L'altercation.

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Après quelques semaines, des groupes se sont formés, pour la plupart, par affinités. Il y a les étudiants sérieux, les fêtards, les matheux ou encore les sportifs. Sur le campus, aux bancs miteux, ils se réunissent, s'applaudissent de leurs blagues accablantes. Ce qu'ils veulent, c'est exister, même au travers d'une discussion peu intéressante. Les plus soucieux, sont les plus discrets et s'écartent des individus mal polis, au fort toupet.

Il y a tous les genres, tous les styles dans cette petite ville pleine de diversités. Un mélange de couleurs aussi, sur les visages ou dans les habits. Certains ou certaines préfèrent la mode, sans doute par manque  d'identité et d'autres se contentent du classique. Une méthode plus aisée pour faire passer son physique plus facilement. D'autres ne confirment leur personnalité qu'à travers leurs capacités ou leurs raisonnements. Ils ne souhaitent pas s'afficher ou être démasqués. Aimy est presque de ceux-là. Sauf qu'elle est seule et loin de tout cela. Elle ne débattra pas d'un sujet et ne rira pas pour n'importe quoi.

Une petite bise s'est levée ce matin et la météo va devenir de plus en plus compliquée pour Aimy pour s'installer dans le parc et dans son jardin. Elle espère trouver encore refuge auprès de son arbre décharné de ses feuilles par l'automne. Elle s'y rend pour sa pause de midi, s'asseoir et croquer dans son pain de mie. Elle pourra y boire et y voir une opportunité d'en profiter plus que d'ordinaire. Son emploi du temps lui suggère une plage horaire plus étendue. Aimy a fini de grignoter et sort sa pochette à dessins. La bise la surprend et fait voler son esquisse un peu plus loin. Une jeune fille brune, au visage angélique et au maquillage bien marqué lui tend la feuille, tout juste ramassée et s'appuie contre l'arbre en face. Aimy ne remercie pas ni ne grimace. Elle lève les yeux et regarde la fille prendre place. Celle-ci enfonce ses écouteurs dans les oreilles, tient son portable et glisse un doigt sur l'écran. Son visage soudain s'adoucit au son de l'appareil. Aimy s'est reconcentrée sur son dessin et oublie parfois le monde des terriens. Mais très vite quelqu'un vient la perturber, sans s'annoncer.

-Ah enfin te voilà la muette !

Un jeune homme sans intérêt, accompagné de deux autres aux sourires aussi niais. Il est habillé d'un jean et d'une chemise bleue ciel. Pas trop moche, un peu mignon, mais surtout très con.

-J'ai très envie de sortir avec toi, te rouler une pelle, mais ça risque d'être difficile de faire un bras de fer avec ta langue, si t'en as plus !

Ses deux copains éclatent de rire comme des benêts, alors qu'Aimy reprend quelques traits sur sa feuille. Non satisfaits de son attitude, il lui saisit le bras et la perturbe dans sa distraction.

-Oh quand je te parle, tu me regardes ! Et tu connais le proverbe "qui ne dit rien consent !"

Aimy n'a toujours aucune expression mais ne sait que faire devant une telle réaction. L'ignorance ne lui sert à rien au vue de l'insistance de l'individu. Il l'empoigne plus fermement pour l'inciter à se relever.

-Ouvre la bouche et tu n'auras rien à faire !

La jeune fille en face, témoin de la scène, excédée, s'approche et crie.

-Eh connard ! T'as pas mieux à faire !

-Oh oh la peinturlurée, dégage et va rejoindre ta troupe !

-J'en reviens pas que des lâches dans ton espèce soit encore en liberté.

-Fermes-la !

-Non seulement tu oses t'en prendre aux faibles, mais tu es tellement courageux, qu'il te faut deux potes pour t'accompagner?!

-Dégage, je t'ai dit !

-Quelques muscles, un minuscule cerveau et la bite qui va avec !

Ses copains se tordent de rire à l'affront culoté de la jeune fille et c'est d'un ton vexé que le jeune homme répond.

-Ça vous fait rire bande de guignols !? On se casse !

La demoiselle s'assure qu'ils quittent les lieux et va se repositionner au pied de son arbre, les écouteurs dans les oreilles et referme les yeux. Elle a juste vérifié qu'Aimy avait toutes ses affaires et s'était remise à dessiner.

Aimy sort son petit carnet et y inscrit "merci ", arrache la feuille, se lève et la glisse entre l'écran et les doigts de la jeune fille qui sursaute. Celle-ci récupère le papier et le lit, un peu surprise.

-De rien ! Je ne supporte pas ce genre de mecs. Fais gaffe quand même à toi !

Aimy écoute, ne fronce pas, mais capte le regard de la jeune fille. Sans doute touchée, Aimy s'étonne de son intervention et de ce manque total d'intrusion envers Aimy. Elle sait qu'elle est pourtant la curiosité de beaucoup qui cachent moins de timidité que la jeune fille, d'apparence solitaire aussi et un look bien à part.

Après le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant