L'épreuve de la bénédiction

Hagen vs Hilda

Tout près de la cheminée, assis sur l'épais tapis tissé en motifs nordiques, Hagen ne pouvait s'empêcher d'observer du coin de l'œil la jeune fille à ses côtés. Celle-ci était plongée dans un livre de contes de leurs contrées, le même qui la fascinait depuis toujours et dont elle ne se lassait pas.

Au moment de tourner la page en lourd papier, elle releva la tête, son épaisse chevelure blonde et ondulée bougeant dans le mouvement. Elle lui sourit avec ses petites lèvres nacrées et ses grands yeux verts pétillants de vie se posèrent sur lui. Dame Freya était sa force, sa faiblesse, son autre raison de protéger le royaume d'Asgard, lui, le Guerrier Divin de Bêta et ce, depuis son introduction dans le palais d'Odin.

Les dieux lui ayant permis à lui et ses compagnons de combat de revenir à la vie, sa loyauté envers les sœurs souveraines s'était renforcée, tout comme la tendresse qu'il éprouvait pour cette fille plus jeune qu'elle. Ses erreurs lors de cet affrontement contre les chevaliers d'Athéna restaient malgré tout en lui, qui s'était juré depuis sa plus tendre enfance de protéger Freya quoiqu'il arrivât, de l'écouter, de veiller surelle malgré tout. Pire, il avait levé la main sur elle et n'avait pas entendu ses suppliques, ses cris de désespoir.

Il ne lui en avait jamais parlé dès sa résurrection, mais il avait gardé ces souvenirs, et s'en voulait. Malgré l'amour qu'il portait à cette princesse. Il était incapable de se déclarer, ni même de la regarder trop longtemps dans les yeux. Encore moins d'oser en parler à Dame Hilda. Si son bonheur était de rester auprès des souveraines d'Asgard et leur tenir compagnie comme il le faisait actuellement, il accepterait son destin. Défendre les terres d'Odin et ses habitants était sa mission, alors si tel était son avenir de rester à distance de cette jeune fille, tant qu'il pouvait voir son sourire, il serait comblé de bonheur.

« Hagen? Fit Freya arrêtant sa lecture. Tout va bien?

-.. oui... Je sens une présence arriver. Ce doit être votre sœur.

Effectivement, Hilda entra dans la grande pièce et sourit doucement en leur direction.

-Tu avais raison! Bonjour, Grande sœur. Tu viens te joindre à nous?

-Non, Freya. Le diner va être annoncé, mais avant, je désirerais parler à Hagen.

Le beau visage de la reine d'Asgard se referma légèrement, mais une aura bienveillante flottait autour de la jeune femme quand même. Lorsqu'elle voulait s'entretenir avec les Guerriers Divins, il était toujours question d'une mission d'aide envers le peuple. Tel était leur devoir désormais depuis le retour de la paix: soutenir les gens même en faisant de menus travaux afin que cette région du globe leur paraisse moins hostile, même dans cet éternel hiver.

-Je comprends, dit la plus jeune. Je vous attends dans la salle à manger.

Freya partie, Hilda s'assit dans un fauteuil près de la cheminée.

-Tu n'es pas obligé de rester debout, Hagen, suggéra-t-elle alors que le jeune homme s'était levé, positionné aussi droit qu'un piquet à l'entrée de la reine. Il n'y a rien de formel dans ce que je voudrais te dire.

-Bien, votre Altesse...

Malgré tout, le guerrier se sentait mal à l'aise. Il sentait dans la voix pure qui lui parlait une certaine dureté.

-Hagen, je sais ce qui te lie à ma sœur, commença-t-elle.

-Oui je... depuis toujours je me suis engagé à vous servir et...

-Je sais que c'est important de le rappeler, et je n'ai jamais douté de ta loyauté envers moi, la souveraine d'Asgard. Seulement, là, ce n'est pas elle qui désire te parler, mais la sœur ainée de Freya.

Le Guerrier ne répondit que par un signe de tête, montrant qu'il écoutait la jeune femme, sans l'interrompre.

-... Sache que j'ai une totale confiance en toi et en ton dévouement, Hagen, continua-t-elle. Ce qui s'est passé il y a bientôt deux ans restera en effet intact dans les mémoires et les archives d'Asgard, mais tout comme les contes que Freya aime lire, la fin n'est provoquée que par manque de place sur les pages, n'est-ce pas? On a tous fait des erreurs, moi la première, en me laissant emporter par ce maléfice de l'anneau des Nibelungen, j'ai causé de la peine à mon peuple en imposant des idées que même notre dieu Odin ne cautionne pas, et à présent, je cherche constamment la manière de rendre les habitants du royaume heureux même dans notre région si hostile. Tu te rappelles, à l'époque, de la joie de Freya quand elle avait aperçu une fleur sortant de la neige, un jour où le soleil apparaissait?

Hagen hocha de la tête. Dans son esprit, la voix rieuse de la princesse blonde résonnait encore comme si c'était la veille.

-C'est ce genre de joie que je désire pour tout le monde dans Asgard. Malgré notre éternel hiver, on a tous besoin d'un peu de chaleur dans notre cœur. Même si elle ne vient pas d'un feu de cheminée, elle peut être n'importe où et provenant de n'importe qui. Et je te sais assez intelligent pour comprendre là où je veux en venir...

-J'ignore si je suis digne de cela, votre Altesse. Je repense sans arrêt à ce que j'ai fait dans la grotte, j'avais choisi mon devoir de Guerrier Divin plutôt que de suivre mes résolutions et vous protéger toutes les deux sans faillir...

-Malgré cela, Freya ne te repousse pas depuis ton retour...

-Vous avez raison...

-Sais-tu que son anniversaire est dans trois semaines?

-C'est une date que je n'oublie jamais.

-Je compte lui offrir un voyage en France, elle rêve de voir ces châteaux d'une région qui borde un long fleuve et qui semblent magnifiques. Je remercierais presque Alberich de lui avoir mis ces revues de géographie entre les mains.... Enfin... Je souhaiterais que tu l'accompagnes dans ce séjour. En tant que reine d'Asgard je ne peux partir sur un coup de tête et sans raison politique. Et je ne vois que toi pour veiller sur elle.

-Votre Altesse...

-Tu peux prendre cela comme une mission d'escorte, un test de confiance ou bien un voyage avec une personne qui t'est chère et à qui tu voudrais dévoiler ton cœur. Comme tu le sens.

-Merci Dame Hilda. Je ferai de mon mieux pour que Dame Freya garde son éternel sourire aux lèvres. »