9* Journée de merde (partie 2)

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5789 mots

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14 avril

Kyoto Brew Coffee
Arrondissement de Fushimi-ku, Kyoto
Préfecture de Kyoto
Japon

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L'enseigne du café apparait enfin dans mon champ de vision après quelques minutes de trajet qui m'ont paru juste interminables. En sentant une goutte d'eau rouler dans mes cheveux, un énième soupir m'échappe. Une autre goutte finit par me toucher, suivit d'une autre, et encore une autre. Jusqu'à ce que je ne puisse plus les compter. Les nuages ont donc finalement décider de déverser ce qu'ils retenaient depuis plusieurs jours. J'ai beau adorer les nuits claires et étoilées par-dessus tout, je trouve que la pluie d'été a quelque chose d'apaisant à sa façon. Tout est bercé par le calme. C'est paisible. Comme si le temps n'avait plus aucune valeur. Comme pendant la nuit.

M'arrêtant en pleine rue, je laisse ma tête basculer en arrière et me mets à contempler le ciel. Si je trouve la pluie apaisante à observer, ce ciel-là ne me plait pas du tout. Le premier mot qui me vient pour le décrire, c'est fade. Tout est extrêmement gris. Pas un morceau bleu clair à l'horizon ne vient perturber cette couleur des plus ternes. C'est juste un vaste océan gris qui s'étale à perte de vue. Monotone, ennuyeux et déprimant.

Mon nez se fronce en sentant une goutte s'écraser sur ma joue, couler dans mon cou, et finir sa course dans mes vêtements. Il commence vraiment à pleuvoir fort, alors je prends finalement la décision d'aller me réfugier à l'abris. Autant que j'apprécie la pluie, j'espère qu'elle va cesser sous peu. Observer c'est une chose. Devoir marcher quand il pleut, c'en est une autre. Tant que le ciel ne m'offre pas ce spectacle quand viendra mon heure de rentrée, ce qui se passe là-haut m'importe peu.

Les clochettes retentissent joyeusement quand la porte se referme sur moi. L'établissement est encore assez vide durant ces heures de la semaine. Et heureusement. Ça veut dire qu'il n'y a pas trop de clients qui risquent de me voir débarquer dans mon état que je juge des plus pitoyable. Au comptoir, il n'y a qu'un employé à cette heure-ci, deux n'étant pas nécessaire. Il s'agit de Yuki, un garçon un peu timide mais très souriant. Mes horaires ne coordonnent quasi jamais avec les siens, ce qui fait que je ne le vois finalement que très rarement. Et aujourd'hui, il a juste replacé Hanae pendant deux heures parce qu'elle avait le dentiste. Si j'étais venue à mon heure prévue initialement, ce serait Hanae qui se trouverait derrière le comptoir.

-Oh salut Yumi ! tu es déjà là ?

Le visage de Yuki se décompose un peu à mesure que je m'approche du comptoir. Seigneur, j'ai donc si mauvaise mine que ça ? je n'ai plus qu'une pensée en tête : rejoindre impérativement la réserve au plus vite et prendre ces foutu antidouleurs.

-J'ai pu partir un peu plus tôt. Excuse-moi deux secondes.

Ma voix est vraiment faible. Je me sens comme dans un état second. Mais je crois qu'il m'a comprise. En tout cas, il n'essaye pas de m'interroger ni de me suivre quand je traverse la porte de l'arrière-boutique, puis celle menant aux casiers. Je suis bien contente que ce ne soit pas Hanae qui m'ait accueillie. Elle ne m'aurait pas laisser passer sans m'avoir fait passer un vrai interrogatoire. Une autre crampe me sort de mes songes, et avant que je ne réalise vraiment ce que je fais, je me trouve déjà à boire de l'eau pour faire passer un comprimé dans mon organisme. Je souffle, ça devrait gentiment aller mieux maintenant. Je me change rapidement dans ma tenue de travail, me remaquille et me coiffe convenablement, puis retourne dans la pièce précédente. Celle de l'arrière-boutique. Il me reste à peu près une demi-heure avant le début de mon service, alors j'en profite pour me coucher quelques instants sur le canapé. Mes membres se font lourd et le brouillard enveloppe mon esprit. Je ne sais pas exactement combien de temps je suis restée dans cet état, à somnoler, mais je sais en revanche que l'antidouleur a commencé à faire effet quand Yuki est réapparu dans mon champ de vision. Il se tient dans le cadre de la porte, et même si je ne distingue pas précisément les traits de son visage, je le devine sans peine afficher une moue hésitante.

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