DEVON
En sortant, je n'ai pas croisé Jonas et je pense que c'est tant mieux pour lui. Je n'aurais eu aucun scrupule à briser son crâne contre la semelle de ma chaussure après tout ce qu'il avait fait à Kayla. Par contre, je dois bien remercier ce crétin pour une chose parce qu'il a oublié de reprendre sa voiture et a laissé ses clés sur le contact.
Mon cerveau est en panique et le sang de Kayla coule de sa jambe. Je suis inquiet, rongé par toutes les sortes de culpabilité possible et une rage contre moi-même est en train de m'habiter. Quand je pense que je n'ai pas eu d'autres choix que de rester là sans rien faire à la regarder souffrir.
Je dépose Kayla sur la banquette arrière et allume le contact avant de partir en trombe. Ne connaissant pas encore fort bien les lieux, je suis seulement capable de retourner à notre maison et le fait d'avoir un véhicule va me faciliter la tâche. C'est même étonnant puisque le GPS se lance automatiquement vers cette dernière alors qu'elle se trouve en plein milieu de la forêt.
J'aimerais pouvoir rouler aussi vite sur l'éclair mais j'ai conscience que ça nous mettrait Kayla et moi en danger et je ne peux pas me le permettre. Du coup, je roule aussi vite que je peux en essayant d'éviter au maximum les arbres et les racines. De temps en temps, lorsqu'une grosse secousse fait bouger la voiture, un gémissement de douleur s'échappe de la bouche endormie de Kayla et je me remets à ralentir. Normalement nous ne devrions pas mettre énormément de temps. Je roule donc en regardant aussi souvent que possible dans le rétroviseur pour m'assurer que sa poitrine se soulève toujours. Heureusement, c'est toujours le cas.
Bon dieu, ce poids sur ma poitrine refuse de me lâcher. Peut-être est-ce dû à la culpabilité qui me ronge ou alors à la peur. La peur de la perdre à jamais. Mon souffle est court et je n'arrive pas à m'ôter ses hurlements du crâne. Ils résonnent en moi comme des échos le feraient dans une grotte. Je profite donc de la solitude de la voiture pour lâcher mes larmes. Je continue de pleurer encore et encore jusqu'à ce que je me sente plus sur le point de perdre la boule. Mes doigts tremblent et je n'ose même pas baisser les yeux sur mes mains qui sont couvertes de sang. Je me demande ce que Kayla doit penser de moi maintenant. Me déteste-t-elle ? Je comprendrais si j'étais à sa place. Est-ce que je lui fais aussi horreur que je me le fais actuellement ? Parce que là, j'ai envie de m'en coller une tellement ma haine envers moi est intarissable.
Je ne sais pas combien de temps nous mettons réellement à arriver à la maison mais une fois le moteur coupé, je ne perds pas de temps et file chercher Kayla à l'arrière. Je la prends dans mes bras et me dirige vers l'entrée de la maison avant d'y entrer en trombe. Je ne reste pas plus longtemps à m'attarder dans le salon et monte aussitôt les escaliers sans me soucier du bordel sans nom qui se trouve dans toutes les pièces.
Une fois dans notre chambre, je la dépose sur le lit sur lequel les coordonnées géographiques sont toujours inscrites et enlève avec autant de délicatesse que possible son pantalon plein de sang. Ce dernier lui colle à la peau, mais à l'aide d'une paire de ciseau que j'ai pu trouver dans le bureau, je le coupe.
Sachant très bien que je ne parviendrais pas à la soigner dans cet état, je décide de mettre mon cerveau en mode off. Mes gestes et pensées deviennent mécaniques et je file dans la salle de bain chercher la trousse de secours. En temps normal, j'aurais dit malheureusement, mais aujourd'hui, je suis heureux que le monstre que j'étais avait un penchant pour garder ses victimes en vie le plus longtemps possible et donc détenait un stock important dans ses trousses de secours.
Je prépare du désinfectant, des compresses, une aiguille chirurgicale ainsi que du fil avant d'aller me laver les mains avec soin, effaçant au passage de l'eau le sang séché qui s'y trouvait. Pour tout ce qui concerne les soins des blessures de Kayla, mon cerveau est éteint et tout se passe sans que je n'aie réellement conscience de ce qu'il se passe. Tout ce que je sais c'est qu'après avoir tout fini en lui créant une sorte d'attelle au niveau du doigt, je sors de la pièce pour m'isoler un peu. J'ai besoin d'air.
À peine la porte passée, les échos de ses hurlements de douleur reviennent me hanter et j'ai l'impression de perdre la boule. Mon coeur me fait souffrir à tel un point que je me demande s'il ne va pas réellement se briser et malgré le fait que tout le sang ait été nettoyé, j'ai l'impression que mes mains en sont encore recouvertes. Les cris continuent de s'enchaîner dans ma tête et j'en viens même à me pincer pour être certain que je ne me trouve pas dans un foutu cauchemar. Une fois que je m'en suis bien assuré et que je prends conscience que tout ce qu'il vient de se passer était réel, quelque chose vrille dans mon esprit. J'attrape la première chose qui me tombe sous la main, c'est-à-dire une chaise et la lance de toutes mes forces dans le mur voisin. Elle se brise en mille morceaux et part rejoindre les débris restants de mon précédent pétage de plombs.
Je remets ensuite le canapé à l'endroit puis m'assois dessus avant de prendre ma tête dans mes mains. Mes doigts tremblent et je suis encore sous pression. Dès que je ferme les yeux, les images viennent fusionner avec les hurlements et le combo me fait perdre la boule une bonne fois pour toutes. La seule chose qui parvient à me ramener à la réalité est la voix de Kayla qui m'appelle paniquée depuis notre chambre. Elle s'est réveillée !
Je déboule dans les escaliers aussi vite que possible et arrive auprès d'elle en un rien de temps. Elle semble tellement paniquée et se tord de douleur. Je la rallonge aussitôt sur le dos pour ne pas qu'elle se blesse et m'assois sur le bord du lit pour lui montrer que je suis présent.
- Il faut que tu te reposes, ne bouge pas.
Je ne reconnais pas ma voix tellement elle est rauque et pleine d'émotions. J'ai l'impression qu'elle appartient à quelqu'un d'autre et ça expliquerait cette impression de quitter mon corps que j'ai. C'est comme si je voyais ce qu'il se passait d'un point de vue externe. Je ne sais pas bien expliquer la sensation que c'est mais je pense que c'est une manière de la part de mon cerveau de me protéger de tous les sentiments qui sont en train de me briser. Mais actuellement, la seule chose qui importe est Kayla.
- J'ai mal.
- Je sais mon ange. Je sais. J'ai fait ce que j'ai pu pour soigner tout ça.
Son regard évite le mien et tout est tendu entre nous. J'ai à la fois envie d'être ici et de quitter cette pièce tant je n'arrive pas à la regarder dans les yeux. C'est de ma faute si elle va mal et c'est de ma faute si elle en gardera des traumatismes à vie.
Après quelques minutes de silence pendant lesquelles les larmes coulent discrètement, je finis par reprendre la parole dans un murmure.
- Tu veux en parler ?
Son visage se tourne vers moi et j'arrive à voir toute l'horreur que ses yeux renferment.
- Non, je ne veux surtout pas en parler.
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Pile ou Face
RomansaL'amour peut-il naître derrière la souffrance ? Kayla, une jeune fille dont la vie était jusqu'à là joyeuse se retrouve du jour au lendemain, captive d'un psychopathe tueur en série. Entre souffrances et tourments, le début de sa captivité ne sera...