ESTRELLA - BRAHMAN PARADISE

flashback

FLASHBACK

Alyah, 11 ans

Mexique, Tepic

-Tu as peur ?

Je rattrape le ballon que Swann m'envoie, et lui refait la passe directement sans meme lever les yeux, et fixe ses mouvements, pour être sûr de ne pas le rater.

-Je ne sais pas. Et toi ? je lui demande.

-Ouais.

Sa réponse cependant, me fait lever les yeux vers lui. Il a le même réflexe, et dans un tic nerveux replace sa casquette.

-Je crains que Gin finisse comme mon père.

-Je ne peux pas te dire qu'il n'y a aucune chance.

-Je sais.

Son père est mort il y'a un an, d'une manière des plus horribles. Je sais que cet évènement l'aura marqué à jamais, et qu'il en souffre énormément. Forcément, je ne peux que comprendre ses angoisses.

Moi aussi, je les ai.

-Au moins, reprend-il en souriant, plus de galère.

Je rate le ballon, et il part en courant le rattraper avant qu'il n'atteigne l'eau. J'en profite pour m'assoir dans l'herbe, et fixer le soleil se coucher.

Quand Swann revient, il s'assoit à mes côtés, puis s'allonge totalement.

-Ca va prendre un bout de temps avant de retrouver tout ce que nous avions avant, le Brahman a beaucoup perdu depuis les pertes de nos parents. Ça fait trois ans que nos groupes sont inactifs, qui sait, ils n'arriveront même pas à tout recommencer.

Trois ans. Trois ans déjà que mon père n'est plus là, pareil pour celui de Dara. S'en ai suivi un an après la disparition de tonton Pedro, le père de Swann. Mais lui, il est mort, c'est différent. Il n'a pas abandonné par choix.

Je sais ou est parti mon père, et c'est ce qui alimente ma haine chaque jour.

Aujourd'hui, cela fait trois ans que les chefs du Brahman ont abandonné leurs hommes, et pire encore, leur enfant.

-J'ai peur, dis-je dans un aveu. Mais j'en peux tellement plus. Nous avons besoin d'argent, et nous sommes destinés à jouer dans l'illégal. C'est triste, mais on va devoir s'y faire.

-J'espère qu'on pourra faire mieux, nous.

-Je l'espère aussi.

Mais je n'en suis pas si sûr. Ce monde se suit de génération en génération, personne ne réussit à se détacher complètement de ses racines. Nous sommes destinés à vivre cette vie-là, et aucune autre, c'est ce que j'ai compris très vite, quand j'ai vu le sang couler sous mes yeux pour la première fois.

Le sang me criait qu'on se reverrait, lui et moi.

-Il est vingt-heure, dis Swann en se redressant. Tu sais ce que ça veut dire ?

Que si nous ne partons pas maintenant, nous rentrerons après vingt et une heure, ce qui nous vaudra les foudres de Kai.

Il attrape ma main pour m'aider à me relever, et nous quittons l'herbe pour retrouver mon vélo. Je remets mes savates, et grimpe. Swann lui, saute sur mon guidon.

-Aller femme, pousse.

-Ta gueule.

Bien sûr, je pédale en direction de chez nous. Nous vivons dans les fonds de Tépic, la ou les maisons et les rues ne donnent pas envie aux touristes, là ou sont regroupé les pires de cette ville.