Les sentiments.

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Julia et Aimy ne se sont pas quittées des yeux, le temps de la pause-café. Trop heureuses de se retrouver, aucune ne trouve les mots pour décrire l'instant et leurs sentiments. Si elles doivent discuter ensuite, pas une ne sait par où commencer, ni même s'imaginer la suite.

-Allez jeunes filles, du balai ! Oust ! Filez dans la chambre, expédie la grand-mère.

Aimy regarde Julia puis sa main et celle de son amie, pour lui demander l'autorisation de la capturer. Julia lui prend sans hésitation en lui souriant. Elle est consciente que ces rapprochements prennent une autre tournure, mais elle refuse de se priver de ce qui lui a manqué. Aimy veut la protéger, qu'elle se rassure et surtout elle ne tient pas à l'effrayer. L'amour, bien que complexe, est complice et sous aucun prétexte, Aimy ne souhaite qu'il soit supplice.

Julia ne doit pas s'enfuir, comme une fleur, elle doit s'épanouir doucement. Elle ne doit pas réprimer ses sentiments, ne doit pas en avoir peur. Aimy souhaiterait lui faire découvrir pour qu'elle puisse s'ouvrir sans jamais en rougir. Aimy ne la brusquera pas et laissera Julia venir.

Dans la chambre, Aimy prend place directement sur le bureau de son amie et lui demande de s'asseoir à ses côtés. Elle refuse toute ambiguïté et réfrène tout son désir de l'embrasser, pour ne penser qu'à écrire. Mais devant la feuille, les mots semblent lui manquer, elle ignore par où commencer et surtout comment. S'excuser peut-être serait un bon début. Elle doit faire le nécessaire pour avouer ses torts sans qu'ils ne ressemblent à un abus. Elle ne pensait pas que l'amour sur papier ou son apprentissage serait aussi compliqué. Mais Aimy doit répondre au message de son amie.

                  "Julia, je m'excuse d'avoir été trop rapide dans mon geste sans qu'une seule fois nous en ayons parlé. Tu as pu constater tout ce qu'on ressent quand l'amour te frappe de plein fouet et souvent, c'est le regard qui s'exprime. Nous avions le même souhait à cet instant, à l'exception que j'ignorais que pour toi, c'était nouveau. Je n'avais pas l'intention de te blesser et à cette seule pensée, moi aussi, j'en ai pleuré. Je ne veux plus rien précipiter, te bousculer ou te peiner. Alors, je serai là pour tes questions mais aussi pour te laisser le temps de découvrir ce que sont les sentiments, toute cette explosion intérieure, qui attire et qui emporte ailleurs. L'amour est extraordinaire quand il est partagé et crois-moi, les mots ne sont pas toujours nécessaire pour le vivre vraiment.

Julia, je ne veux pas t'aimer n'importe comment. Tu découvres tes premiers sentiments, avec une fille, qui plus est, est ton amie, alors oui je comprends comme ça peut être déroutant. Tu as peur et moi je suis terrifiée. Qui me dit que de cette première expérience pour toi ne te donnera pas le goût d'aller voir ailleurs? Qui me dit seulement que tu n'éprouveras pas de dégoût ou supportera les jugements? Tu n'es pas s'en savoir ce que j'ai vécu avec Jade, ce qu'on avait prévu, elle et moi, c'était une évidence.

Mais toi, petit oiseau sorti du nid, tu n'es qu'aux prémices des émois, tu flottes sur l'eau avant de naviguer, mais si cette vie, tu la veux avec moi, alors je serai là et je t'aimerai"

Julia lisait par-dessus l'épaule de son amie, les larmes au bord des yeux, émue par autant de clairvoyance et de prévoyance à son égard. C'est seulement à la fin que leurs regards se sont croisés et que Julia s'est empressée de prendre les deux mains de son amie et les serrer.

-Aimy, oui j'ai eu peur, mais je n'avais pas le droit de te traiter comme ça. C'est vrai que tout est déroutant dans cet valse des sentiments. Après réflexion, j'ai appris à t'aimer plus qu'à être ton amie, bien que l'un ne va pas sans l'autre. Seulement, je n'en avais pas conscience. Je te confirme que c'est tout nouveau pour moi et que je me sens plus infirme que toi.

Mais s'il y a bien une chose dont je suis sûre, c'est que je ne veux être avec personne d'autre que toi. Tu me manques quand tu n'es pas là autant que tu m'obsèdes. Je me fiche des jugements et ça, tu as bien dû le remarquer. Oui, je n'ai jamais aimé, mais si t'aimer me renverse, me bouleverse, me bouscule ou me bascule autant que je l'ai ressenti, alors je veux bien t'aimer toute ma vie. 

Pardonnes moi Aimy d'avoir été aussi stupide, car je ne peux pas nier que j'ai sous-estimé notre baiser. J'en avais envie et aujourd'hui, je ne demande qu'à recommencer à t'embrasser.

Aimy lui caresse la joue, touchée par les aveux de son amie. Elle remarque seulement la beauté de son visage, à l'état pur, sans maquillage et la brillance de ses yeux qui éclaircissent le bleu dans lequel elle s'est noyée à outrance. Julia, à son tour, dessine la pommette de son amie, de son pouce pour enfin lui remettre quelques mèches de cheveux derrière son oreille et l'admirer. Elle ne peut qu'admettre que son amie est la plus douce des merveilles, que sans elle, elle ne connaîtra pas ce sentiment qui l'ensorcelle. Plus elle détaille son amie, plus l'étincelle grandit, l'éblouit. Comme deux aimants qui s'attirent, Julia s'approche délicatement des lèvres d'Aimy, prise de désir et d'un sourire qu'elle ne se savait pas. À cet instant, elle n'est que fièvre et flamme d'un désir ardent. Son cœur bat pour la femme dont elle a si souvent admiré, dont elle s'est attachée au point de l'aimer.

Pas de cet amour amical que l'on entretient par affinité, par loyauté, non, d'un amour viscéral dont il est impossible de se détacher. Aimy étire enfin le sourire que Julia avait manqué, sous le regard ébahi, doux et surpris à la fois de son amie.

-Oh Aimy !

Julia craque, puis embarque la nuque de son amie jusqu'à ses lèvres avides de ce baiser. La douceur et la tendresse dans celui-ci se transforment vite entre de la passion et de la maladresse. Mais aucune ne se retire. Elles se dégustent, s'imprègnent de chaque saveur, tambour battant, plus de peur, plus de gêne, elles s'aiment.

Il est tard et elles doivent se séparer, à regret. Leurs corps, tout chamboulés, se veulent encore discrets contrairement à leurs cœurs tout emballés qu'elles ne peuvent maitriser, ni dissimuler. Elles ont du mal de se lâcher, de s'interdire de s'embrasser ou même de se quitter. Julia ne décroche pas du sourire de son amie qu'elle a déjà hâte de retrouver. Aimy ne peut pas concevoir son lendemain sans Julia et ose lui faire savoir.

           "Julia il ne fait pas l'ombre d'un doute que je t'aime et passer une journée sans toi, m'achève. Je ne suis plus qu'une âme en peine, quand tu n'es pas là et si aujourd'hui enfin je souris, c'est que tu as changé ma vie. Dis-moi que demain on se verra, dis-moi que demain, tu joueras pour moi et dis-moi que demain, tu seras là, près de moi et que je savourerai encore tes lèvres au bonheur retrouvé. Je t'aime Julia."

-Oh Aimy, si l'amour a cette puissance de tout dévaster à l'intérieur rien qu'en te regardant, comment pourrais-je tourner mes yeux ailleurs que sur toi? Je n'ai jamais ressenti de meilleur que toute cette douceur quand tu me souris. Et si c'est le bonheur qu'on qualifie ainsi, alors oui, je suis heureuse d'être avec toi. Je jouerai autant de fois que tu le veux si je peux soulager ton cœur, le rendre moins malheureux. Et demain... oui demain et tous comme les autres jours, je veux que nos deux mains s'unissent, témoin de notre amour.

Viens quand tu le peux, viens demain, sans attendre, sans me le demander. Je ne veux rien prétendre, seulement te voir, t'entendre à ta manière, un instant, un matin, qu'importe, pour se taire ou ne rien faire, mais viens jusqu'à ma porte. Je t'aime Aimy.

Après le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant