Le procès.

164 20 5
                                    

3 mois se sont écoulés depuis la tragédie. On dit que la vie continue...mais pas pour Aimy. Ses journées sont rythmées au "jardin des souvenirs" et sa chambre. Elle peine à se nourrir et ses parents se soucient du comment elle peut tenir. Parfois, ils s'interrogent si elle les entend, les comprend. Elle ne relève jamais la tête, ne sourcille pas sur ce visage sans teint. C'est une torture pour ses parents, chaque repas du soir au matin. Ils savent pourtant qu'elle est en vie, contrairement à Jade qui est partie mais, en rien, ils ne reconnaissent leur fille. La douleur les abrite et peine à croire que le bonheur ne ressuscite. Ils sont démunis. Les médecins disent qu'il faudra du temps malgré les séances de thérapie, sans succès jusqu'à maintenant.

                                                                                              ***

Demain, c'est le procès ! Un espoir pour les parents de Jade de rendre justice. Mais pour Aimy, c'est un nouveau supplice. Ses parents souhaitaient qu'elle s'oppose à y assister mais son écrit était clair "j'y vais".

La nuit a été agitée pour grand nombre, mais c'est présent qu'ils ont répondu devant les portes du palais. La famille de Jade est déjà installée près de leur avocat. Celle du chauffard, quelques rangées derrière eux. Aimy et ses parents se glissent dans la 2e rangée, à l'opposé. Aimy a besoin de regarder l'agresseur, même si elle sait qu'il ne lui retirera jamais sa douleur, que ce soit avec ses excuses ou ses pleurs. Son visage ne décrit rien, même pas la haine de lui avoir tout enlevé.

Le jury se place dans un bruit de chaises, un peu mal à l'aise. La salle est pleine, plongée dans un brouhaha que le juge stoppe d'un coup de marteau qu'il assène sur le support. Les bruits se taisent, une langue se délie, annonçant les faits. Une plaidoirie de l'avocat général démontrant la culpabilité du chauffard et la peine qu'il doit requérir. Certains soufflent et pour d'autres, ça fait sourire, ne jugeant pas la peine suffisamment lourde pour l'acte commis.

Le jeune homme, derrière sa vitre, ne relève pas la tête, les yeux fixés au sol, il a compris. Aimy l'observe sans relâche et toujours sans expression. Elle ne regarde personne d'autre sauf lui, le disséquant, cherchant la moindre faille. C'en est épuisant et ça retourne les entrailles de ses parents. Le jeune homme se contente de répondre par oui ou par non quand on l'interroge, sans jamais se redresser. Il laisse planer sa honte, mais certains ne sont pas dupes, il recommencera. C'était une soirée comme une autre, bien arrosée. Du chauffard, il est passé comédien. Sans doute une attitude que son avocat lui a conseillé d'adopter pour essuyer les regrets qu'il n'a pas.

 Sans doute une attitude que son avocat lui a conseillé d'adopter pour essuyer les regrets qu'il n'a pas

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

La partie adverse débat l'horreur qu'il a laissé sur cette route et dans le cœur de ses parents. Des objections se font entendre sans qu'elles n'aboutissent. Le jury attentif s'abrutit de tous ces exposés sans rien montrer.

Le procès se prolonge et le juge informe que l'audience reprendra dans une heure. tout le monde évacue la salle. Aimy accompagne ses parents, aussi silencieux qu'elle, mais tout retournés. Ils vont profiter pour manger dans l'attente de se replacer. Aimy grignote quelques frites et avale une boisson sucrée. Elle a sans doute hâte de revenir s'asseoir dans cette salle, mais vu qu'elle ne parle pas, difficile de la soutenir.

14h. Le procès reprend. Les mêmes personnes aux mêmes places. Le juge reformule les chefs d'accusation et donne la parole à l'avocat du chauffard. Celui-ci se fend en excuses sur les faits reprochés et sur le tort qu'il a causé. Sa défense est légère et peu défendable, il le sait déjà coupable. Il tente d'alléger sa peine en soufflant qu'il n'a pas de casier et que ça ne se reproduira pas.

Le jeune homme n'oscille pas, les yeux sur ses menottes. Aimy est toujours figée sur lui, sans aucune lueur, mais sans doute dans la plus grande des douleurs.

L'avocat de la famille expose, explose et charge le chauffard de tous les faits, jusqu'à une vie défaite. Il va jusqu'à nommer Aimy du choc qu'elle subit. Il ne flanche pas, il accuse et n'évoque aucune excuse. Il parle même des préjudices, même si la justice ne ramènera jamais une vie perdue.

Le jury s'est retiré pour délibérer et personne n'ose discuter. C'est le souffle court que chacun attend la sentence prononcée. Aimy semble fixer ses souliers avant de se retourner sur la vitre. Elle ne lâche rien du procès comme elle n'a rien lâché du décès. Ses parents sont inquiets, soucieux que ce procès ne la plonge définitivement dans cet état silencieux.

Le jury refait surface et prend place. Le juge demande s'ils se sont mis d'accord. Un "oui votre honneur" sonne à l'unanimité plongeant la salle dans la peur. Le morceau de papier circule jusqu'au juge qu'il déplie, lit et repose. Le jury se décide à parler et rend coupable le chauffard de tous les faits énoncés.

Il prendra  10 ans de prison ferme, pour circonstances aggravantes et une amende de 150 000 euros. Le juge frappe pour clôturer le procès. Il est  16h.

Après le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant