Les lendemains.

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Aimy se lève et comme tous les matins, elle commence sa journée par un grand bol de café. Ses parents sont déjà partis travailler. Mais quand ils sont là, c'est un monologue de sa mère qu'elle doit essuyer. Elle sait pourtant qu'Aimy ne répondra pas, mais elle s'obstine à combler le vide, faire semblant que rien n'a changé.

Aimy tourne la cuillère dans son café, l'avale par petites gorgées jusqu'à l'épuiser. Quand sa mère ne se presse pas pour retirer son bol, Aimy le pose dans l'évier puis part se doucher. Une fois lavée et habillée, elle regagne sa chambre et prépare son sac à dos. Elle y enfourne un coussin et sa pochette à dessins puis le glisse sur son dos. Elle franchit la porte d'entrée qu'elle referme précieusement à clé, lorsqu'elle est seule.

Elle ne salue plus personne et c'est tête baissée qu'elle arpente les rues du village encore peu éveillées. Elle ne porte plus de maquillage et se soucie peu de l'allure qu'elle dégage. Elle n'a que faire des apparences et des gens car tout lui rappelle ce qu'elle vit déjà dedans. Tout ignorer est la seule manière qu'elle a trouvée pour avancer.

Mais comme chaque jour, elle part d'un pas décidé au "jardin des souvenirs". Le jardinier ne s'étonne plus, il la connaît et connaît son histoire. De toute façon, elle passe à côté de lui sans le voir. Arrivée devant sa création et son plus grand désespoir, elle dépose son coussin pour s'y asseoir. Elle sort sa pochette à dessins et quelques feutres noirs.

De ses mains, elle tend parfois un dessin devant elle, sans doute pour le partager avec Jade

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De ses mains, elle tend parfois un dessin devant elle, sans doute pour le partager avec Jade. Oh, elle ne dit rien, mais lui montre bien. Avant de se remettre à griffonner, elle fixe Jade. Certains supposent qu'elle lui raconte une histoire, d'autres pensent qu'elle exorcise sa douleur ou encore la maintient. Personne ne peut réellement dire ce qu'elle fait chaque matin, à part dessiner. Elle continue sa vie dans ses rituels bien ancrés, entrecoupés par  ses heures de thérapie, auxquelles elle ne voit aucun intérêt. Mais c'est le souhait de ses parents dont elle mettra bientôt un terme. Comment peuvent-ils savoir ce qu'elle aime et ce qui est bon pour elle?

À multiples reprises, ils voulaient s'opposer à ces trajets au "jardin des souvenirs" mais ils ont vite abdiqué quand ils ont vu leur fille dépérir. Alors, ils la laissent gérer et espèrent que ça l'aidera à guérir.

Aimy n'a rien lâché de toute l'année qu'elle a passé sans étudier. Toutes ces heures plantées au pied de Jade sans broncher, à dessiner. Son état reste inchangé, malgré les jours qui ont défilé.

Elle a refusé de partir en vacances avec ses parents mais les a sommés d'y aller par écrit, sans sourciller. Ils ont eu beaucoup de mal à la quitter, même si leurs vacances arrivaient à point nommé. Ils ont besoin de s'aérer, de changer d'endroit et de quartier. Ce silence trop pesant leur fait parfois renoncer. Aimy ne veut pas s'éloigner de Jade, malgré tous les rêves qu'elles avaient envisagé. C'était avec elle et non sans elle.

Son téléphone regorge de photographies de sa petite amie, et chaque soir, elle les contemple dans le noir avant de s'endormir. Difficile de croire qu'elle a oublié son parfum, quand tout lui revient. C'est bien cela le drame, c'est qu'elle n'oublie rien. Chaque moment passé avec Jade, elle s'en souvient.

Après le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant