chapitre 42

2K 110 544
                                    

Alyah

Une partie de moi me hurle que je suis une idiote et que j'aurais dû demander à Taric de me ramener, mais une autre me rappelle que ça ne me fera pas de mal, une petite marche sous la pluie.

Une petite marche sous la pluie et dans le froid pour me rappeler la force que je me suis forgée, et qui part en fumée encore une fois ce soir. Cette force que j'ai tenté d'atteindre toute ma vie, qui s'envole à cause de mes peurs.

J'ai peur, constamment.

Je crains d'avoir faim. Peur de manquer de nourriture.

J'ai peur de me réveiller un matin, le ventre vide, n'ayant plus rien à me mettre sous la dent, comme avant. Comme avant quand voler était la seule chose qui nous nourrissait. Comme quand il n'y avait plus que cette solution.

Alors je mange, constamment, pour être sûr de ne jamais manquer. Au pire, si demain je n'ai plus rien, je serais remplie non ?

Je mange à m'en donner envie de vomir, et quand ca arrive, je me dégoute au plus haut point.

Parfois, j'ai honte de me dire que je hais ma vie. Je n'ai pas le droit de me plaindre, je suis vivante et voilà ou j'en suis aujourd'hui. Je suis en Amérique dans une des plus grandes écoles du monde. Mais tout aurait été plus facile si j'étais née ailleurs. Si je ne venais pas de là-bas.

Il m'arrive de m'imaginer naitre ici, en Amérique, ou même en Espagne. Mais loin du Mexique. Loin de ces quartiers. Tout aurait été tellement mieux.

Petite, j'en venais à haïr mes parents d'avoir fait des enfants, puis je me souvenais que même eux n'auraient pas pu prévoir tout ça. Tout a basculé si vite. Jamais ils n'auraient pensé nous quitter. Nous étions une famille heureuse.

Lors de ces crises, la honte me submerge, je me déteste tant je me trouve ridicule.

Mais alors ce soir, avec Lewy, c'était si différent. Dans ce regard, je n'ai pas vu la catastrophe que je voyais en moi d'habitude. Je me suis presque sentie légitime de souffrir. Il a rendu cela normal, et non honteux.

Pour la première fois, je ne me suis pas détesté, car j'ai vu dans ses yeux que ce n'était pas grave, et que j'avais le droit de craquer.

Lewy bordel, ne t'approche plus jamais de moi. Je préfère encore me haïr que d'accepter cette faiblesse.

Ça ne fonctionne pas comme cela chez les Perez.

Ce qui m'attriste encore plus, c'est de savoir que je ne pourrais jamais lui expliquer la vérité. Lui raconter pourquoi, et ce qui fait que je suis comme ça. Car je ne dois pas lui révéler ma vraie vie, je dois lui cacher mon passé, et donc tous les traumatismes, peines et craintes qui me hantent. Il n'a le droit qu'a des images sans explications, et ça me rend malade. Parfois, j'aimerais vraiment craquer, et tout lui avouer, lui raconter tout ce que j'aimerais lui avouer, tout ce que j'ai sur le cœur.

Puis je repense à mes frères et... non.

Mes cheveux collent de plus en plus à mon visage lorsque je marche jusqu'à chez moi. Je ne sais pas ce qui m'a pris, sachant que je ne sais même pas à combien de temps je suis de mon appartement. Enfaite, je ne sais même pas où je suis. Mon téléphone vibre dans mon sac depuis tout à l'heure, mais je ne préfère pas répondre. C'est surement Lewy ou Taric, ayant compris ma petite ruse.

J'aurais dû prendre une veste, je mériterais des gifles de temps à autre.

Il n'y a pas beaucoup de voiture sur la route, mais le peu qui passent ne se gênent pas pour rouler dans les flaques qui m'éclaboussent encore plus. Chacune d'entre elles se prend des doigts d'honneur.

ESTRELLA - BRAHMAN PARADISEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant