64* Élan du coeur

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7948 mots

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4 mars

Arrondissement de Minami-ku, Kyoto
Préfecture de Kyoto
Japon

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Mes paupières se ferment doucement je laisse mon bras retomber mollement sur les couvertures, juste aux côtés de ma tête. Mes doigts se décrispent de mon cellulaire qui finit lui aussi par atterrir sur le matelas. Les échos de ma conversation téléphonique résonnent encore dans mon oreille, mais je suis pourtant bien incapable de réellement m'en soucier. Une mauvaise nouvelle de plus ou de moins, qu'est-ce que ça change à ce stade ?

Vide. Je me sens affreusement vide. Et pourtant, dans ma tête c'est le chaos. Le chaos parce que j'ai tout simplement l'impression que ce qui constituait la base de ma vie n'était qu'un tissus de mensonges, et que maintenant qu'il a cédé, tout s'est écroulé. Il ne me reste plus que des débris totalement inutilisables, et je doute réussir à en faire quelque chose.

Mon monde s'est déjà écroulé une fois. J'avais à peine 12 ans. J'étais encore une gamine qui ignorait à quel point la vie peut se montrer cruelle. Il n'y a pas eu de transition. Presque du jour au lendemain, j'ai été confronté au pire. Et de la même manière, j'ai sauté toutes les étapes intermédiaires qui auraient dû me permettre de grandir mentalement à une vitesse appropriée.

L'intensité de la souffrance que j'ai traversée m'a certes permise de m'endurcir de l'extérieur, à prendre les choses avec du recul comme le ferait un adulte, mais la vérité, c'est que je suis toujours cette gamine brisée de l'intérieur à laquelle on annonce un soudain divorce, puis un putain de cancer.

Dans les deux cas, il n'y avait aucune raison valable pour les justifier. Rien qui aurait pu expliquer pourquoi est-ce que mes parents décident de se séparer alors qu'il ne se sont jamais disputés. Rien qui aurait pu expliquer pourquoi on déclare mon frère atteint d'une tumeur aussi grave alors qu'il était en parfaite santé. 

C'était tellement injuste, de souffrir autant alors que je n'avais jamais fait de mal à personne.

Seigneur, pourquoi ?

Passer outre une blessure aussi profonde alors que j'étais aussi jeune et fragile, cela ne s'est pas fait sans conséquences. Il n'y a qu'à voir mon état mental actuel pour s'en rendre compte. Je me sens un peu comme un os brisé auquel on n'aurait pas porté attention, et qui a fini par repousser complètement de travers. C'est une manière un peu nulle d'exprimer les choses, mais je ne me sens pas capable de penser à meilleur exemple.

Le résumé le plus bref de ma vie, c'est comme si quelqu'un s'amusait secrètement à s'acharner sur moi pour voir combien est ce que je suis prête à supporter avant de craquer. J'ai plus au moins réussi une première fois à passer l'épreuve, mais là, je n'ai tout simplement plus la force de tout reconstruire.

Repartir de rien, impossible. Pas encore une fois. C'est trop pour moi.

Ça m'agace de l'admettre, mais pour la première fois de toute mon existence, l'idée d'abandonner me paraît tout d'un coup envisageable.

Un long soupir me parcourt, faisant trembler chacune des cellules douloureuses de mon corps et une grimace s'invite sur mon visage blafard. Je ne sais pas quelle tête j'ai, mais ce qui est sûr c'est que j'dois être loin de l'impression de respirer la joie de vivre.

Les dernières vingt-quatre heures qui se sont écoulées, c'est clairement les pires depuis un long moment. Et je ne fais pas seulement référence à ce qui s'est passé au gymnase. Il y a – malheureusement- autre chose qui est venu entacher ce si joyeux tableau. Un truc dont je me serais bien passée.

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