Chapitre XV

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Adam versa un rond de pâte dans la poêle et le regarda faire des petites bulles. Quand elles éclatèrent, il retourna le pancake et attendit qu'il dore de l'autre côté pour le retirer du feu. De son téléphone, posé sur le bar américain, s'élevait des notes de musiques mélancoliques, assez basses pour ne pas réveiller Henry. Quand il avait ouvert les yeux, blotti contre son torse, il avait d'abord été extrêmement heureux. Puis il s'était souvenu que si l'homme était à côté de lui, c'était parce qu'il avait fait un cauchemar, et il avait aussitôt paniqué. Il avait pensé à s'enfuir en douce, pendant qu'il dormait encore, pour ne pas avoir à affronter des questions qui finiraient inévitablement par arriver. Sauf qu'il savait que ce n'était pas une solution, pas s'il voulait que sa relation avec Henry marche. Il soupira en retournant un énième pancake. Comme il avait été incapable de se rendormir, il s'était réfugié dans la cuisine de son petit-ami et voilà une heure qu'il avait entreprit de préparer le petit-déjeuner. Ce n'était pas comme s'il avait beaucoup d'autres choses à faire. Puis, cuisiner, comme d'habitude, l'aidait à se détendre et à réfléchir un peu plus posément.

Il était plongé dans ses pensées, concentré sur l'éclatement des bulles de pâte, quand une main enlaça doucement sa taille et qu'un baiser fut déposé sur le haut de son crâne, au milieu de ses boucles auburns. Il se tourna vers le professeur de boxe, qui lui sourit avant de l'embrasser tendrement. Comme si le trouver dans sa cuisine, en sous-vêtements et avec un de ses pulls sur le dos, était la chose la plus normale de l'univers. Henry se décolla de lui, retint tant bien que mal un bâillement, et s'avança vers la machine à café. Malgré sa coupe assez courte, quelques mèches noires avaient décidé de se rebeller et partaient dans tous les sens, et il ne pouvait pas s'empêcher de bâiller toutes les cinq minutes en regardant sa boisson couler dans sa tasse, les yeux à moitié clos.

— Encore fatigué, se moqua Adam en faisant glisser le dernier pancake dans une assiette.

— Mm... Tout le monde n'est pas aussi matinal que toi, grommela Henry en revenant vers lui pour coller son dos contre son torse en enfouissant sa tête dans son cou, sérieusement, pourquoi tu te lèves à sept heures du matin un samedi ?

— D-désolé, je ne pensais pas que je t'avais réveillé.

— Tu ne m'as pas vraiment réveillé, je t'ai juste senti partir. Non, le seul qui me réveille, c'est mon téléphone, rigola Henry en étouffant un nouveau bâillement contre sa peau, tu fais quoi ?

— Le petit-déjeuner ! J'ai fait des pancakes et j'ai coupé des fruits pour qu'on les mette avec, ils sont dans le frigo !

— Mm... et moi qui pensait que ma journée ne pouvait pas mieux commencer qu'en te voyant ici, tu m'as fait à manger. J'adore ça...

Adam rougit en rigolant. Endormi, Henry semblait beaucoup moins sur la réserve que d'habitude. C'était plutôt plaisant de l'entendre lui dire toutes ses choses avec sa voix rauque tout près de son oreille. Il se fit soudain la remarque qu'il était collé à un homme qui venait de se réveiller et s'écarta brusquement, les joues rouges de gêne et le souffle légèrement paniqué. Henry haussa un sourcil en le voyant faire avant de suivre son regard qui scrutait son bas-ventre, à la recherche d'une érection qu'il aurait pu sans le vouloir intensifier. Il allait commencer à se confondre en excuse mais le plus vieux haussa les épaules et lui ébouriffa les cheveux avec tendresse.

— Je sais pourquoi tu paniques, mais ça sert à rien, gamin. Je t'ai déjà dit de ne pas t'en faire pour ça, expliqua-t-il calmement en avalant une gorgée de café.

— M-m-mais je...

— Adam, bon sang, arrête de te torturer l'esprit comme ça. Je sais me contrôler. Tu ne veux pas de sexe et c'est ok pour moi. N'y pense plus, d'accord ?

— D'accord, je vais essayer, souffla le bouclé.

Il se dirigea vers le réfrigérateur sous le regard de Henry et en sortit les différents fruits qu'ils avaient coupés plus tôt pour les poser sur le bar américain, à côté de l'assiette débordante de pancakes. Il sentait que les yeux aciers le fixaient, cherchant à déceler ce qu'il tentait de cacher au plus profond de lui-même. Il se servit une tasse de café, qu'il noya avec du lait et de nombreux sucres, et s'assit devant son assiette. Il espérait que Henry oublie rapidement l'incident. Mais c'était sans compter sur la persévérance du plus vieux, à présent bien réveillé, qui prit place à ses côtés en posant des fruits dans son assiette.

— On doit vraiment parler. Je sais que je voulais te donner le temps de te confier, mais honnêtement... Je m'inquiète pour toi, Adam. Entre ton cauchemar hier soir et tes réactions... j'ai besoin de comprendre, souffla-t-il en caressant doucement sa joue.

Adam tourna timidement la tête vers lui, se demandant comment, alors que leur relation débutait à peine, Henry pouvait être aussi affectueux et gentil. Avec Charles, il avait dû mériter la moindre petite marque de tendresse, et la moindre de ses paniques déclenchaient les moqueries de son ex. Alors pourquoi lisait-il autant d'amour et de tendresse dans le regard du plus vieux, pourquoi le rassurait-il aussi gentiment, aussi patiemment ? Les larmes glissèrent lentement sur ses joues et sa gorge se serra. Est-ce qu'il le méritait vraiment ?

— Adam ? Hé, petit cœur, ne pleure pas... C'est pas grave si tu ne veux rien me dire, ça peut attendre, désolé, je ne voulais pas te mettre la pression, calme-toi...

— Je... Pou-pourquoi... pourquoi... tu es aussi gentil avec m-moi ?

— Pourquoi... ? Mais... je t'aime, c'est normal d'être gentil avec toi ! Je n'ai pas besoin d'une raison pour ça !

Et soudain, Adam réalisa. La vérité était là, bien masquée derrière les bons souvenirs, les faux sourires, mais elle était là. La relation qu'il avait eu avec Charles, que ce soit avant ou après que ce dernier est appris pour son asexualité, n'avait jamais été une relation normale. Les mots de son ex quand il faisait quelque chose qui ne lui plaisait pas, ses moqueries quand il avait une trop mauvaise note, son chantage quand il avait refusé de le toucher, l'ascendant qu'il avait encore sur lui, la jalousie qu'il éprouvait pour Henry alors qu'ils n'étaient plus ensemble et sa violence dernièrement... Il gémit de douleur et ses sanglots redoublèrent. Rien, rien dans tout cela n'avait été normal.

— Je... je crois... qu'on m'a fait beaucoup de mal, souffla-t-il en s'accrochant à Henry comme à une bouée de sauvetage, mais... je suis pas prêt...

— C'est rien, petit cœur. Plus tard. On en parlera plus tard. Je ne te forcerais plus, désolé...

Il ferma les yeux et se laissa totalement aller contre lui. À cet instant, une douleur sourde pulsait dans sa poitrine. Celle d'un pansement arraché qui révélait l'étendue de ses souffrances. 

Parce que tu as besoin de sexe, toi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant