Chapitre V

1.5K 146 33
                                    

Adam expliquait ses dernières mésaventures à ses amis, assis sur une chaise de la cuisine à côté de ses gâteaux à moitié terminés. Il n'avait pas envie de retourner dans le salon avec les invités, alors il retardait un maximum l'échéance en ne terminant pas sa pâtisserie. Il rigola un peu en lisant la réponse de Lucie à un de ses nouveaux messages d'excuses. Apparemment, elle en avait marre qu'il répète qu'il était désolé. Il redressa la tête en entendant quelqu'un toussoter et rougit légèrement en découvrant Henry. Ce dernier était dans l'encadrement de la porte et le regardait, un sourcil levé avec amusement. Sa chemise faisait ressortir les muscles de ses bras et de son torse, mais la meilleure partie était définitivement ce jean qui moulait à la perfection ses jambes.

— Tu te caches ? Et dire que ta mère pense que tu es en train de finir de cuisinier...

Il sortit de sa contemplation en se maudissant intérieurement. Dire qu'il y a à peine vingt minutes il priait pour l'oublier, le voilà qui était en train de le fixer bêtement. Il se reprit rapidement, tentant de ne rien laisser paraître de son trouble et se redressa en posant son portable sur la table.

— Je peux savoir ce que tu veux, demanda-t-il le plus froidement possible.

— Prendre du jus de fruit. Et aussi... Je crois que j'ai mal réagi, vendredi, souffla Henry en baissant la tête, je voudrais m'excuser.

— Tu as mal réagi, je te le confirme.

Adam se mordit la lèvre en croisant le regard désolé de son aîné. Il avait l'air tellement sincère. Il soupira légèrement et reprit :

— J'accepte tes excuses, mais ne fais plus jamais de remarques de ce genre. C'est... assez violent, qu'on remette en cause ma sexualité comme ça.

— Je sais. Je suis désolé. Sur le coup, j'étais vraiment surpris. Je n'avais jamais entendu parler de l'asexualité.

— Comme beaucoup. J'ai l'impression d'être seul au monde...

— Tu crois ? T'étais même pas né quand j'ai découvert que j'étais gay, gamin. Personne n'en parlait non plus et je me sentais très seul.

Le bouclé ouvrit de grands yeux surpris en regardant Henry ouvrir le frigo pour prendre la brique de jus d'orange. Il venait de lui dire qu'il était gay, là ? Non ? Ses joues rougirent et il dut retenir un cri de victoire. Puis il se rappela qu'il était censé tirer un trait sur une relation avec lui et soupira de nouveau. Il fallait vraiment que son cerveau arrête de s'emballer pour un rien.

— C'est à cause de ça qu'on t'embête au lycée, n'est-ce pas ? Ton asexualité.

Adam haussa les épaules et se redressa pour prendre sa poche à douille. La tournure que prenait la discussion ne lui plaisait pas. Il recommença à décorer ses gâteaux en tentant d'ignorer Henry. Malheureusement, ce dernier le fixait du regard et ça le rendait mal à l'aise. Il n'aimait pas avoir l'impression qu'il l'analysait.

— Viens à la salle mercredi soir. Je vais t'apprendre à te défendre.

— Pourquoi tu ferais ça ?

— Parce que tu as l'air d'avoir besoin d'aide. Je ne veux pas que tu penses que tu es seul. On fait partie de la même communauté, non ? C'est mon rôle d'aîné de t'aider.

S'il avait pu, Adam se serait volontiers tapé la tête contre le mur. Ses joues étaient devenues adorablement rouges. Il savait que Henry faisait ça par pure gentillesse mais des papillons s'envolaient dans son ventre et son cœur s'était lancé dans une course folle. Voyant que Henry semblait attendre une réponse à sa proposition, il déglutit. La sagesse aurait voulu qu'il s'éloigne de lui pour ne pas devenir encore plus accroc. Mais c'était la première fois que quelqu'un le comprenait, essayait de ne pas le juger et de l'aider en dehors de ses meilleurs amis. Du bout des lèvres, tentant de se concentrer pour faire des tourbillons rose réguliers sur ses cupcakes, il répondit :

— Je viendrais...

Henry hocha la tête avec un sourire satisfait. Il attendit qu'il quitte la pièce pour pouvoir relâcher la pression. Il poussa un petit cri et attrapa son téléphone pour raconter tout ce qui venait de se passer à ses meilleurs amis. Son entrain redescendit bien vite quand il se redressa et découvrit Jonathan à l'entrée de la cuisine, un sourire moqueur aux lèvres.

— Hé, le frigide, tu comptes rester ici encore longtemps ?

— Laisse-moi tranquille, Jonathan. Juste pour aujourd'hui. Je ne te parle pas, tu ne me parles pas, et tout se passe bien.

— Oh... le petit bébé a peur que je lui fasse du mal ? Tu as cru quoi ? Que j'allais louper une occasion de te ridiculiser ? Alors que tu fais tes gâteaux de nana là ?

Adam serra les poings et encaissa les moqueries. Il avait l'habitude au lycée, mais chez lui, dans sa cuisine, alors que c'était un endroit où il se sentait en sécurité, c'était tellement plus dur. Il pria pour que le blond se lasse vite et s'en aille. Pourtant, ce dernier n'en fit rien et s'approcha de la table. Il attrapa un des cupcakes et l'écrasa dans les boucles cuivrées du plus jeune. La chantilly rose resta accrochée dans ses cheveux alors que le gâteau tombait par terre. Il retint tant bien que mal ses larmes. Il ne voulait pas que l'adolescent ait la satisfaction de le voir pleurer.

— Hé bah alors ? Tu cries pas à l'aide ? En vrai t'aime ça qu'on t'humilie hein ? T'es pas frigide, t'es juste un pervers chelou. Charles a été gentil de te larguer en ne révélant pas tes petits fantasmes. Mais si je le disais aux autres, moi ? Tu ferais quoi ?

Il attrapa son menton pour le forcer à le regarder en étalant à nouveau de la crème sur son visage. Cette fois, il l'avait prise directement dans le saladier à l'aide d'une cuillère.

— Tu sais ce qui se dit au lycée ? Qu'avant Charles, t'arrêtais pas d'emmener des gars plus vieux aux toilettes. Alors dis-moi, ils te faisaient quoi ? Ils te faisaient des faciales ? C'est pour ça que tu dis rien ? Parce que t'aime ça ? Tapette.

Adam se mordit la lèvre et ferma les yeux. S'il réagissait, il allait forcément attirer l'attention des adultes dans la pièce d'à côté. Mais il ne pouvait pas en supporter plus. Les rumeurs, les moqueries et les insultes passaient au lycée, mais pas ici. Ici, c'était chez lui. C'était lui qui faisait la loi.

Il rouvrit ses paupières et plongea ses pupilles brûlantes de rages dans celles de Jonathan. Il attrapa son col et fit atterrir son poing sur sa joue en criant de colère. 

Parce que tu as besoin de sexe, toi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant