La faculté.

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Aimy a été acceptée sans la moindre difficulté, par consultation de son dossier. Ses parents ont dû toutefois se déplacer pour expliquer la situation d'Aimy. Un peu perplexe, le Directeur a fini par céder à la condition complexe. Elle a eu droit à une visite guidée pour être épargnée de toutes les interrogations liées à sa rentrée. Il lui a fourni son emploi du temps, ses professeurs pour être le mieux accueillie. Il y a beaucoup de bâtiments, les couloirs sont immenses et nombreux, mais Aimy garde l'espoir de se repérer rapidement.

Le Directeur semble peiné de voir une si jolie jeune fille, aux fortes capacités, murée dans un si profond silence. Il veillera en particulier sur sa petite protégée. De son dossier, il est resté subjugué et avertira les professeurs que les examens oraux pour Aimy se feront par écrit si son silence est prolongé. De son visage sans expression, le Directeur en lit beaucoup plus que d'impression. Il ne veut pas se vanter, mais il sait déjà qu'Aimy sera sa fierté.

Aimy est rassurée et peut se satisfaire d'intégrer le groupe universitaire. Il lui reste deux jours avant de faire son entrée et elle les passera avec Jade. Elle a tant à lui raconter et lui fournir son emploi du temps. Ce ne sont pas les cours qui la gênent, mais la plupart des indigènes qui les suivent. Leur immaturité, leur rustrerie la rendent fébrile et se demande comment l'éviter. Jade disait toujours de les ignorer, mais avant, elles étaient deux et avaient des langues pour débattre au cas où. Aujourd'hui, Aimy est seule, sans la parole. Elle connaît les obstacles, les curiosités qu'elle va devoir rencontrer, mais espère simplement pouvoir étudier correctement. La force de Jade la tient encore et c'est sans doute d'un pas décidé, qu'elle n'a plus de remords.

Il est 9h et Aimy s'est installée dans ce vieux bâtiment aux allures d'amphithéâtre. Le bois des petits pupitres grince sous le poids des étudiants qui prennent place. Aimy n'a pas l'habitude de tout ce brouhaha, mais c'est sans grimace qu'elle attend son premier cours. Le professeur est debout, un peu plus bas, et observe la pièce se remplir. Il se présente, sous un œil médusé des derniers retardataires. Il explique ce qu'il espère de la part de ses élèves et combien il va falloir travailler pour prendre la relève. Il lance déjà un sujet et demande à l'assemblée de prendre une feuille et d'y noter toutes leurs connaissances afin de les évaluer. Aimy ne semble pas désœuvrée. Elles ont tellement potassé l'histoire avec Jade, que ce n'est qu'une formalité.

Le cours s'achève après deux heures. Aimy jette un œil sur son emploi du temps et le numéro du bâtiment. Les élèves se précipitent, se bousculent, crient, crépitent d'impatience de s'enfermer dans la salle de sciences. Aimy ne prête aucune attention à ceux qui autour d'elle, font faire son quotidien. Elle préfère se concentrer sur le cours à étudier.

Sa journée se finira à 15h et elle prendra sa pause de midi dans un parc, un peu éloigné. Quelques arbres y sont plantés, bien agréables quand le soleil a pointé. Aimy ne s'encombre pas dans son sac à dos. Toujours son coussin, sa pochette à dessins, quelques stylos et un cahier. Elle s'appuie contre un arbre, assise dans l'herbe et déballe son petit sandwich de pain de mie. Sa gourde d'eau fraîche ne suffira pas car elle boit beaucoup. Elle pose sa pochette à dessins sur ses genoux, après avoir avalé son déjeuner. Elle est ravie de pouvoir dessiner à l'abri de tous ces étudiants un peu fous. Elle sait qu'elle n'a guère de temps pour tirer quelques traits sur sa page ou hachurer quelques zones plus foncées. Mais Aimy, dans tout ce qu'elle fait, y met du cœur, dans le creux de ses paumes. Pas question de laisser un travail inachevé. Ce qu'elle désire, c'est la perfection. Ce n'est pas une artiste, seulement l'œuvre d'une passion un peu minimaliste à son goût. Les coups de crayon la détendent avant de reprendre les couloirs et qu'elle ne se tende.

Aimy ne prête pas attention à sa classe, aux nombres d'étudiants qui s'amassent. Elle est juste là, au milieu d'eux, sans se poser de questions. Elle préfère ignorer les sarcasmes, les paroles déplacées de la gent masculine aux hormones un peu trop élevées. Aimy se lasse et passe son chemin pour le cours un peu plus loin.

15h. La fin a sonné pour Aimy. Elle va attendre le bus qui la déposera sur la place du village. Elle ne rentrera pas chez elle dans l'immédiat, elle a beaucoup trop envie de partager avec Jade. En plus de retrouver son amie, elle aime le calme qui règne dans cet endroit. Personne pour la déranger, personne pour troubler tous les messages qu'elle veut faire passer. Elle est bien et en quelques minutes, c'est dans la sérénité qu'elle s'exécute.

Après le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant