Après le silence

Les vacances.

Aimy monte dans le car, déjà nostalgique de cette journée magnifique. Elle annoncera ce soir, à ses parents, ses résultats, la rencontre de son amie Julia, tout ce qu'elle a fait pour elle et depuis combien de temps. C'est la première fois que ceux-ci la sente plus enjouée et dévouée à tant écrire pour une soirée.

-Aimy, nous sommes fiers de toi !

Sa mère ne peut s'empêcher de pleurer de joie aux nouvelles de sa fille que ça lui procure. Cet étau invisible et dur dans la poitrine de sa mère se desserre un peu bien qu'elle sait sa progéniture fragile et que rien n'est encore gagné. Mais ce soir, et depuis une année bien tassée, elle a bon espoir. Elle a bien compris qu'il est inutile de bousculer sa fille, que seul le temps et la bonne personne n'atténuera ses blessures.

Son père n'aura pas beaucoup parlé au repas mais s'est montré très fier de sa fille et des efforts qu'elle a fourni pour ses résultats. Il cachera ce qu'il ressent par peur de voir tous ses espoirs anéantis.

Après cet échange, Aimy a regagné sa chambre, s'est laissée tomber sur son lit et s'est baladée dans son esprit. Elle a vraiment passé un bon après-midi en compagnie de son amie et elle éprouverait presque du manque d'elle. Enfin, elle ne sait pas trop si ce sont toutes ces semaines de partiels ou cette complicité nouvelle. Elle a besoin de faire du tri. Demain, elle s'accorde une grasse matinée et elle rejoindra Jade pour tout lui partager. Même si chaque soir elle lui parlait et s'endormait avec elle, ce n'est pas pareil. Dans le Jardin, elles ne sont que toutes les deux, face à face et il semble plus facile à Aimy de lui faire ses aveux. Jade lui manque, mais il lui semble que son cœur est moins lourd et moins douloureux que les mois auparavant. Rien ne s'efface ni ne se remplace, c'est juste qu'elle va de l'avant.

C'est juste que depuis la présence de Julia, son corps subit quelques turbulences. La douceur bleutée du regard de son amie, l'apaise comme il l'attire. La tendresse dans ses gestes lui semble comme une caresse qu'elle respire. Oui, elle est douce et attentionnée et Aimy ne peut l'ignorer.

Pourtant, elle est incapable de juger s'il s'agit d'une profonde amitié ou de ces sentiments passionnés d'un amour naissant. Ni elle, ni Julia n'ont discuté de cela. Faudrait-il encore  qu'elles le déterminent? Pas une ne parvient à mettre des mots sur ce qui les minent quelquefois. Il est bien trop tôt pour parler de ça, elles ne sont qu'à l'ébauche d'un dessein. Elles remercient seulement le destin de les avoir mis sur leur route.

Julia ne fera pas mieux ce soir-là. Elle s'adosse contre le mur, à la tête de son lit et réfléchit. Elle agite la lettre entre ses doigts qu'elle lit et relit pour la 10e fois. Aimy est touchante et elle remarque que depuis son arrivée dans sa vie elle se sent plus vivante. Elle non plus ne connaît pas la différence de ce sentiment nouveau.

Julia n'a jamais aimé. Trop solitaire, trop déchirée, elle n'est même pas sûre de plaire. Peu confiante en elle aussi, elle préfère se réfugier derrière ses peintures colorées. Elle a tant souffert que d'aimer l'effraie et perdre un être cher est au-dessus de ses capacités. Que ce soit d'un homme ou d'une femme, elle n'a jamais été attirée et s'interroge même sur sa sexualité.

Lorsqu'elle pose ses yeux sur Aimy, tout est différent. Son cœur explose, parfois il loupe un battement et c'est encore plus grandiose lorsqu'elle croise leurs doigts. Un sentiment qu'elle ne connaît pas et qui manque quand elle n'est pas là. Elle ne regarde pas Aimy, non, elle l'admire, même sans voix, elle chavire. Elle aime sa façon de bouger, de s'exprimer et de dessiner. Elle pourrait la scruter pendant des heures, pouvoir lui effacer ses peurs et attendre cette petite lueur dans ses yeux qu'elle n'est pas loin de raviver.

Julia n'est pas pressée, elle est patiente et ne veut pas brusquer son amie. Elle a conscience de son état, de ce qu'elle a traversé. Elles souhaitent juste prendre du bon temps et faire ce qu'elles ont envie quand c'est le moment et pas trop quand elles étudient.