Parce que tu as besoin de sexe, toi ?

Chapitre XIV

Henry sourit tendrement en sentant le corps de Adam se détendre contre lui et sa respiration se ralentir. Il avait remarqué qu'il semblait épuisé, et la fin de soirée avait apparemment eu raison de lui. Il caressa ses cheveux avec tendresse. Même s'il était heureux du nouveau tournant de leur relation, il n'en demeurait pas moins inquiet pour son cadet. Il avait l'air tellement brisé alors qu'il n'avait même pas encore dix-huit ans. Ça lui faisait mal au cœur mais il ne pouvait rien faire sans connaître son histoire. Ceci dit, il ne pouvait pas lui demander de se confier sans le faire lui-même. Ils allaient sûrement devoir avoir plusieurs longues discussions.

Mais pour le moment, Adam dormait. Et bien qu'il apprécie grandement qu'il se soit assoupi contre lui, ce n'était sûrement pas la position la plus confortable. Il se leva en passant ses mains sous ses cuisses pour le porter jusque dans sa chambre. En se faisant, il remarqua que le plus jeune ne pesait presque rien et il grimaça légèrement en se souvenant qu'il avait à peine touché à son repas. Il allait devoir y faire attention, sans pour autant se montrer trop insistant. Adam semblait savoir ce qu'il faisait, mais il était vraiment inquiet pour lui. Il l'allongea sous la couette et déposa un tendre baiser sur son front puis ses lèvres. Voyant qu'il était profondément assoupi, il le laissa dans son lit aux draps violets et quitta la pièce.

Il se rendit sans attendre dans la salle de bain et se débarrassa de son jogging ainsi que de son t-shirt avant de les jeter dans sa machine à laver. Il y mit aussi les affaires de son élève et lança une machine. Il ne saurait pas dire pourquoi, mais voir leurs linges ensembles le fit sourire. Si c'était ça, la vie avec Adam, alors il adorait déjà. La seule ombre au tableau aurait pu être l'asexualité du plus jeune. Sauf qu'il n'allait pas se mentir, après ses nombreuses recherches sur le sujet, ça ne lui faisait pas peur. Il n'avait jamais été véritablement porté sur l'acte de toute manière, même s'il avait eu quelques expériences. De plus, d'après les différents témoignages qu'ils avaient pu lire, l'asexualité englobait un large spectre et une personne asexuelle pouvait se révéler être très fluide. Il ne savait pas si c'était le cas de son petit-ami, - il ne put s'empêcher de rougir en pensant à lui ainsi -, mais seule la communication pourrait leur éviter l'incompréhension et simplifier leur relation.

Il ferma les yeux en profitant de sa douche et des gouttes chaudes qui tombaient sur sa peau. Il ne pouvait pas dire qu'il n'était pas excité par Adam mais il essayait de ne pas trop y penser. Il fixa sa main et un petit rire lui échappa. Elle serait sûrement sa meilleure amie. Mais à nouveau, ça ne le gênait pas. Parce que la potentielle frustration de ne pas coucher avec lui, il pouvait la gérer. Depuis que Adam était entré dans sa vie, avec son franc-parler et ses grands yeux tristes, il s'était senti attiré par lui. Même s'il semblait y avoir beaucoup d'obstacles à leur relation, il n'avait plus envie d'y renoncer. Plus maintenant qu'il y avait goûté.

Il quitta la douche et se sécha. En enfilant son pantalon de pyjama couleur lilas, il se demanda s'il devait rejoindre Adam dans la chambre. Il ne voulait pas lui imposer sa présence dans le lit sauf que son canapé n'était pas vraiment confortable et que, mine de rien, il était vieux. Son corps n'appréciait pas spécialement de passer des nuits loin de son épais matelas. Alors qu'il sortait de la salle de bain en tentant de résoudre ce dilemme, il entendit quelques sanglots étouffés tant bien que mal dans ce qu'il supposait être son oreiller ainsi que des gémissements de douleur. Son cœur se serra et il entra rapidement dans sa chambre, découvrant le plus jeune qui s'accrochait à son oreiller en couinant, le visage couvert de larmes et les sourcils froncés par la terreur, toujours profondément endormi.

— Merde, Adam... qui t'as fait autant de mal, souffla-t-il en se précipitant vers lui pour le sortir de son cauchemar.

~~~

Adam était dans une ruelle, seul. Il faisait froid. C'était comme si la chaleur de Henry, qu'il avait senti en s'endormant, avait disparu. Il frissonna. Il était effrayé. Il ouvrit la bouche, appela Henry. Seul le silence lui répondit. La panique commença à le gagner. Est-ce qu'il l'avait abandonné ? Aussi vite ? Les larmes lui montèrent aux yeux, son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine. Il appela à nouveau le professeur, se tourna dans tous les sens pour tenter de le voir. Mais il n'était pas là, et il faisait toujours aussi froid.

— Henry, sanglota-t-il en pressant sa poitrine pour qu'elle arrête de lui faire aussi mal, Henry !

— Je t'avais dit, qu'il se lasserait, Adam.

Charles était devant lui, un immense sourire aux lèvres. Sa voix, qui s'élevait sans problème quelques secondes plus tôt, ne sortait plus de sa gorge. Ses pleurs dévalèrent ses joues et le sourire de son ex s'agrandit. Il posa la main sur sa joue, la tapota. Il faisait toujours quand ils étaient ensemble pendant qu'il le rabaissait. Comme pour lui dire "sois un bon garçon, écoute-moi".

— Il ne viendra pas. Allez, viens avec moi. Fais ce que je te demande. Je te jure que tu seras heureux. Il ne te méritait pas de toute façon.

— Adam ! Debout !

Adam ouvrit les yeux en sursautant, prenant de grandes inspirations paniquées. Il serra un peu plus fort l'oreiller qui était déjà contre lui et essaya de reprendre pied avec la réalité. Il sentit de douces caresses dans ses cheveux et croisa le regard inquiet de Henry, penché sur lui. Il était là. Les larmes lui montèrent aux yeux, le souvenir de son cauchemar encore trop vif dans sa mémoire, et il se blottit contre le torse-nu de son aîné. Son étreinte se referma sur lui, le collant un peu plus étroitement contre ses pectoraux, et de nouveau ce sentiment de bien-être l'envahit. Sa respiration se calma peu à peu alors qu'il se gorgeait de la douce odeur de la peau de Henry qui sortait apparemment de la douche.

— Ne me laisse pas, souffla-t-il avec désespoir, ne m'abandonne pas.

— Je n'ai pas envie de le faire... chh... je suis là, calme-toi...

— J-je... j'ai cru... tu n'étais pas là...

— C'était un cauchemar, Adam, juste un cauchemar. Je ne t'ai pas laissé. Je suis là. Respire, petit cœur, respire. Tout va bien...

Il s'apaisa en entendant la voix de Henry et le petit surnom affectueux qu'il venait de lui donner. Il passa les mains dans le dos musclé du professeur et s'accrocha à lui. Il avait peur qu'il le laisse. Tellement peur. Pourtant, quand il était là, au creux de ses bras, il avait l'impression d'être le centre de son monde, d'être protégé de tout. Il ne voulait pas les quitter, plus jamais. Le monde extérieur lui faisait trop de mal.

— Tu veux que je reste dormir avec toi ?

— Oui, répondit-il avec empressement, s'il-te-plaît...

Le boxeur s'allongea sous les couvertures en le gardant fermement contre lui. Il commençait à cerner son petit-ami. Il avait peur de l'abandon, une peur tellement immense qu'il se demandait comment il n'avait pas pû la remarquer avant. Il l'embrassa avec douceur, pour le rassurer et le consoler, mais aussi pour lui transmettre tout son amour, et le serra plus fermement. Il attendit qu'il se rendorme, plongé dans ses pensées. Voir celui qu'il aimait dans cet état lui faisait tellement de mal, il avait envie de chasser toute cette souffrance.

Il savait qu'il lui avait dit de prendre son temps pour se confier, mais il allait être obligé de lui forcer la main. Parce qu'il ne supportait plus de le voir aussi malheureux.