Adam dressait consciencieusement les cupcakes en se mordant la lèvre. Pâtisser l'aidait à ne plus penser à tous ses problèmes. En plus, ses parents avaient des invités aujourd'hui et lui avaient demandé de faire le dessert, il avait donc une bonne excuse pour exercer sa passion. Il sourit doucement en déposant un petit cœur bleu en pâte à sucre au-dessus du tourbillon de chantilly rose pailleté. Qu'est-ce qu'il rêvait de pouvoir ouvrir un salon de thé, pouvoir y proposer ses pâtisseries, voir le sourire des gens qui partageaient un bon moment ensemble. Il savait qu'il n'avait pas choisi la bonne filière pour ça, mais il espérait pouvoir se réorienter après son bac. Parce que, honnêtement, la pâtisserie était un des seuls domaines dans lesquels il excellait vraiment.
Le bruit de sonnette le sortit de ses pensées et lui fit relever la tête. Il jeta un œil vers l'horloge, se faisant la remarque qu'il n'avait pas pensé une seule fois à ses ennuis depuis qu'il avait commencé à faire la cuisine. Il allait reprendre la décoration de ses gâteaux quand sa mère passa la tête par la porte de la cuisine en lui demandant d'aller ouvrir le temps qu'elle termine de dresser la table.
— Mais, maman ! Je les connais pas ! Demande à papa !
— Ton père est dans la cave pour choisir le vin, dépêche-toi ! Et puis tu as déjà vu Christelle, David et Henry !
— J'avais quatre ans !
Sa mère ignora son argument d'un geste de la main agacé, signe qu'il devait obéir sans faire d'histoire. Il soupira et fit la moue. Déjà que participer à une retrouvailles entre ses parents et de vieux amis à eux ne l'enchantait absolument pas, aller leur ouvrir la porte était une torture. Il détestait les inconnus, il détestait les repas auxquels il ne pouvait pas échapper parce qu'il avait eu la bonne idée de s'énerver contre ses meilleurs amis. Il allait d'ailleurs devoir s'excuser au plus vite. Il savait qu'ils ne lui en voulaient sûrement pas, mais quand même, ils n'avaient pas à subir ses accès de colère.
Il alla vers la porte d'entrée après avoir retiré son tablier. Il ouvrit le battant de bois en essayant d'afficher un sourire sur son visage blasé afin de paraître un peu poli mais il le perdit bien vite en voyant qui se trouvait devant lui, un bouquet de fleurs et une bouteille à la main, sa tenue de sport échangée avec une chemise lavande cintrée rentrée dans un jean noir. Comment n'avait-il pas pu faire le rapprochement quand sa mère avait prononcé le prénom "Henry" ? Il eut envie de se frapper, il avait un crush sur un vieil ami de ses parents qui l'avait très certainement vu en couche. Voilà comment ruiner toutes les chances qu'il lui restait en moins de dix secondes, si tant est qu'il lui restait la moindre chance après ce qui s'était passé au club de boxe quelques jours plus tôt.
— Adam ! Comme tu as grandi, s'exclama une voix de femme enjouée derrière le boxeur.
Le plus jeune regarda la quadragénaire qui s'était approchée en tentant de faire abstraction de Henry. Elle était accompagnée d'un homme qui devait être son mari et d'un adolescent qu'il reconnut immédiatement comme faisant partie de la troupe de Charles. Il dut retenir la panique qui monta en lui et se força de sourire se maudissant d'avoir accepté de participer au déjeuner.
— C'est vrai ça ! Tu avais quoi la dernière fois qu'on t'a vu ? Quatre ans, non, surenchérit l'homme à ses côtés.
Adam hocha la tête en essayant d'éviter le regard moqueur du garçon blond. Ce repas promettait d'être une catastrophe. Il se décala pour laisser entrer les invités, leur indiquant que ses parents devaient sûrement être dans le salon. En passant, celle qu'il devina être Christelle ne put s'empêcher de lui désigner son fils et de demander avec un ton enjoué :
— Tu te souviens de Jonathan ? Vous avez le même âge, il me semble !
— On se connaît, mam', on est au même lycée, répondit Jonathan à sa place, ravi de te voir ici, Adam.
— C'est... partagé.
Il tenta de contrôler sa voix et son expression pour paraître poli. Il réussit apparemment à faire illusion car elle partit vers le salon en entraînant son fils derrière elle. Henry fut le dernier à entrer et il ferma la porte derrière lui, prêt à repartir en cuisine. Pourtant, son aîné attrapa son poignet fin pour le retenir. Il posa sur lui un regard inquiet en chuchotant :
— Tout va bien ? Tu as eu l'air paniqué en voyant Jonathan.
— Je... je vais bien, répondit l'adolescent en se dégageant sèchement, c'est pas tes affaires.
Il ne lui laissa pas le temps de répondre et retourna rapidement dans son repaire pour terminer ce qu'il était en train de faire. Il avait besoin de s'éloigner le plus vite possible des invités et de reprendre son calme. Il tenta de se persuader que c'était la panique de savoir qu'un des amis de son ex était dans sa maison qui faisait battre son cœur aussi vite, et pas le fait que Henry avait lu en lui comme un livre ouvert. Il était censé être bon pour cacher ses émotions, la preuve était que personne n'avait semblé remarquer son état. Pourtant, le boxeur avait deviné, juste comme ça, en le regardant. Il inspira en reprenant sa poche à douille. Henry était juste gentil, ce qui c'était passé ne voulait absolument rien dire. De toute façon, il ne voudrait jamais de lui. Qui tombait amoureux d'un gamin de dix-neuf ans son cadet, fils de ses amis, et qui en plus était asexuel ? Non, il devait définitivement l'oublier. Même Roméo et Juliette avaient plus de chance de vivre leur histoire d'amour que lui et Henry.
Il soupira et attrapa son téléphone. Il ouvrit sa conversation avec Julien et Lucie dans l'intention de se confier à eux mais se rappela la manière dont il les avait traités après le rejet de Henry. Il se mordit la lèvre et envoya un rapide "Je suis désolé". Leur réponse ne se fit pas attendre. Julien lui adressa un émoji cœur et Lucie un gif de personnages se faisant un câlin. Il sourit légèrement. Au moins, il y aurait quelque chose de positif dans sa journée, ses amis ne lui en voulaient pas.
VOUS LISEZ
Parce que tu as besoin de sexe, toi ?
RomanceDepuis qu'il a été largué parce qu'il était asexuel, Adam vit un enfer au lycée. Heureusement pour lui, il peut toujours compter sur ses meilleurs amis. Quand il décide de suivre Julien à son club de boxe, il ne se doute pas qu'il va y faire la renc...