Chapitre 28

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PDV Alec

Le trajet du retour se déroula dans un silence pesant, coupé régulièrement par les sanglots d'aven. Le choc de la nouvelle est tellement dur à encaisser pour lui... Depuis sa révélation pendant la dernière audience, il n'a plus décroché un mot, son regard est vide de toute expression, seules ses larmes coulent. Juste avant que nous partions, je me suis entretenu en privé avec les Anciens, leur demandant si, dans les temps à venir, je pouvais me permettre de les contacter pour recevoir leurs conseils. Avec la situation d'Evenn et surtout celle de son loup, je dois avouer que de l'aide me fera le plus grand bien... Ils ont accepté avec bienveillance, me donnant comme consigne de faire passer les courriers par mon père.
Une fois rendus dans ma chambre, Evenn prit son sac et commença à ranger ses affaires et m'adressa à voix basse :

- Il faut que je prenne du recul sur tout ça, ne t'inquiète pas pour moi, je t'aime...

Et il sortit de ma chambre, sans aucun autre geste envers moi. Je le regardai partir, immobile, ne sachant pas comment trop réagir. J'espère que son retour chez ses parents ne sera pas trop chaotique...
Le lendemain, devant les grilles du lycée, je faisais le pied de grue, attendant impatiemment son arrivée. Mais il n'est jamais venu.
Ça fait maintenant une dizaine de jours qu'Evenn ne vient plus en cours. Enfin je sais où il est et qu'il reste enfermé dans sa chambre depuis une semaine, après avoir passé trois jours dans le petit studio des écuries. La seule chose qu'il fait actuellement ? Venir s'occuper de Malawi quand personne n'est au lycée et que ses parents ne sont pas à la maison afin d'éviter le plus de monde possible.
La situation commence à devenir problématique puisqu'au début je ressentais sa perpétuelle tristesse mais depuis un jour ou deux, le lien devient comme flou... J'ai comme le sentiment qu'il se ferme de plus en plus et que son loup est en train de s'éteindre... Ça me fait terriblement peur, je vais finir par le perdre si il continue ainsi.
C'est alors que me vont la meilleure mais aussi la plus débile de mes idées : je vais aller parler à ses parents ! Even va sûrement beaucoup m'en vouloir mais il faut absolument désamorcer la bombe avant qu'elle n'explose. Et ça devient urgent car le compte à rebours est bientôt arrivé à zéro...
Me voilà donc, avec mon idée de génie, sans rien avoir préparé, devant la porte de chez lui. Allez Alec, toque à la porte, ne te dégonfle pas...
La mère d'Evenn apparut quelques instants plus tard, le visage partagé entre l'inquiétude et la colère :

- Ça fait deux fois que tu me rends mon fils dans cet état ! DÉGAGE !

La porte se referma violemment et je réussis in extremis à caler mon pied pour l'empêcher d'être totalement close.

- Veuillez m'excuser Diane, je ne suis en rien responsable de son état. C'est votre faute... Il sait tout...

La porte se rouvrit laissant place à l'incrédulité sur le visage de sa mère.

- Que veux-tu dire par là ? Demanda-t-elle hésitante, ayant peur d'avoir compris le sens de mes paroles.

- Puis-je rentrer pour discuter avec Éric et vous ?

Elle s'écarta, me laissant entrer, et je la suivis jusqu'au salon où son mari nous rejoignit, l'air passablement exaspéré de me voir.

- Laisse le parler chéri stp !

- Donc, comme je vous disais Diane, Evenn a découvert la vérité concernant son adoption ce week-end...

- Mais comment ? Intervint son mari, semblant totalement dépassé par la nouvelle.

- Pour l'instant, je ne peux pas vous en dire plus, je dois consulter mon père avant. Mais le plus important n'est pas comment il l'a appris, mais comment vous allez vous y prendre pour lui en parler... Evenn est la priorité... Il est MA priorité...

Ses parents hochèrent la tête de concert et me proposèrent d'aller à sa chambre, tenter d'amorcer le dialogue avec lui. Ça risque d'être compliqué puisque la solitude et le silence sont ses seuls compagnons depuis notre retour.
Je ne peux pas le laisser ainsi plus longtemps, les Anciens m'ont conseillé d'agir rapidement par crainte que son loup disparaisse...
Arrivé devant sa porte, je toquai pour annoncer ma présence et entrai sans attendre sa réponse. Je le devinai blotti, en boule, sous sa couette, secoué par les sanglots. Je m'approchai alors doucement et vins m'asseoir à ses côtés et attendis que ses tremblements se calment. Profitant de son accalmie, je me faufilai sous la couverture, m'allongeant contre lui pour le serrer contre moi, son dos collé à mon torse. Il resta ainsi quelques minutes, sa respiration devenant plus calme et régulière, puis se retourna et vint blottir son nez dans mon cou, humant à plusieurs reprises mon odeur. Il brisa le silence pour la première en dix jours, un son éraillé sortant de sa gorge :

- Je... Je ne sais pas comment réagir avec mes « parents », me dit-il en mimant les guillemets. Et le pire ce n'est pas ça amour... Ce sont mes... Mes cauchemars... J'ai comme des flashs, des souvenirs brefs de mon enfance et surtout du jour de leur mort... C'est insupportable, je veux que ça s'arrête...

- Calme toi petit coeur, je suis là maintenant, je ne te lâcherai plus, jour et nuit... Écoute, je vais appeler mon père et lui demander de contacter les Anciens concernant tes cauchemars, eux sauront quoi faire. Est-ce que, par la même occasion, tu veux que je lui demande de venir ? Afin d'expliquer la vérité à tes parents, après que nous ayons eu une discussion tous les quatre.

- Tu veux leur révéler notre secret ?

- Nous n'avons pas trop le choix malheureusement, mais seul mon père peut prendre cette décision. Qu'en penses-tu ? Je l'appelle ?

- Ok vas-y... Et allons voir mes parents... Mais tu restes avec moi quoiqu'il se passe hein !

Je l'embrassai alors tendrement pour le rassurer puis partis appeler mon père pendant qu'Even filait à la douche. Après une brève conversation, il accepta de venir me promettant d'expliquer au mieux les choses, sans dévoiler toute la vérité.

Un silence de mort règne dans le salon... Evenn a la tête baissée, fixant ses doigts et ses parents regardent dans le vide, ne sachant pas par où commencer. Evenn releva lentement la tête, me regarda brièvement et prit une longue inspiration.

- Pourquoi ? Demanda-t-il simplement.

Son père posa alors sa main sur le genou de sa mère et celle-ci prit la parole :

- Je suis la seule responsable mon chéri... À plusieurs reprises, nous avons voulu te le dire mais à la dernière minute, le courage m'échappait... Ton père et moi, avant de t'adopter, avons essayé d'avoir un enfant et cela s'est soldé par une fausse couche... À deux reprises... J'ai consulté plusieurs spécialistes et ils ont eu le même diagnostic : j'ai une malformation qui m'empêche d'avoir des enfants... J'étais tellement effondrée... Et au moment où j'avais perdu tout espoir, nous t'avons trouvé dans la forêt... C'était comme si le destin t'avait envoyé à nous... Mais j'ai agi en égoïste, rongée par la peur que tu nous rejettes en l'apprenant... Je suis tellement désolée si tu savais mon chéri...

Diane s'effondra en larmes et Even se précipita pour la prendre dans ses bras, lui aussi en pleurs. Son père les prit alors tous les deux dans une chaleureuse et réconfortante étreinte, et ils restèrent ainsi de longues minutes.

- Même si il me faudra un peu de temps pour l'accepter, commença mon petit ami, je te pardonne M'man... Je t'aime...

Sa mère resserra son emprise sur lui, leurs pleurs redoublant alors. Éric se redressa et nous demanda :

- Mon grand, comment as-tu su ?

- Mon père va venir et tout vous expliquer, intervins-je alors.

Ses parents acquiescèrent et Diane se leva alors nous informant qu'elle avait préparer du thé et du café pour sa venue. Une vingtaine de minutes plus tard, on toqua à la porte et Even partit ouvrir à mon père. Ils nous rejoignirent dans le salon et il se présenta, puis s'assit dans un fauteuil.

- Tout d'abord, merci pour le café, commença-t-il. Ce que je vais vous révéler dans les grandes lignes risque de vous surprendre mais c'est l'entière vérité. Je comptais vous en informer ultérieurement, mais la situation l'obligeant, me voici ce soir avec vous plus tôt que prévu !

Mon père commença alors à parler, expliquant au mieux sans trop rentrer dans les détails, la vérité concernant ma nature et le peuple caché des loups...

Plus Jamais Sans ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant