50* Stigmates du passé (partie 2)

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5761 mots - Les 200'000 mots sont dépassés avec ce chapitre *-*

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23 janvier

Arrondissement de Higashiyama-ku, Kyoto
Préfecture de Kyoto
Japon

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Keiji Yokoyama.

J'ai un peu honte de l'avouer, mais concrètement, je ne sais pas grand-chose à son sujet mise à part quelques banalités. 16 ans, élève de seconde, il a rejoint en même temps que moi le club de volleyball, en début d'année, et joue au poste titulaire de libéro. Et étant de nature plutôt discrète et réservée, mes interactions avec Yokoyama étaient plutôt limitées. Sans compter que la présence quasi permanente de Yamazaki à ses côtés ne m'a jamais vraiment motivée à chercher à en savoir plus sur lui.

Et pourtant, j'ai plus d'une fois eu le loisir de constater qu'ils n'avaient rien en commun au niveau de leur personnalité. Celle de Yokoyama est tellement douce et bienveillante que j'ai toujours été étonnée qu'il soit si proche d'une personne aussi franche et blessante que peut l'être Yamazaki. Comment ces ceux-là se sont trouvés, c'est quelque chose que j'ai toujours eu de la peine à concevoir.

Mais à nouveau, cela prouve que ma vision des choses concernant Yokoyama se base quasi exclusivement à travers le jugement que j'ai de Yamazaki. C'est triste à dire, mais dans mon esprit, je le vois comme « l'ami de chignon boy » plus qu'un personne à part entière. Et ça, je m'en rends vraiment compte que maintenant, alors que je me retrouve incapable de prononcer le moindre mot face à son timide sourire aussi bienveillant qu'à l'accoutumée.

C'est toujours enfermé dans mon mutisme que je m'approche de la table basse au milieu du salon, les yeux rivés sur les tasses de porcelaines comme par peur de dévoiler le trouble qui m'habite. Dans ma tête, mes pensées tournent à plein régime. Parce que j'ai beau réaliser que je ne le connais pas Yokoyama, paradoxalement, je viens également d'en apprendre beaucoup d'un coup.

L'ami, c'est lui.

Ce garçon au sourire timide mais franc, qui est constamment de bonne humeur et qui se préoccupe tant du bien être des autre, c'est aussi ce garçon dont m'a parlé Yamazaki, celui qui s'est infligé tant de blessures au point d'en frôler une rencontre avec l'ange de la mort. Et dans mon esprit, une question résonne en boucle.

Pourquoi ?

Je ne suis pourtant pas la mieux placée pour poser cette question, parce que moi-même je ne saurais y répondre. Et pourtant, Dieu sait à quel point ce simple petit mot me brûle les lèvres. Comprendre, j'ai cette envie pressante de comprendre. Comprendre ce qui a bien pu le pousser à en arriver à de telles extrémités. Mais surtout, comprendre ce qu'il a traversé comme si cela pourrait me servir à coup sûr de modèle pour m'en sortir, moi aussi.

Est-ce égoïste de ma part de vouloir obtenir ce genre de réponses au lieu de les chercher par moi-même ? Même si sa présence signifie qu'il semble vouloir me partager son passé, je ne m'en sens pas légitime. Parce que moi, je me sens incapable de replonger dans le mien. Du moins, dans l'immédiat. 

Un frison me traverse de la tête au pied alors que je me laisse mollement tomber à genoux sur le sol, face à Yokoyama. Le garçon n'a pas repris la parole depuis que son ami nous a quitté, mais il est loin d'être aussi inactif que je le suis en ce moment même. Pendant que je rêvassais, il a entrepris de nous servir le thé que j'ai apporté, puis il m'a tendu une tasse.

-Est-ce que ça va ?

Mon regard croise celui de Yokoyama, qui m'adresse un petit sourire rassurant. Ça ne fait aucun doute qu'il a dû remarquer que je restais bien plus silencieuse qu'à l'accoutumée. Il faut que je me reprenne, et ce dès maintenant.

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