La veillée de Noël.

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Les trois jours qui ont suivis, les jeunes filles ne se sont plus quittées. Julia a même pu profiter d'un après-midi chez Aimy. Elles se sont beaucoup embrassées, plus qu'elles n'ont révisé ou s'amusé. Julia en oubliait même de se maquiller, trop pressée de retrouver les bras de son amie. Les caresses, comme leurs mains réunies sont comme leur ivresse, un acte de tendresse, un besoin vital dès que qu'elles se tiennent compagnie. La grand-mère n'en fait plus de cas tant ça lui parait si normal et évident. Les parents d'Aimy n'ont pas encore croisé celle qui fait battre le cœur de leur fille, qui enfin sourit, mais espère la remercier.

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Les préparatifs de Noël ont commencé. Les rues, les allées et les jardins sont décorés de bonhomme de neige, de Père-Noël ou de lutins. Les guirlandes clignotent à la nuit tombée et des spots reflètent des milliers d'étoiles sur quelques façades.

Pour cette douce veillée, Julia a décidé de pendre quelques décorations un peu partout dans le salon. Une aide appréciée par la grand-mère qui peine maintenant à se mouvoir comme avant. Julia a même persuadé Aimy à y prendre part dans un doux regard auquel son amie a succombé. Amusée par l'état d'esprit de Julia, Aimy s'est prêtée au jeu, sans que les ombres du passé ne ressurgissent.

Depuis l'accident, les parents d'Aimy ont décemment enfouies toutes les décorations dans le garage. Le dernier Noël leur a suffi lorsque, dans une rage inhabituelle, leur fille a tout arraché, envoyé valser des décorations et celles du sapin. Ils ne renouvelleront pas l'expérience cette année et se contenteront de simplement lui offrir son cadeau au matin. Ils pensent que c'est encore trop tôt pour Aimy d'accepter la magie de Noël, les réceptions ou les invitations. C'est en comité restreint qu'ils savoureront un repas amélioré, sans joie, et juste pour la veillée. Le lendemain, les parents sont invités dans la famille, mais savent que leur fille ne viendra pas. De toute façon, Aimy est invitée chez Julia et sa mamie et cette invitation ne fait pas le poids contre celle de sa famille.

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Ce soir, Aimy doit rentrer tôt car elle doit acheter le cadeau pour son amie. Elle hésite encore entre un bijou ou une compilation de piano. Il est peut-être un peu tôt pour un bracelet ou un collier argenté, même si c'est trop chou de la voir le porter.

L'ordinateur sur son chevet, pourra tout à fait accueillir le CD le soir, avant de s'endormir. Aimy n'oubliera pas de faire plaisir à la mamie en lui achetant quelques gourmandises et des chocolats. Elle passera la soirée à textoter à sa petite amie, car elle s'ennuie déjà.

Chaque année, depuis 7 ans, Julia prépare le repas avec sa grand-mère. Elle aime sa compagnie, les histoires du passé, les souvenirs que sa mamie sait si bien lui raconter. Julia aime l'écouter, même si ce soir, son cœur est auprès de sa petite amie. Elle a besoin de savoir ce qu'elle fait, où elle est et si tout se passe bien. Les "Je t'aime" et les "tu me manques déjà" inondent leurs écrans qu'elles ont bien du mal à lâcher, le temps d'une soirée. Julia est très amourachée d'Aimy et vice versa. Dès qu'elle quitte les bras de sa petite amie, c'est un déchirement, une partie d'elle qui s'en va. Depuis qu'elle est avec Aimy, la vie est plus belle et son sourire en témoigne. Elle a définitivement oublié sa morosité cherchant toujours à épater sa petite amie par quelques originalités. Parfois, elle rêve d'entendre la voix d'Aimy lui susurrer tous les mots qu'elle écrit et qu'elle ne dit pas. Imaginer son rire remplir toutes les pièces de la maison, s'endormir au fil de la paresse ou au fil des heures à perdre la raison. Aimy lui manque.

-Mamie !

-Oui ma Chérie?

-J'aimerais proposer à Aimy de rester dormir demain soir. Est-ce-que tu voudrais?

-Bien sûr ma Chérie. Mais c'est à elle qu'il faut demander, lui sourit-elle. Elle te manque, n'est-ce pas?

-Oui...Mamie...je crois que je suis amoureuse.

-Ah bon? Je ne l'avais pas remarqué !

-Oh... tu te fiches de moi ! C'est pas drôle, tu sais.

-À voir ta tête...si...je trouve !

-C'est trop long sans la voir...pfff...

-Et bien envoie lui un message.

Julia pianote sur ses touches avec rapidité, pressée d'avoir la réponse au plus vite. Sa grand-mère rit et sirote le cocktail de jus de fruits fraîchement préparé. Une vibration retentit faisant sursauter les deux acolytes, perdues dans leurs pensées respectives. Julia ouvre sa messagerie sans tarder et ne peut dissimuler un large sourire qui amuse la mamie.

-On dirait bien qu'elle a dit oui !

-Elle est d'accord Mamie. J'suis trop contente !

-Vraiment?... ça ne se voit pas.

-Oh ça va Mamie ! Arrêtes de te moquer de moi.

-Mais non ma Chérie. Je suis si heureuse pour toi ! Et vous allez tellement bien ensemble.

Julia et sa mamie ont savouré leur repas dans la joie et la bonne humeur. La grand-mère, ravie, se souvient trop bien du nombre de fois où sa petite fille s'est recroquevillée dans son lit, pour cette veillée qu'elle ne supportait pas. De l'observer si enthousiasmée, pleine d'ardeur, réchauffe le cœur de la grand-mère et remercie Aimy de lui apporter tout cet amour nouveau, un peu plus chaque jour.

Aimy, de son côté, est loin d'avoir la tête à la fête. Elle n'attendra pas minuit passé pour aller se coucher. Ce n'est pas qu'elle n'aime pas ses parents, mais elle sait qu'ils font tout pour éviter certains sujets. Elle les comprend bien qu'il faut admettre que c'est assez pesant. Et puis, passer sa soirée à écrire pour maintenir une conversation, n'est pas de ce qu'elle appellerait pure distraction. Elle éprouve largement plus d'intérêt à enfoncer les touches de son portable pour rester connectée à sa petite amie que de traîner à table.

Aimy sourit à la réception d'un message, sous le visage surpris des parents, le temps de la lecture. C'est l'agitation dans son cerveau, dans ses mots qu'elle abandonne en écriture pour informer ses parents de l'invitation. Ils oublient leurs principes, les règles, le temps d'une soirée et se précipitent d'accepter face au visage conquis de leur fille. Aimy est une personne bien élevée et elle a passé l'âge de se faire réprimander. Comment pourraient-ils la priver de ce qui la rend enfin heureuse? C'est le cœur léger, soulagée qu'elle bénit leur bonté et celle qui la déposera chez Julia demain. Elle enfile son pyjama, se glisse dans son lit et souhaite une bonne nuit à sa petite amie avant que Morphée ne l'emporte jusqu'au petit matin.

Après le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant