelque chose d'émotionnellement difficile. Certains sont épaulés mais pas moi. J'avais appris à ne pas dire comment je me sens, comment j'affronte les choses parce que je ne veux pas paraître faible. En tout cas devant ma famille qui n'hésiterait pas à me dire que je suis une menteuse et que je fais de la comédie.

Je ferme lentement les yeux en laissant un souvenir que j'aurais préféré oublier m'envahir. Je revois alors toute la scène, enfin du moins les seuls souvenirs qui me sont restés et qui sont coupés en petits morceaux parce que je ne me souviens pas de tout. Le probable point de départ de mon envie et de ma réussite à cacher réellement tout ce que je ressens.

Sans que je ne sache comment, le souvenir s'éclipse petit à petit de ma mémoire mais ce n'est pas pour autant que je me sens « bien ». Une pointe de nostalgie, de tristesse, de colère aussi mais également de tout autre sentiment que je ne peux parvenir à décrire, m'envahit et je sais que ça va être difficile de passer au-dessus de cela aujourd'hui. Je récupère mes affaires, branche ma playlist personnalisée en espérant que la voix de Demi m'apaise un peu, avant de quitter l'appartement pour rejoindre mon école. D'autant plus qu'aujourd'hui, je dois faire un point avec mon mentor pour mon prochain oral prévu pour la semaine prochaine.

J'arrive rapidement à l'école avant de sortir mon ordinateur, ouvrant rapidement le diaporama que j'ai commencé pour mon oral. Je prends une feuille à mes côtés afin d'annoter ce que je dois dire lors de mon oral, espérant me rappeler mes souvenirs profonds de la faculté malgré les difficultés que cela avait engendré sur ma santé mentale.

'Honor ?'

Je relève les yeux avant de me retrouver face à Sebastian. Je fronce brièvement les sourcils, ne m'attendant pas spécialement à le voir. Je ne sais même pas s'il était déjà là depuis quelques minutes et que je l'ai ignoré parce que je suis dans mes pensées. Je retire mon casque que je mets autour de mon cou avant d'abaisser l'écran de mon ordinateur.

'Est-ce que ça te dérange si on fait notre session de mentorat maintenant plutôt que cet après-midi ? J'ai une urgence à mon bureau et je devrais m'absenter. Plutôt que de te faire revenir demain, ça serait mieux de le faire maintenant comme ça on fixe une date pour ton oral et tu ne prends pas de retard sur ton plan fixé'

'Bien sûr pas de problème'

Je récupère mes affaires personnelles avant de quitter la salle de travail sous le regard des autres étudiants auxquels je n'ai pas envie d'accorder plus d'importance car je pense qu'ils sont en train de me juger sur mon style vestimentaire ou mon manque de confiance en moi. Nous rejoignons rapidement la salle de classe où je dépose mes affaires sur une table alors que Sebastian prend une chaise pour regarder avec attention mes livrables ainsi que mon diaporama d'oral. Je lui fais un bref plan de ce que je vais dire à l'oral parce que je ne suis pas totalement opérationnelle mais pour lui, c'est comme si j'avais fait un oral blanc parce que j'ai dit beaucoup de choses.

'Bien c'est parfait. On se dit vendredi pour ton oral ? Comme ça, tu as le temps de les mettre sur la plateforme en ligne demain et de finaliser ton oral qui est déjà pour moi très bien'

'D'accord' je range mes feuilles dans mon dossier pour ne pas les perdre.

'Tu n'es pas un échec Honor'

Je n'ose plus regarder mon mentor, perturbé par cette phrase que je lui avais dite sous le coup de l'émotion il y a quelques jours. Parfois, je sais que j'agis et parle de manière excessive. Je le pense, ça je le sais mais en même temps, le terme était peut-être un peu fort.

'Je ne sais pas qui veut te faire croire que tu l'es mais ce n'est pas le cas.' Sebastian poursuit. 'En tout cas, professionnellement. Je ne connais pas ta vie personnelle pour savoir que c'est un échec.'

'J'ai vingt-quatre ans. Je n'ai jamais eu de petit ami et je n'ai jamais embrassé personne. J'ai un traumatisme lié à l'abandon qui m'empêche d'avancer dans ma vie sentimentale. Je pense qu'on peut appeler ça un échec.'

'Ne pas être avoir été en couple et ne pas avoir eu de bisou n'est pas un échec. D'autant plus que tu as été traumatisé par quelque chose qui apparemment te touche encore aujourd'hui.'

Je me pince fermement les lèvres, détournant les yeux afin de ne pas laisser les émotions m'envahir car je sais que je peux me mettre à verser une larme en me maudissant d'être comme je suis parce que je n'ai pas fait ce que la majorité des gens de mon âge ont fait.

'Mais je pense que ça ne s'arrête pas à un simple traumatisme t'empêchant de tomber amoureuse l'échec de ta vie. Il y a encore d'autres choses ...'

'Sebastian ... je ne veux pas en parler.'

'Qu'est-ce que tu peux bien garder en toi de si traumatisant ? Tu sais que tu peux me parler ... cela ne doit en aucun cas affecter ton parcours et je suis là pour que tu réussisses. Donc si je dois savoir tout ce que je dois savoir pour t'aider à réussir ...'

'Je n'en parlerais pas ... c'est trop ... sombre' je finis par dire, me pinçant un peu plus la lèvre.

Un lourd silence raisonne dans la pièce alors que je me sens vraiment mal, ayant la gorge qui commence à trembler en me rappelant de nombreux souvenirs que j'aurais préféré oublier. Je sors soudainement de mes pensées quand je sens une main se glisser timidement sur ma joue, me faisant par la même occasion relever le visage. Mon cœur commence à s'accélérer alors que je ne réalise pas totalement ce qu'il se passe.

'Je serais là quoi qu'il arrive et il n'y aura aucun jugement de ma part. Je te le jure Honor. Je vois que tu as besoin d'aide. En tout cas, je le sens. Et je serais ravi de te donner cette aide'

Je ne parviens plus à formuler une phrase, à dire un mot ou tout simplement respirer parce que mon regard reste figé sur la grande main posée sur ma joue, la caressant tendrement. Et pour la première fois depuis fort longtemps, j'ai l'impression que quelqu'un a compris ce que j'attendais. En tout cas, je l'espère. 

Only You (can fix me) | Sebastian StanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant