Chapitre IX

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— Il a fait ça ?!

Quelques lycéens se retournèrent vers eux, foudroyant Lucie du regard alors qu'elle venait de troubler le silence du CDI. Adam lui fit signe de baisser d'un ton en rougissant légèrement et la jeune blonde leva les yeux au ciel.

— Répète-moi tout, exigea l'adolescente en plantant ses yeux noisettes dans les siens.

— Alors promets-moi de ne pas crier encore, l'implora Adam à voix basse, on va se faire dégager du CDI alors que je dois vraiment bosser.

— Oui, oui.

Le plus vieux soupira. Sa meilleure amie n'avait définitivement pas l'intention de tenir parole, il la connaissait. Toutefois, il s'exécuta et recommença à lui raconter sa soirée de la veille en chuchotant. Elle était pendue à ses lèvres, incapable de se contenir quand il lui reraconta le moment où Henry lui avait bandé les poings ou celui où il l'avait tenu par le menton.

— Et là, j'ai crié en trébuchant, termina-t-il en rougissant légèrement, d'un seul coup, il était près de moi, à me demander si j'allais bien. Quand il m'a relevé, c'était comme s'il ne voulait pas me lâcher. Il avait l'air... je ne sais pas... c'est comme si il savait qu'il devait le faire mais qu'il en était incapable.

— Et rappelle-moi ce que Aaron t'a dit, jubila la blonde en tapant de ses mains.

— Qu'il devait bien m'aimer... Mais, Lucie, ça ne veut sûrement rien dire. C'est juste... Je sais pas, il est juste gentil.

Lucie soupira de désespoir et son ami haussa un sourcil, l'incitant à partager le fond de sa pensée. Toujours à voix basse, cette dernière s'exclama :

— Adam, ce gars est amoureux de toi !

— Mais pourquoi il m'aimerait, Lu' ? J'ai rien d'intéressant. Non, il est juste sympa... Je veux pas avoir de faux espoirs.

— Mais je te dis qu'il t'aime, à la fin !

— Qui aime qui ?

Adam se figea en reconnaissant la voix qui venait de s'élever derrière lui. Il se mordit la lèvre mais ne se retourna pas. Il ne voulait pas avoir à affronter le regard sombre de Charles. Il inspira profondément, tentant de juguler la panique qui montait en lui, et serra sa copie entre ses mains. Il pouvait répliquer face à tout le monde, mais pas lui. La suite sembla se dérouler au ralenti. Son ex posa sa main sur son épaule, la même que Henry avait touché la veille, et se pencha à son oreille pour y souffler son poison.

— Qu'on soit bien clair, Adam. Personne ne pourra jamais être amoureux de toi. À part moi, peut-être. Mais pour ça, il faut être gentil et faire ce que je veux.

Son autre main tapota sa joue, comme pour lui dire qu'il était un bon garçon, et il se redressa. La seule chose qu'il parvenait à entendre, c'était sa respiration rapide et son cœur qui cognait douloureusement dans sa poitrine. Ce n'était pas comme quand il était avec Henry. Non. C'était douloureux, violent. Il posa sa main sur son épaule en tremblant, tentant de retenir ses larmes. Il voulait oublier sa main sur lui, il voulait oublier ses mots. Il ferma douloureusement les yeux pour essayer d'imaginer quelque chose d'agréable, quelque chose de rassurant. La présence de Henry s'imposa presque aussitôt à lui. Sa grande main qui pressait son épaule et ses magnifiques yeux aciers qui le fixaient avec inquiétude. Il inspira douloureusement. Charles avait tort. Il y avait une personne, une personne qui l'aimait assez pour s'inquiéter de son état, pour l'aider. Il y avait Henry.

— M-menteur, bafouilla-t-il à voix basse.

Charles se tourna vers lui en haussant un sourcil. Lucie, à moitié levée de sa chaise pour prendre sa défense, se stoppa aussi, incrédule. La voix froide de son ex s'éleva à nouveau, complètement dénuée de la douceur qu'il lui avait un jour connue.

— Qu'est-ce que tu as dit ?

— J'ai dit que tu étais un menteur, répéta Adam plus fort en osant l'affronter du regard, on peut m'aimer. Quelqu'un d'autre que toi peut m'aimer, pour qui je suis. Et je me fous que ce ne soit pas romantique. Je veux juste... je veux juste qu'on m'accepte !

Charles attrapa le col de son t-shirt en grognant, le forçant à se lever de la chaise. La rage brûlait au fond de ses yeux. Le lycéen tenta de masquer ses tremblements. La dernière fois qu'il l'avait vu comme ça, c'était quand il avait refusé de coucher avec lui et lui avait avoué qu'il était asexuel. Il déglutit.

— Lâche-le, s'écria Lucie à ses côtés.

Il entendait les lycéens s'agiter autour d'eux, la documentaliste leur demander de s'écarter pour pouvoir mettre fin à leur altercation. Charles n'oserait sûrement pas le frapper ici, pas devant tous ces témoins. Il s'attendait à ce qu'il le lâche, mais le bad boy n'en fit rien. Au contraire, il se pencha à son oreille avec un sourire menaçant.

— Tu crois ça ? Alors j'ai hâte de briser ta petite idylle avec ce gars, Adam.

Il le lâcha et le plus petit tomba au sol. Ses jambes tremblaient tellement qu'elles avaient renoncé à le porter. Charles rigola méchamment avant de s'éloigner vers la sortie du CDI. L'attroupement se dissipa aussi vite qu'il s'était formé et Lucie s'assit à ses côtés en le prenant dans ses bras. Elle le serra aussi fort qu'elle put contre elle.

— Adam ? Adam, tu vas bien ?

— Enfin ! Quelqu'un peut m'expliquer ce qui s'est passé, s'exclama la documentaliste qui venait enfin d'arriver à leur niveau.

— Rien du tout, madame, répondit rapidement Adam, désolé d'avoir dérangé le CDI.

Adam masqua une grimace en sentant Lucie lui pincer le bras. Elle lui faisait les gros yeux parce qu'il avait menti. Il haussa légèrement les épaules. Les professeurs ne le croiraient certainement pas s'il leur racontait tout ce qu'il se passait, il préférait garder le silence. Et puis, il ne voulait pas s'attirer encore plus d'ennuis. L'enseignante les regarda curieusement mais, voyant qu'elle ne saurait rien de plus, elle retourna à son bureau.

— Adam ! Tu aurais dû lui dire, le réprimanda Lucie.

— C'est bon, il ne s'est rien passé de grave. Je vais bien.

— Mais...

— Je. Vais. Bien, répéta-t-il en insistant sur chaque mot avec un sourire.

Lucie se mordit la lèvre mais n'insista pas. Elle savait que c'était vain, Adam ne lui dirait pas ce qui se passait dans sa tête. Elle aurait voulu faire plus, pouvoir l'aider, mais son meilleur ami la repoussait à chaque fois avec cette phrase et ce faux sourire. Et si elle poussait un peu plus, il se refermait sur lui-même. Elle soupira, caressa ses boucles auburns, puis souffla doucement :

— On devrait partir, non ? Julien va bientôt avoir fini son option, allons le rejoindre.

— Oui, tu as raison...

— Et il faut qu'on prévoit ton entraînement de demain avec le bel Henry !

Le sourire qui illumina le visage de son ami à cet instant fut le plus sincère qu'elle ait vu depuis longtemps. Elle sourit, embrassa sa joue et se redressa pour ranger ses affaires. Les deux adolescents quittèrent la salle sans se douter que, caché derrière un des rayonnages de la bibliothèque, Jonathan avait assisté à toute la scène. Et qu'il allait se faire une joie de tout répéter à Charles. 

Parce que tu as besoin de sexe, toi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant