Chapitre 13 - Jamais un sans trois -

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- J'aimerais que tu me montres l'endroit où j'ai enterré cette fille...

Mon souffle se coupe et mon coeur cesse de battre. Ou alors peut-être qu'il vient simplement de quitter ma cage thoracique tant je ne m'attendais pas à cette question. Est-ce une bonne idée de lui montrer ce lieu ? J'en doute, mais c'est son droit de savoir. Personnellement, je pense que d'un côté, il a besoin d'autres preuves que mes cicatrices pour prendre conscience de ses actes, mais d'un autre côté, je n'ose même pas imaginer à quel point il doit être bouleversé et je ne suis pas sûre que ressasser le passer l'aide à surmonter ces nouvelles. Avant qu'il ne perde la mémoire, il était un homme monstrueux qui faisait des choses toutes aussi monstrueuses, mais désormais, il ressemble terriblement à cette fille que j'étais avant de me faire kidnapper. Il semble naïf et innocent et c'est pour cette raison que je pense que ce n'est pas une bonne idée de lui montrer. Il serait bien trop bouleversé.

- Tu es sûr ? je demande en lui tournant toujours le dos.

J'ai beau ne pas aimer l'idée, c'est son choix et s'il désire réellement voir l'endroit où il a enterré à l'arrache cette fille, je lui montrerais. Peut-être qu'une fois le choc passé et ses doutes estompés, il sera beaucoup plus apte à m'aider pour trouver un moyen de quitter les lieux. De toute façon, il ne me reste plus que quatre jours avant de rentrer. Les quatre plus longs jours de mon existence.

Lorsqu'il se lève et avance d'un pas déterminé, je comprends qu'il ne lâchera pas l'affaire. Je hoche donc la tête et me dirige vers la porte d'entrée, lui sur les talons. C'est donc dans le silence que nous contournons la maison. Je ne sais pas si Devon est prêt, mais moi, je ne le suis pas. C'était déjà une horreur pour moi de le regarder faire depuis la chambre, mais ça me parait encore plus affreux de voir tout ça de près. Mais la bonne nouvelle, c'est qu'il semble désormais avoir l'esprit tellement occupé que toute envie de moquerie l'a quitté. Tant mieux parce que je ne l'aurai pas supporté encore bien longtemps sans qu'il ne finisse avec mon genou dans les bijoux de famille.

Une fois que nous arrivons en face du lieu, mon souffle se bloque dans ma poitrine. À vrai dire, il n'y a rien en face de nous. Pas de tombe, pas de fleurs, aucune décoration. Non, rien. La seule chose qui nous permet de savoir que le corps d'une femme se trouve sous nos pieds est le gigantesque carré de terre dépourvu herbe et de végétation. D'ailleurs, je remarque avec horreur que deux autres carrées de terre se trouvent un peu plus loin.

- Oh mon Dieu ! je lâche sans m'en apercevoir. 

Le psychopathe n'a pas tué qu'une seule pauvre femme. Non. C'était la troisième fois (si ce n'est plus) qu'il enlevait la vie à quelqu'un. Quelle horreur, il faut que je parte d'ici avant de vomir à même le sol. Je ne prends même pas le temps de voir comment Devon tient le coup, je lui annonce que je rentre et le laisse seul, faire face aux actions de son double maléfique. 

C'est limite en courant que je rentre dans la maison et me dirige aussitôt vers les toilettes pour vomir tout ce que j'ai mangé la veille. Tandis que je tente de contrôler les tremblements de mes mains, posées sur le rebord du toilette, je me dis que c'est un miracle que je sois encore en vie à l'heure qu'il est et que j'aurai pu finir comme ces personnes. Moi aussi aurai-je eu ma place dans ce jardin mal-entretenu ? Dans un lieu où jamais ma famille aurait pu venir se recueillir sur ma "tombe" ? C'est dur mentalement de se dire que là où on a survécu, d'autres ont perdu la vie et ne se réveilleront plus jamais. Pourquoi moi ? Pourquoi moi et pas eux ? Elles ? 

Tandis que je finis de vomir une deuxième fois mes tripes, le silence dans la maison m'annonce que Devon est toujours dehors, certainement en train de se demander ce qui lui a pris de faire tant de mal à ces gens innocents. 

Je finis par me relever en essuyant ma bouche dans du papier toilette, la seule chose que j'ai sous la main. Mais ce n'est qu'une fois dans le salon que je reste planté là, à me demander ce que je vais faire maintenant. Normalement, j'étais descendue pour déjeuner, mais après tout ce qu'il vient de se passer, je ne suis pas sûre que manger soit toujours au programme. Rien qu'y penser me tord l'estomac. À la place, je décide qu'une toilette s'impose et est nécessaire, donc je me dirige vers l'étage et profite du fait que Devon soit encore dehors pour filer dans sa chambre pour prendre des habits de rechange. J'en prends même qui me serviront de pyjama pour ces prochains jours puisque je refuse de de nouveau dormir dans mes fringues du jour. C'est dégueulasse et pas du tout hygiénique. 

Pile ou FaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant