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Vassili

Je me suis rendu à la demeure du grand chef de l'organisation suite à sa demande. Sans doute, un compte-rendu a dû lui être apporté après ce qui c'est passé hier, l'un de ces sbires est venu à ma rencontre au grand hôtel où j'ai séjourné pendant l'opération.

Je traverses les grilles métalliques de son portail avant de pénétrer dans sa résidence. Toujours son habitude de voir les choses en grand, même à l'extérieur. Je fais le tour de sa fontaine avant de me garer devant ses escaliers en marbre. J'ai l'habitude de prévenir le voiturier de ne pas toucher mon bijou. Ma chère et tendre Chevrolet corvette C1. Même la toucher avec les yeux pourrait la railler, le périmètre pour l'approcher était au minimum de 20 mètres. Pas question qu'un novice si frotte de trop près, au risque de finir sous mes roues, la seule et unique fois qu'il la verra de près.

La routine habituelle : une confrontation plutôt misérable avec Dorian qu'il se termine par un avertissement de Lev, qui me conduit au bureau du chef, sans arme. Donovski est assis derrière son siège allumant un cigare neuf en remarquant l'emballage sur sa table de travail. Les pieds sur la table avec son costume taillé sur mesure, ses traits sur son visage très fermé lui donnant un air encore plus vieux. Il reste tout de même un sacré personnage malgré son âge avancé qui se fait distinguer de plus en plus, une personne effrayante pour certains, vieux pour moi.

"-Je ne pensais pas que tu viendrais à mon rendez-vous. Souffle-t-il pour relâcher la fumée stockée dans ses poumons.
-Moi non plus. Réponds-je tirant son fauteuil en velours suivi de Lev resté silencieux depuis le début qu'on s'est vu. Étrange de sa part. Ça n'annonçait rien de bon.
-Tu as rencontré Ivanna hier. "Rencontrer" n'est pas le mot que j'aurai employé pour cette rencontre. Que penses-tu d'elle ? Rien, cette fille ne m'aspire rien. Ni de bon comme de mauvais. Et pourtant, mon esprit n'est pas resté indifférent de cette entrevue.
-Je dois penser à quelque chose en particulier en pensant à elle ? Je regarde Boris se lever et faire le tour pour se planter devant sa baie-vitrée et fumer son bâton de nicotine nous tournant le dos. Je croyais que le chef m'avait fait venir pour parler des infos récoltées lors de la mission. Le pique-je pour lui faire cracher le morceau.
-Lev. L'appelle-t-il se tournant vivement pour rejoindre son bar et se servir un whisky. Je tourne mon attention sur mon collègue assis à ma droite pour le regarder s'avachir sur le dossier et se frotter le visage comme pour camoufler une nuit-blanche.
-Ivanna ubila informatora, k kotoromu my dolzhny byli poyti. Garder ses émotions sous contrôle, ne pas faiblir.
*

Ivanna a tué l'informateur que nous devions aller voir.
-klyanus', ya ub'yu etogo rebenka. Crache-je dans un murmure serrant la mâchoire pour moi aussi m'appuyer contre le dossier et poser mes bras sur les accoudoirs.
*Je jure que je vais tuer cette gamine.
-Mes hommes l'ont retrouvé dans un entrepôt à une heure du lieu de la fusillade. Explique Boris retourné s'asseoir en face de nous accompagner de son verre à moitié vide.
-Tu n'es pas sensé gardé ta tvoy malen'kiy protezhe* sous ton aile ? Si tu n'y arrives pas met la en laisse. Ses yeux cristallins me foudroient, j'en tremblerai presque... Entièrement et totalement faux.
*ta petite protégée.
-Tu n'avais qu'à la laisser tuer Romain, ho ! Excuse-moi, tu voulais satisfaire ton assouvissement de pouvoir, une compensation évidente de ne pas avoir pu sauver tes parents. Putain, ce petit handicapé aux cheveux blancs, il allait manger mon canon aussi profond que sa gorge puisse accueillir quelque chose. Notre instinct primordial nous pousse à nous lever et à nous affronter front contre front. En taille, il me dépasse, mais pour ce qui est de la force, ça reste à prouver. Nos regards en disent long sur nos pensées. Je vois bien que ma non-réaction impact plus sa colère que ce que je venais de lui dire. C'était toujours comique de voir une personne perdre patience. Il est loin du compte avec moi, chercher à m'éprouver une quelconque réaction revient à chercher quelque chose dans la pénombre. Je veux lui faire la peau, comme toujours, mais je crois que ça ne suffira pas à assouvir ma rancœur envers ce sobaka*.
*chien/clébard.
-Tu n'aimes pas qu'on touche à ton petit toutou. Ne parle pas de chose dont tu n'as pas idée. Nargue-je éliminant le peu de distance qui nous sépare. Le bruit sourd contre la table nous a sortis de notre bataille de regard, Boris a martelé son bureau jusqu'à ce qu'on soit le cul sur ses fauteuils.
-Posledniy raz, Eto posledniy raz, kogda eta stsena proiskhodit v moyem ofise i peredo mnoy, ya dostatochno yasno vyrazilsya ? Notre réponse a été plus silencieuse que je ne l'aurais imaginé. Il ne voulait pas riposter, et moi non plus. Elle va se rendre en Italie, seule. Je croise les bras, seule ou accompagnée, elle se ferra beaucoup d'amis. Vassili, tu comptais aller chercher un billet.
*Dernière fois, c'est la dernière fois que cette scène se déroule dans mon bureau et devant moi, suis-je assez clair ?
-Donc je dois jouer les baby-sitters en Italie, conclus-je pour prendre un air las au visage. Ce n'est pas le boulot de Lev ?
-Boris, otpusti menya v Italiyu na svoyem meste*. S'interpose-t-il se rapprochant de son bureau pour lui parler d'homme à homme. Son signe de main le laisse en suspens.
*Boris, laisse-moi partir en Italie à sa place.
-Lev, tu dois t'occuper des cargaisons à envoyer au Brésil.
-Il peut le faire. Surenchérit Lev, les sourcils froncés. Je ne le confirme pas, mais ne le nie pas non plus, c'est vrai que je peux le faire à la place de l'albinos cependant je ne vais laisser passer une chance pareille de trouver des infos sur Poltrok. Quitte à surveiller sa printsessa* je prend volontier le choix d'aller en Europe. Et puis mener un affrontement contre les décisions du mafieux est limite de l'insolence voir une insulte envers Donovski. Lev le sait, ce qui prouve beaucoup encore sur la relation qu'il entretient avec elle.
*princesse.
-Il ira avec elle. La tension qui l'habite fait peine à voir, mais succombe au jugement de Boris. Qu'est-ce qu'elle est vraiment pour lui ? Me fait-il aussi peu confiance pour ne pas garder un œil sur elle ? Je suis le premier à ne pas lui faire confiance alors, son hypothèse est justifiée.
-C'est bon, interviens-je envers celui de droite. Je prendrai soin de ta malen'kaya zvezda*. Il se lève pour passer derrière moi.
*Petite étoile.
-Si j'apprends que tu as posé un doigt sur elle, il n'y a plus d'Irbis qui tienne sous ce toit. M'informe-t-il pour partir et claquer la porte faisant trembler l'alcool du mafieux. Sans regarder l'homme en face de moi, je me lève pour quitter la pièce à mon tour me faire arrêter dans ma course par un raclement de gorge.
-Quelque chose a rajouté ? Questionne-je tournant légèrement mon menton derrière moi.
-Quand vous serez arrivé en Italie, un informateur vous rejoindra pour plus d'info. J'incline ma tête en signe d'approbation et pour lui dire au revoir et quitter la pièce."

VᴀssɪʟɪOù les histoires vivent. Découvrez maintenant