Chapitre 54

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Eros.

C'était discret, mais pas assez pour que je l'ignore.

Je sors de ma bulle, sans calculer la brebis qui tente d'attirer mon attention depuis une dizaine de minutes et sors avec précipitation de ma chambre et file sur le toit, suivant les gémissement d'horreur et les cris d'Elia.

D'ailleurs, que foutait la meuf à poil dans ma chambre ? Je ne me souviens même pas l'avoir vu arriver et se déshabiller.

Je me souviens juste de la peur qui comprimait mon cœur à l'idée de perdre Elia avec mes conneries.
Putain de peur de l'abandon.

- Elia ! Je hurle tandis que je la vois, accrochée difficilement au toit lisse, ses jambes pendantes dans le vide.

La panique me gagne mais la frayeur dans ses yeux rouges me ramènent à la réalité.

Je ne dois pas me laisser guider par ma panique, comme il y'a deux minutes.

Je m'approche, saisis ses deux bras et sans comprendre et avec une grande facilité, je la remonte sur le toit. Mais au contact dur de celui-ci, elle geint de douleur en portant inconsciemment un regard douloureux à sa cheville.

Cheville qui est gonflée.
Merde.

- Elia ? Tu-
- On va parler tous les deux. Mais pour l'instant aide moi. Elle me coupe froidement.

Je l'ai déjà vu en colère, froide, triste, mais là. J'ai l'impression que c'est pire.

Et mon cœur pompe, ma tête tourne, mon sang se glace, car j'ai compris que notre relation qui n'a jamais commencé, enfin officiellement, ne commencerait sûrement jamais. Qu'elle était finie avant même d'avoir débuté.

Et je ne sais pas comment lui expliquer que la femme qu'elle a évidement vu, moi je n'y ai pas prêté attention.

Je hoche la tête en serrant les lèvres et la porte à la salle de bain pour la soigner.

Elle m'observe avec un désintérêt évident et une fatigue psychologique énorme. Comme si elle ne me supportait plus, que je l'agaçais au point de la fatiguer.

Je commence alors à mettre de la pommade pour calmer l'inflammation, puis je pose de la glace enrobé de tissu.

J'envoie ensuite un rapide message à Livia pour qu'elle vienne s'en occuper mieux que moi.

- On va en profiter pour parler. Elle dit.
- Elia je suis désolé-
- J'en ai rien à foutre de ça. Ton problème Eros, c'est que tu te reposes trop sur les etiquettes. Tu penses que comme nous sommes pas en couple, tu peux faire ce que tu veux. Tu en oublies le fait que derrière cette étiquette, il y a des personnes qui ressentent des émotions, des personnes qui peuvent décider de partir ou de rester, des personnes qui peuvent considérer tes actions comme de la tromperie et un manque de respect. T'as pris notre situation pour acquise car tu as vu que j'avais tout pardonné avant ça.
- Non Elia... Je commence, comprenant où elle veut en venir et essayant de m'expliquer avant qu'elle finisse sa tirade.
- Mais tu sais quoi ? Tu peux maintenant, va baiser toutes les meufs que tu veux, moi c'est terminé. Oublie moi sincèrement.
- Ce n'est pas...Elia je ne peux pas, tu-
- J'en ai rien à foutre de ce que tu peux ou pas faire, je veux que tu fasses ça. Fais au moins ça pour moi. De toute façon, si tu ne le fais pas, je le ferais pour toi.
- Et comment ? Je ricane amer, commençant à remettre ma carapace en constatant que je suis incapable de m'exprimer.
- Je partirais. Elle souffle.

Le désintérêt dans ses yeux me broie le cœur.

- J'ai pardonné Eros. Car j'avais mal, mais je comprenais encore qu'on était pas ensemble et je comprenais ton point de vu. Mais si tu savais à quel point j'ai eu mal en te voyant avec elle, après ce que tu m'as dit, après tout ce qu'il s'est passé entre nous. Ça m'a brisé Eros. Tu n'es pas capable d'aimer.
- Elia, toi je-
- Tais toi ! Ne dis pas de conneries pour que je reste Eros. Moi je sais que je t'aime. Je le sais parce que je pense à toi tout le temps, je serais capable de donner ma vie pour toi, je veux être proche de toi quand tu es mal, mais aussi quand tu es heureux, car te voir heureux me rend heureuse. Je veux ta réussite, je veux être fière de toi et je veux que tu guérisses. Je t'aime Eros. Mais ce n'est pas réciproque. Elle finit, les larmes brillants dans ses yeux. Sinon tu ne serais pas aller voir cette femme.
- Je n'ai même pas fait attention à elle. Je te jure que je ne l'ai même pas vu. Je pensais à toi !

Elle ricane tristement.

Elle me brise le cœur. Je ne me suis jamais demandé si je l'aimais, car je pensais mourir jeune. Je ne voulais pas me lancer dans cette aventure avec une femme, j'avais peur de mourir et la laisser alors je continue.

- Je... Je ne sais pas si ça l'est. Je ne sais pas si je t'aime. Je dis en l'observant.

Et son regard montre la faille que mes mots ont causé en elle. Elle est brisée.

- Tu ne m'aimes pas. Quand on aime quelqu'un c'est une évidence et on ne va pas voir ailleurs. On ne regarde même pas ailleurs, on ne cherche pas à plaire à quelqu'un d'autre ou à lui faire du mal en couchant avec une autre pour la faire réagir. Tu ne m'aimes pas.
- Je suis peut-être incapable d'aimer Elia.
- Personne n'est incapable d'aimer Eros. C'est un sentiment qu'on ne contrôle pas. C'est la plus grande arme de la terre, car tout le monde tombe sous elle. Que tu sois un homme fort, riche, puissant ou le contraire, on tombe tous de la même façon face à l'amour. Elle dit en se levant, laissant sa cheville droite en l'air.

Ma Elia... qu'est ce que je t'ai fait.

- Tu sais Eros, j'y ai cru. Elle dit en reniflant et en braquant son regard gris dans le mien. Je fronce les sourcils mais elle poursuit, j'ai cru que t'allait réussir à m'aimer un jour. Que tu m'aimais, que c'est pour ça que tu me parlais de toi, de ton passé, de ta maladie. Que tu étais jaloux quand je passais du temps avec d'autres  gars du club, que tu aimais passer du temps avec moi et pour cette raison, tu passais tout ton temps avec moi. Mais je me suis trompée. J'ai été manipulée et aveuglée par mes sentiments. Ils m'ont fait croire que quelque chose de normal était un signe d'amour irréfutable. Je me suis attachée à des détails qui voulaient dire pour moi, rien de plus que de la normalité pour toi. Elle finit en baissant la tete, puis passe devant moi avec difficulté.

Je ne la retiens pas.

Elia m'a dit qu'elle m'aimait. La Elia Mosca vient de m'avouer ses sentiments. Et moi, je l'ai perdu. Je l'ai perdu car je voulais l'oublier. Je l'ai perdu en faisant n'importe quoi.

La panique commence doucement à monter quand je prends conscience que j'ai perdu la seule chose qui me rendait heureux. Qui me faisait aller de l'avant.

Mes genoux lâchent et je m'écrase au sol.

Une larme coule avec brutalité sur ma joue.

Comment j'ai pu faire ça ?

Elle ne vient pas me chercher, ni m'apaiser comme elle l'aurait fait en temps normal. Même quand je commence à tout casser sous ma colère et à hurler sous ma panique. Qui s'amplifie quand je vois qu'elle n'apparaît pas. Je hurle de peur mais elle ne vient pas. Elle m'a abandonné aussi ? Peut-être qu'elle l'a fait car je l'ai poussé à le faire. Comme j'ai poussé mes parents à m'abandonner car j'étais malade.

Non. Elia m'a appris quelque chose. Si les personnes partent c'est car elles le veulent. Si elle ont envie de rester, elles vont se battre et rester. Mais souvent, face à une grosse blessure, il est important de laisser la personne partir si elle a envie de s'en aller. Pour qu'elle se répare. Pour son bien.

J'ai fait du mal à Elia et elle est partie à cause de la douleur que j'ai causé. Au contraire, mes parents sont partis car ils ne voulaient simplement pas rester et se battre pour moi.

Je sors rapidement mon téléphone et appelle Keene.

- Je- Je commence quand il répond.

Mais je crois qu'il comprend l'urgence de la situation en entendant ma voix, car je n'ai pas besoin de dire plus, qu'il s'empresse de me dire qu'il arrive.

En espérant que je ne le fasse pas fuir lui aussi.

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